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La division des terres agricoles menace la sécurité alimentaire

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mardi 23 septembre 2014
NAIROBI, 11 sep (IPS) - Lorsque Kiprui Kibet imagine son avenir en tant que producteur de maïs dans le comté fertile de Uasin Gishu, dans la région de la vallée du Rift, au Kenya, tout ce qu’il voit, c’est un lopin de terre sans cesse en diminution qu’il possède pour exploiter.

"J’avais l’habitude de cultiver sur 40 hectares, mais aujourd’hui je n’ai que 0,8 ha. Mon père avait 10 enfants et nous voulions tous posséder un lopin de terre agricole. La subdivision ... empiété sur les vraies terres agricoles", déclare Kibet à IPS. "De 3.200 sacs par récolte, aujourd’hui je ne produis que 20 sacs, même moins parfois".

Les experts disent que la subdivision extensive des terres en Afrique est en train de devenir une menace importante à la sécurité alimentaire.

Les statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent que la majorité des agriculteurs en Afrique cultivent maintenant sur moins d’un hectare de terre.

Selon la FAO, au cours des 10 dernières années, le rapport terre/personne au Kenya a baissé, passant de 0,264 à 0,219 actuellement. Expliqué en pourcentage, cela signifie que le nombre de personnes ayant un hectare de terre agricole au Kenya a diminué de 17 pour cent au cours de la dernière décennie.

Dans la même période, le nombre de personnes ayant un hectare de terres agricoles a diminué de 13 pour cent en Zambie et de 16 pour cent en Ouganda.

Allan Moshi, un expert de la politique foncière en Afrique subsaharienne basé en Zambie, indique à IPS que tandis que les investisseurs se ruent vers l’Afrique orientale et australe et font des acquisitions de terres planifiées à grande échelle, "l’acquisition de terres à grande échelle, non seulement réduit les terres disponibles pour les populations locales, mais aussi ce qui est disponible aux populations locales doit être encore subdivisé [à cause] l’héritage foncier".

Il explique que la subdivision des terres a été motivée par la croissance démographique, l’héritage foncier "ainsi qu’un passage du régime foncier coutumier à la terre appartenant à des particuliers, sur la base de la croyance que les particuliers peuvent exploiter le potentiel productif des terres plus efficacement".

Selon un rapport de l’Agence américaine pour le développement international ( USAID ), publié en 2012, intitulé "Les questions foncières émergentes en Afrique", 25 pour cent des jeunes adultes qui ont grandi dans les zones rurales n’ont pas hérité de terres parce qu’il n’y avait aucune terre à hériter.

"[Les gens] veulent juste avoir un titre de propriété, même si cela signifie la subdivision de la terre en des portions économiquement non viables, alors que de gros investisseurs sont intéressés par les cultures à valeur élevée, en particulier dans l’horticulture, limitant les terres disponibles pour les cultures vivrières", souligne Moshi.

Les petits fermiers à travers l’Afrique représentent au moins 75 pour cent de la production agricole, selon la FAO.

"Les petits agriculteurs produisent encore plus que les grandes fermes. Les grandes fermes ne sont pas souvent exploitées, les investisseurs les amassent à des fins spéculatives, ils cultivent rarement des aliments sur ces terres", déclare à IPS, Isaac Maiyo, un responsable à Schemers, une organisation communautaire agricole au Kenya, expliquant que 93 pour cent des fermiers au Botswana sont constitués de petits agriculteurs.

"Ils [les petits agriculteurs au Botswana] possèdent moins de huit pour cent pour cent des terres agricoles alors qu’ils représentent encore près de 100 pour cent de la production de maïs du pays", souligne-t-il.

* En Zambie, un pays d’Afrique australe, 41,9 pour cent des exploitations agricoles font moins d’un hectare de terre, au moins 75 pour cent des petits fermiers cultivant sur moins de deux hectares.

* En Zambie, 616.867 exploitations agricoles, qui font en moyenne moins d’un hectare, produisent environ 300.000 tonnes de maïs.

* En revanche, il y a 6.626 fermes en Zambie dont la surface se situe entre 10 et 20 hectares qui produisent 145.000 tonnes de maïs.

Anthony Mokaya, de l’ONG locale ’ Kenya Lands Alliance’ , déclare à IPS que beaucoup de pays sur le continent n’ont pas encore établir des lois qui régissent la subdivision des terres agricoles.

Et alors que l’Afrique du Sud et le Kenya disposent des lois sur la subdivision des terres, Mokaya affirme que "ces lois demeurent en grande partie inefficaces".

Alors que la Loi sur l’agriculture (Chapitre 318) au Kenya dit catégoriquement que les terres agricoles ne doivent pas être subdivisées en dessous de 0,8 hectare, le petit fermier Kibet dit que "beaucoup d’agriculteurs ne savent pas que la loi existe".

"Nous subdivisons non pas sur la base de ce que dit la loi, mais en fonction du nombre de personnes à charge qui veulent une part des terres disponibles, en particulier lorsque l’héritage foncier est concerné", explique Kibet.

La Loi sur les terres agricoles de l’Afrique du Sud empêche la "subdivision des terres agricoles dans la mesure où les nouvelles portions créées sont si petites que l’agriculture ne sera plus économiquement viable".

La loi interdit aux propriétaires terriens d’Afrique du Sud de subdiviser les terres agricoles sans l’autorisation du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche.

Mais comme c’est le cas avec beaucoup de pays africains, Moshi déclare que la subdivision des terres agricoles n’a pas été guidée par la loi.

"Le problème, ce n’est pas la loi elle-même, mais l’application de celle-ci. Beaucoup de propriétaires terriens ne sont pas conscients qu’il existe une loi qui interdit la subdivision des terres agricoles en dessous d’un certain seuil".

Amos Thiong’o de ’Agri-ProFocus Kenya’, un réseau d’organisations travaillant dans le secteur des agro-industries, dit à IPS que la subdivision extensive des terres affecte également la mécanisation de l’agriculture.

"Les petites exploitations agricoles nécessiteront des technologies de production très intensives, telles que la production hydroponique où les plantes sont cultivées dans une solution minérale plutôt que sur le sol", indique-t-il, ajoutant que certaines fermes de fleurs à Naivasha, dans la vallée du Rift, utilisent déjà cette technologie", mais elle nécessite une grande quantité d’eau".

Titus Rotich, un agent de vulgarisation agricole dans la région de la vallée du Rift, dit que "les terres agricoles deviennent si petites qu’avec le temps l’agriculture ne sera plus économiquement viable".

"La plupart des familles qui, il y a 10 à 20 ans, avaient plus de 40 hectares sont aujourd’hui obligées de se contenter de moins d’un hectare. Ce qui signifie que les terres sont seulement utilisées pour créer une ferme, et cultiver quelques légumes d’arrière-cour et élever quelques poules", indique Rotich à IPS, expliquant qu’auparavant un fermier pourrait produire 28 à 38 sacs de maïs de 90 kg sur seulement 0,4 hectare de terre.

"Un tel sac est vendu à entre 35 et 50 dollars selon la région. Mais beaucoup d’agriculteurs ont aujourd’hui de la chance s’ils produisent 20 sacs parce qu’ils ont leur maison, leurs vaches, leurs poules, etc. sur la surface de 0,4 hectare [et elle n’est pas uniquement utilisée pour l’agriculture]", déclare-t-il.

Edité par Nalisha Adams

Traduit en français par Roland Kocouvi (FIN/2014)




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