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Qui nourrira la Chine : L’agrobusiness ou les paysans chinois ? Les décisions de Beijing ont des répercussions mondiales

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 21 septembre 2012
En commençant à importer du soja pour servir de fourrage vers la fin des années 1990, la Chine a déclenché dans l’agriculture l’un des changements les plus dramatiques que le monde ait jamais connu. À l’autre bout de la planète, 30 millions d’hectares de fermes, de forêts, de savanes et de pâturages du Cône Sud de l’Amérique latine ont été convertis en plantations de soja, afin de fournir aux nouvelles fermes industrielles chinoises une source d’alimentation animale bon marché. En Chine même, le niveau des prix payés aux paysans et d’autres mesures en faveur des grandes entreprises agroalimentaires ont forcé des millions de familles à abandonner la production de viande. Les grandes sociétés et les gros exploitants agricoles ont fait fortune, mais les communautés rurales, en Chine comme dans le Cône Sud, en ont fait les frais.

source : www.grain.org - 04 aout 2012

L’idée était de pouvoir fournir de la viande bon marché à une population urbaine chinoise en forte expansion. Toutefois, en 2008, les prix du porc se sont envolés à la sévère épidémie qui a ravagé l’industrie porcine chinoise. Aujourd’hui, le pays s’apprête à faire face à un épisode d’inflation alimentaire encore plus grave car la sécheresse aux États-Unis a provoqué une forte augmentation des prix du soja au niveau mondial. De plus, les consommateurs chinois ont été confrontés à bon nombre de scandales de sécurité alimentaire et de catastrophes environnementales dues au passage à la production industrielle de la viande.

Cette année, la Chine a dépassé les États-Unis et est devenue le premier marché alimentaire du monde. Si ce rythme perdure, les consommateurs chinois dépenseront 1 600 milliards de dollars US en alimentation en 2015.
Les problèmes que génère, en Chine comme ailleurs, cette dépendance croissante du pays vis-à-vis des importations d’alimentation animale ne peuvent que s’aggraver si la Chine continue à ouvrir son marché aux importations de maïs ; le maïs est l’autre grande matière première servant à la fabrication d’aliments animaux industriels. En 2012, la Chine importera une quantité record de cinq millions de tonnes de maïs et le pays devrait acheter sept millions de tonnes en 2013. Même si cela ne représente que quelque 5 % de la consommation nationale de maïs, c’est tout de même plus que la totalité du maïs importé par la Chine au cours des 25 dernières années et l’impact sur les prix mondiaux se fait déjà sentir. [1]

La Chine est actuellement le plus grand marché alimentaire du monde. Ce que mangent les Chinois a des répercussions mondiales, parce que les pratiques de production de la nourriture et sa provenance ont un impact de plus en plus global. Si le gouvernement chinois ouvre le pays aux importations de maïs comme il l’a fait pour le soja, cela pourrait provoquer dans l’agriculture un changement de la même envergure que celui qu’on a pu observer avec le soja. Or les événements récents indiquent que le changement est déjà amorcé.

Luttes d’influence pour l’approvisionnement en maïs de la Chine

Les importations de soja en Chine ont permis aux sociétés agroalimentaires transnationales comme Monsanto et John Deere , qui fournissent aux agriculteurs brésiliens semences, intrants chimiques et tracteurs, d’engranger d’énormes bénéfices. Elles ont également constitué une importante source de bénéfices pour les négociants en céréales et les fabricants d’alimentation animale comme Cargill et Bunge qui contrôlent désormais l’industrie de la transformation du soja en Chine.

Le passage aux fermes industrielles et aux importations de soja a aussi permis la montée d’une nouvelle classe d’entreprises agroalimentaires chinoises. L’entreprise d’État COFCO et le New Hope Group , une société privée, sont désormais des entreprises agroalimentaires transnationales à part entière.

Un boom du maïs comparable à celui du soja conviendrait parfaitement à toutes ces entreprises. Tout en préparant le terrain, elles exercent déjà de fortes pressions en ce sens.

Illustration 1. Importations de soja et de maïs en Chine

Si ces entreprises obtiennent ce qu’elles veulent, le gouvernement chinois réduira ou éliminera carrément les quotas et les autres mesures qui ont réussi jusqu’à présent à protéger la consommation nationale de maïs de la concurrence d’importations moins chères. La consommation chinoise de soja a augmenté de plus de 160 % entre 2000 et 2011 quand les barrières douanières ont disparu, alors que dans le même temps les surfaces de cultures de soja diminuaient de 20 %.Les paysans chinois étaient tout simplement dans l’incapacité de faire concurrence à du soja importé qui coûtait entre 300 et 600 RMB (soit 45-90 dollars US) de moins à la tonne que le soja produit en Chine. Le soja importé représente de nos jours les trois quarts du soja transformé en huile alimentaire et en aliments animaux en Chine, c’est-à-dire les produits de la trituration du soja. [2]

Pendant la même période, la Chine a au contraire protégé et régulé son maïs qu’elle considérait comme un élément stratégique de sa sécurité alimentaire. La production locale a suivi l’augmentation de la consommation : entre 2000 et 2011, les surfaces plantées en maïs se sont accrues de 44 % et les rendements ont progressé de 25 %. [3].

Plus la Chine importe de maïs, plus elle va casser les prix de ses propres paysans et plus elle va devoir dépendre de la production étrangère.

Mais d’où viendront donc ces nouveaux approvisionnements ? Les États-Unis, qui subventionnent leur production de maïs, sont une source essentielle pour satisfaire la demande chinoise à court terme, ce qui explique pourquoi le Japonais Marubeni a déboursé la somme incroyable de 5,8 milliards de dollars US pour acquérir en mai 2012 le négociant en céréales américain Gavilon. Mais comme le montre la sécheresse qui sévit aux États-Unis cette année, il est important de diversifier géographiquement les approvisionnements. Durant l’année précédant son achat de Gavilon, Marubeni avait signé un accord de coopération avec le Chinois New Hope pour collaborer à des opérations de développement en Afrique, au Moyen-Orient, en Europe de l’Est et en Amérique du Sud ; il a aussi acheté un élévateur à grain au Brésil et lancé une société en participation (joint venture) avec le négociant en céréales Sinograin qui appartient à l’État chinois, dans le but d’établir des usines d’aliments et des fermes porcines en Chine.

Nous prévoyons de poursuivre notre expansion en Amérique latine, et peut-être en Europe de l’Est, en Australie et en Afrique”, indique Daisuke Okada, directeur des opérations de la branche alimentation de Marubeni. “ Par conséquent, si nous voulons pouvoir faire face à la demande future en Chine, il nous faut mieux assurer nos approvisionnements.” Selon M. Okada, la demande d’alimentation animale devrait multiplier par quatre les importations de maïs, les faisant passer à 15 ou 16 millions de tonnes d’ici 2020, tandis que les importations de soja augmenteraient de 60 à 90 millions de tonnes. [4]

Les entreprises chinoises s’efforcent aussi de contrôler l’approvisionnement des produits agricoles destinés à la Chine. COFCO, le plus gros négociant en céréales du pays et l’une des plus grandes entreprises de viande et de produits laitiers, est en train d’étudier des possibilités d’investissement dans la production et la logistique commerciale du soja en Russie, au Brésil et en Argentine. Chongqing Grain a mis de côté 6 milliards de dollars US à investir dans la production et le commerce de céréales et d’oléagineux en Argentine, au Brésil, au Canada et dans d’autres pays. Beidahuang, la plus grande entreprise agricole de Chine, affirme avoir commencé à planter du soja sur 13 000 ha de terres en Argentine et a l’intention de poursuivre son expansion grâce à un partenariat avec le plus gros propriétaire terrien du pays (voir encadré).

“La Chine a 800 millions de paysans, dont 300 à 400 000 quittent actuellement leur village pour aller vivre en ville, ce qui va accroître la demande de produits agricoles tout en réduisant l’offre. C’est un avantage pour les entreprises agricoles, comme la nôtre,” explique le président du New Hope Group, Liu Yonghao, quatrième fortune de Chine et Vice-président de la Commission des affaires économiques de la Conférence consultative politique du peuple chinois [CCPCC]. M. Liu veut que la Chine ouvre son marché du maïs comme elle l’a fait pour le soja, en changeant la classification du maïs qui deviendrait alors une culture non stratégique pour la sécurité alimentaire.

C’est New Hope, la plus grande entreprise d’agrobusiness privée de Chine, qui est allé le plus loin dans son expansion en terre étrangère : Le groupe possède 16 usines en-dehors de la Chine et entend en ouvrir 7 ou 8 chaque année. L’entreprise prévoit également d’installer des usines et des fermes au Moyen-Orient, en Afrique du Sud et en Europe centrale ; elle est soutenue dans ce projet par un fonds lancé en novembre 2011, qui compte parmi ses investisseurs le fonds souverain Temasek (Singapour), le négociant mondial de céréales ADM (États-Unis) et Mitsui (Japon).

Cependant, l’approvisionnement mondial en produits agricoles est déjà juste et la Chine n’est pas le seul pays dont l’appétit va croissant : les voisins de la Chine, en particulier le Japon, la Corée et l’Inde, sont tous très inquiets à propos de leur sécurité alimentaire et prennent des mesures similaires pour aider leurs entreprises à assurer leur approvisionnement à l’étranger.

Dans le même temps, le déficit alimentaire (c’est-à-dire la différence entre les importations et les exportations alimentaires) est en réalité plus important en Afrique et au Moyen-Orient qu’en Asie et il se creuse aussi plus rapidement. Les pays les plus riches de la région, notamment les pays du Golfe, prennent des mesures agressives pour pouvoir contrôler la production alimentaire hors de leurs frontières.

Venant aggraver encore la situation, la demande croissante d’agrocarburants augmente la compétition pour les produits agricoles comme le maïs, l’huile de palme et le sucre, et accroît la pression sur les terres qui peuvent servir à la production de nourriture. Ainsi, au niveau mondial, l’éthanol a utilisé 27,3 % du maïs en 2011. [5]

Pour moi, l’augmentation de la demande chinoise de maïs est inexorable,” affirme David Nelson de Rabobank, l’un des plus grands prêteurs de l’industrie agroalimentaire, qui investit aussi dans les terres agricoles du monde. (Tiré de "Marubeni bets on China with Gavilon deal," Financial Times, 29 mai 2012)

La prochaine frontière

Au-delà des luttes visant à contrôler les centres actuels de la production destinée à l’exportation, on observe une forte pression pour ouvrir de nouvelles frontières qui puissent permettre de produire du maïs, du soja et d’autres matières premières agricoles à bas prix ; un mouvement qui rappelle ce qui s’est passé dans le Cône Sud de l’Amérique latine. Compte tenu de l’importance de la demande mondiale, les prix des produits agricoles resteront probablement élevés pendant un certain temps. Au moins dans les zones de production où la main d’œuvre est bon marché et où il est possible d’établir de nouvelles exploitations agricoles à grande échelle, l’agriculture industrielle est aujourd’hui considérée comme une entreprise juteuse et de nombreux acteurs - des gestionnaires de fonds de pension aux courtiers en céréales - veulent leur part du gâteau.

Selon Greg Page, PDG du groupe américain Cargill, le plus gros courtier en céréales du monde et l’un des plus grands exportateurs de produits agricoles en Chine, plus de 20 % de la superficie mondiale devra être consacrée à la production de produits agricoles pour satisfaire une consommation croissante. Il prévoit que cette augmentation des surfaces cultivées se fera principalement en Afrique, sur des terres actuellement travaillées par de petits agriculteurs.

Le monde a dépensé des centaines de milliards de dollars en Afrique et les petits producteurs ne nous ont rien rapporté,” affirme M. Page. “Nous avons besoin de leurs terres, mais il nous faut réfléchir sérieusement à la façon de le faire." [6]

On espère transformer des régions entières du continent africain en un nouveau eldorado, un endroit où les entreprises peuvent avoir accès à des terres fertiles, à l’eau et à une main d’œuvre bon marché pour y mettre en place une agriculture d’exportation à grande échelle. Certaines parties d’Europe de l’Est, de la Colombie, de l’Asie centrale et de l’Asie du Sud-Est constituent également des cibles intéressantes. L’International Land Coalition a calculé que depuis 2002, 83,2 millions d’hectares, soit 1,7 % de la surface agricole mondiale ont été acquis par des investisseurs étrangers pour y faire de l’agriculture ; et plus de 60 % des transactions foncières se jouent en Afrique.

Pour permettre ces changements, les communautés sont déplacées ; des millions de personnes perdent leur accès à l’eau et les systèmes alimentaires locaux sont détruits pour faire place aux exportations. L’ouverture des nouvelles frontières de la production agricole industrielle semble déjà bien avancée. Augmenter les exportations de maïs vers la Chine ne peut que jeter de l’huile sur un feu qu’on est incapable de maîtriser.

Une solution très simple

Le monde n’est pas obligé de s’engager sur cette voie. Face à la nouvelle augmentation brutale des prix des matières premières agricoles au niveau mondial, la Chine pourrait freiner la production industrielle de viande, commencer à soutenir l’élevage artisanal fondé sur les ressources locales et mettre fin à ses efforts agressifs pour transformer les paysans en main d’œuvre à bon marché.

Les manifestations qui se déroulent dans les zones rurales en Chine semblent indiquer que beaucoup de petits producteurs en ont assez de se faire chasser de leurs fermes, de voir leur terre et leur eau empoisonnées par la pollution industrielle et agricole et se se battre pour s’en sortir. Ils ont la capacité d’assurer les besoins alimentaires du pays, mais doivent faire face à des obstacles toujours plus sévères, dont la plupart sont liés à ce système alimentaire industriel qui s’incruste de plus en plus dans le paysage économique chinois.

Les décisions gouvernementales de s’appuyer sur les importations de produits agricoles servent les intérêts de l’agrobusiness et son besoin de sources d’alimentation animale bon marché. Elles n’apportent rien à la majorité de la population chinoise et ne servent aucunement à garantir ses besoins alimentaires ; au contraire, elles menacent la terre, les moyens d’existence et les systèmes alimentaires locaux des communautés dans le monde entier.

Encadré 1 : De la ferme à l’usine

Il y a dix ans dans les principales provinces productrices de porc en Chine, celles de Fujian, Guizhou, Hainan, Hunan ou Jiangsu, il aurait été difficile de trouver une famille qui n’élevait pas une demi-douzaine de cochons. Aujourd’hui, ce genre d’élevage est devenu rare.

Malgré les subventions gouvernementales et l’augmentation du prix de la viande, le nombre de familles chinoises qui élèvent des porcs a été divisé par deux rien qu’en 2008 et continue à baisser depuis. Les gens des villes mangent peut-être plus de porc, mais les villageois, eux, en mangent moins et gagnent moins d’argent. [7]

Les 200 millions de familles d’agriculteurs en Chine ont en moyenne des revenus moindres qu’un tiers des ménages urbains et il est difficile de déceler des signes du grand boom de la consommation de viande dans les villages chinois.

Et pourtant, le porc tient depuis fort longtemps une place centrale dans la vie de la majorité de la Chine rurale. Il permettait aux familles de recycler les déchets de cuisine et les résidus agricoles pour en faire de la viande à vendre ou à consommer elles-mêmes ; il fournissait aussi le lisier utilisé comme engrais dans les champs. Mais la chute des prix et les mesures favorisant les grandes fermes et la migration vers les villes ont forcé de nombreux foyers chinois à abandonner leurs porcs. Aujourd’hui, les élevages porcins industriels se sont multipliés à la campagne, rejetant d’énormes quantités de déchets dont ils sont incapables de se débarrasser en toute sécurité.

Qu’il s’agisse de porcs, de volailles ou d’autres animaux d’élevage, l’une des conséquences de cette évolution vers les fermes industrielles a été l’augmentation considérable de la demande d’alimentation animale industrielle. Un porc moyen élevé dans une exploitation industrielle en Chine mange environ 350 kilos de grain jusqu’à l’abattage, tandis qu’un porc élevé dans une ferme familiale n’en mange que 150 kilos, parce qu’il consomme aussi des déchets ménagers et des aliments autres que des céréales et qui sont produits localement. Non seulement la Chine mange davantage de viande aujourd’hui, mais ses animaux d’élevage mangent aussi plus de produits agricoles, nettement plus que ce que produit la Chine. [8]

Illustration 2. Pourcentage de la production totale de porcs en Chine par type d’exploitation/d’élevage, 1985-2007 (%).

Encadré 2 : L’effet ricochet

Auparavant, nous avions des fermes, et des vaches, et des arbres fruitiers,” rappelle Sofía Gatica, une des habitantes de la communauté de Ituzaingó, en Argentine. “Mais ils ont détruit tout ça et planté du soja génétiquement modifié." [9]

Les mères de Ituzaingó, une association co-fondée par Sofía Gatica, ont lancé une campagne “Non à la pulvérisation” pour alerter le public aux dangers des pesticides.

Ituzaingó n’est qu’une des communautés affectées par l’expansion gigantesque de la production de soja dans le Cône Sud de l’Amérique latine, suite à l’ouverture à l’importation du marché du soja chinois à la fin des années 1990.

Comme les autres communautés qui se sont trouvées sur le passage du boom du soja, Ituzaingó a perdu bien davantage que sa production alimentaire locale. La pulvérisation aérienne de pesticides sur les champs de soja avoisinants est responsable d’un taux de cancer 40 fois plus élevé chez la population locale que chez la moyenne de la population argentine.

La fille de Sofía Gatica est morte trois jours après sa naissance d’une insuffisance rénale provoquée par l’exposition aux pesticides.

Encadré 3 : Quelques entreprises chinoises ayant des projets agricoles à l’étranger

Chongqing Grain Group (CGG)

CGG, qui est une entreprise d’État, a mis de côté 3,4 milliars de dollars US pour assurer son expansion à l’étranger. Son projet inclut une exploitation de soja de 200 000 ha au Brésil et une de 130 000 ha dans la province de Chaco en Argentine. CGG a aussi l’intention de produire du colza au Canada et en Australie, du riz au Cambodge et de l’huile de palme en Malaisie.

Beidahuang

Beidahuang, entreprise d’État, gère plus de 2 millions d’hectares de terres agricoles dans la province de Heilongjiang. En Argentine, le groupe a mis en place un partenariat avec Cresud, le plus grand exploitant agricole du pays, pour acquérir des terres agricoles. Un accord de 1,4 million de dollars US signé avec le gouverneur de la province de Río Negro pour assurer l’approvisionnement en soja, maïs et autres cultures pendant 20 ans sur 320 000 ha de fermes a été suspendu par voie de justice. Beidahuang attend l’accord pour un projet de développement de 200 000 ha de riz, de maïs et autres cultures aux Philippines. L’entreprise aurait aussi fait des offres concernant plusieurs fermes en Australie occidentale, ce qui représenterait une surface d’environ 80 000 ha. La province de Heilongjiang a de son côté obtenu la location de 426 667 hectares de terres en Russie.

Sanhe Hopeful

L’entreprise privée Sanhe Hopeful dit vouloir investir 7,5 milliards de dollars US dans l’État brésilien de Goias pour s’assurer six millions de tonnes de soja par an. Elle a aussi mis en place une joint venture avec l’homme d’affaires argentin Francisco Macri pour la production et le transport de soja en provenance du nord-ouest de l’Argentine via le port de Santa Fé.

ZTE Corp

ZTE, la plus grande entreprise de télécommunications de Chine, a acquis 30 000 ha de plantations de palmiers à huile sur l’île de Kalimatan en Indonésie, 50 000 ha au Laos pour y produire du manioc et une ferme de 10 000 ha au Soudan pour y faire du maïs et du blé. En République démocratique du Congo, ZTE a installé deux fermes-pilotes et possède une concession de 100 000 ha destinée à une plantation de palmiers à huile qu’il lui reste à développer.

Pengxin Group

L’entreprise immobilière de Shanghai Penxin Group a investi plus de 20 millions de dollars US dans une exploitation bolivienne de soja et de maïs couvrant 12 500 ha ; elle a établi des fermes industrielles au Cambodge et en Argentine, est actuellement en cours de négociations pour acheter 200 000 ha de terres au Brésil pour y produire du soja et du coton, et a acheté 16 fermes laitières en Nouvelle-Zélande.

Tianjin State Farms Agribusiness Group Company

Tianjin State Farms a acquis 2 000 ha de terres en Bulgarie pour y faire du maïs, de la luzerne et du tournesol à exporter en Chine ; le groupe poursuit aussi des négociations pour acquérir 10 000 ha supplémentaires.

Shaanxi State Farm

Shaanxi State Farm a signé un accord d’investissement de 120 millions de dollars US avec le gouvernement du Cameroun ; l’accord comprend un bail à long terme sur 10 000 ha de terres où l’entreprise prévoit de produire du riz, du maïs et du manioc.

Encadré 4 : Principales conséquences de l’industrialisation de la production de viande en Chine

La combinaison de l’industrialisation de l’élevage et de la libéralisation du secteur du soja a provoqué une série de conséquences graves pour l’environnement, la santé publique et les petits producteurs. Cet encadré résume les cinq effets principaux. Tous remettent en cause l’affirmation que l’agriculture industrielle est capable de résoudre les besoins de sécurité alimentaire, aujourd’hui ou à l’avenir.

Conséquences sur l’environnement

L’augmentation massive des déchets animaux accumulés par les élevages industriels est la principale source de la pollution de l’eau en Chine aujourd’hui. Le premier recensement chinois sur la pollution, mené en 2002, avait conclu que les effets combinés de l’élevage et des engrais et pesticides contenus dans les eaux de ruissellement des champs causaient plus de pollution de l’eau que l’industrie. Les populations rurales qui dépendent de voies d’eau polluées pour leur usage familial ou agricole sont les plus sévèrement affectées à court terme, mais la zone morte qui s’est développée dans la Mer de Chine orientale suite aux excès d’azote et de phosphore – qui sont liés directement à la production industrielle de viande – annonce de terribles crises écologiques à plus long terme.

La production industrielle de viande contribue également de façon significative à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, à la réduction considérable du nombre d’espèces animales indigènes et des variétés natives de soja ,et à l’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques, qui mettent en danger la santé humaine et animale.

Conséquences sur la santé et le régime alimentaire

La sécurité sanitaire des aliments est devenue un sujet brûlant en Chine ; elle a suivi l’industrialisation de l’agriculture en général, et la production de viande en particulier. Depuis les scandales hautement médiatisés du lait à la mélamine et les rappels d’aliments animaux et de viande, jusqu’aux problèmes de résidus de métaux lourds, de pesticides et de mycotoxines régulièrement détectés dans la viande, les questions touchant à la sécurité sanitaire des aliments sont devenues endémiques dans l’industrie de la viande telle qu’elle fonctionne actuellement.

Les classes moyennes et supérieures chinoises résidant dans les villes mangent plus de viande et plus souvent, alors qu’elles consacrent de moins en moins du budget familial à l’alimentation. Les populations rurales, au contraire, mangent deux fois moins de viande que leurs homologues citadins, mais dépensent une plus grande part de leurs revenus en nourriture (43,7 % du budget pour les ruraux, contre 37,9 % pour les citadins). Une réalité nouvelle reflète cette inégalité croissante : La population chinoise urbaine souffre de plus en plus de maladies dites d’affluence liées au régime alimentaire (cardiopathies coronariennes, diabète de type 2, obésité et une série de cancers). En revanche, la viande reste un luxe pour beaucoup de Chinois des zones rurales, où 150 millions de personnes tombent sous le seuil de pauvreté de 1,25 dollars US par jour et où 140 à 230 millions supplémentaires (soit 20 à 30 % de la population rurale) s’en rapprochent dangereusement, dès qu’ils sont touchés par la maladie, une catastrophe naturelle ou la récession économique.

Conséquences pour les petits producteurs et les moyens d’existence ruraux

Les petits producteurs qui vivent dans les grandes régions rurales de Chine sont les plus vulnérables en tant que groupe aux transformations imposées aux moyens d’existence par l’industrialisation de la production de viande. Dans cette nouvelle économie dirigée par l’agrobusiness, les petits éleveurs se battent pour accéder au marché et doivent faire face à de gros désavantages : l’évolution des standards de qualité de la viande qui favorisent un porc moins gras, les standards de sécurité sanitaire fondés sur les normes internationales et la structure même des programmes de subventions de l’État, qui soutient l’agriculture industrielle. Dans le même temps, les petits producteurs de soja sont confrontés aux importations de soja GM [génétiquement modifié] bon marché, à une industrie nationale de la trituration du soja en détresse et aux défis des infrastructures pour pouvoir acheminer leurs récoltes jusqu’aux marchés potentiels. Ces familles paysannes voient leur revenus diminuer sans cesse et beaucoup d’entre elles ont déjà été obligées d’abandonner l’élevage et/ou la production de soja.

(Cet encadré a été écrit par Mindi Schneider, sur la base de son étude “Feeding China’s Pigs : Implications for the Environment, China’s Smallholder Farmers and Food Security,” IATP, May 2011)

Lectures complémentaires :

GRAIN, Une nouvelle offensive dans le monde de la viande industrielle : les multinationales du Sud, octobre 2010 : http://www.grain.org/article/entries/4050-une-nouvelle-offensive-dans-le-monde-de-la-viande-industrielle-les-multinationales-du-sud

GRAIN, Nouvel accord agricole en Argentine : “le “guide” du parfait accapareur de terres, 25 janvier 2011 : http://www.grain.org/fr/article/entries/4181-nouvel-accord-agricole-en-argentine-le-guide-du-parfait-accapareur-de-terres

Mindi Schneider, “Feeding China’s Pigs : Implications for the Environment, China’s Smallholder Farmers and Food Security,” IATP, May 2011 : http://www.iatp.org/documents/feeding-china%E2%80%99s-pigs-implications-for-the-environment-china%E2%80%99s-smallholder-farmers-and-food

www.farmlandgrab.org

Notes :

[1] "Marubeni bets on China with Gavilon deal," Financial Times, 29 May 2012.

[2] Pour une discussion détaillée des mesures prise spar la Chine pour permettre les importations de soja, voir Mindi Schneider, “Feeding China’s Pigs : Implications for the Environment, China’s Smallholder Farmers and Food Security,” IATP, May 2011 : http://www.iatp.org/documents/feeding-china%E2%80%99s-pigs-implications-for-the-environment-china%E2%80%99s-smallholder-farmers-and-food

[3] Gabe Collins and Andrew Erickson, “Tilling Foreign Soil : New Farmland Ownership Laws Force Chinese Agriculture Investors to Shift Strategies in Argentina and Brazil,” China SignPost, No. 57, 28 March 2012

[4] Ben McLannahan, “Marubeni eyes more deals to supply China,” Financial Times, 27 June 2012.

[5] US National Corn Grower’s Association’s World of Corn report 2011

[6] http://www.naplesnews.com/news/2012/apr/13/cargill-ceo-says-food-shortage-fears-unfounded/

[7] Selon le Bureau national des statistiques chinois, la consommation de porc de la population rurale est passée de 15,62 kilos par personne en 2005 à 13,37 kilos en 2007.

[8] Les informations contenues dans cet encadré sont essentiellement tirées de “The Decline of Household Pig Farming in Rural Southwest China : Socioeconomic Obstacles and Policy Implications,” Culture & Agriculture Vol. 32, Issue 2, 2010, par Li Jian.

[9] http://www.goldmanprize.org/recipient/sofia-gatica




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