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Sombre avenir pour les immigrés africains en Algérie et en Libye

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : dimanche 12 octobre 2008
Les Etats du Maghreb contribuent activement à l’édification de la « Citadelle-Europe », dont les contours austères ont été ébauchés par le « Pacte européen pour l’immigration et le droit d’asile », adopté à Cannes le 7 juillet dernier [2008] par les ministres de l’Intérieur et de la Justice de l’UE.

source : www.lesafriques.com 21-09-2008

Le 2 juillet 2008, pendant qu’en Europe les polémiques sur ce «  pacte » faisaient rage, le Journal officiel de la République algérienne publiait une loi (la loi du 25 juin 2008) durcissant les «  conditions d’entrée, de circulation et de séjour des étrangers » en Algérie. Ce texte, qui a abrogé une ordonnance, bien plus libérale, datant du 22 juillet 1966, n’a pas pour unique objet la « lutte contre l’immigration illégale ». La limitation des flux migratoires (notamment ceux subsahariens) n’en paraît pas moins être le principal objectif.

Cette loi du 25 juin 2008 autorise les services consulaires et les services de sécurité à prendre les empreintes digitales des ressortissants étrangers et à les photographier, de même qu’elle les autorise à mémoriser ces empreintes et photographies et à les utiliser (article 15). Elle crée des « centres d’attente, destinés à l’hébergement des ressortissants étrangers en situation irrégulière, en attendant leur reconduite aux frontières ou leur transfert dans leurs pays d’origine » (article 37). Les étrangers détenus dans ces centres peuvent y être gardés pendant une période de 30 jours renouvelable.

Non assistance obligatoire

Les dispositions pénales de la loi visent à dissuader les ressortissants des Etats d’Afrique noire d’émigrer illégalement en Algérie, mais aussi – sous prétexte de lutter contre les réseaux de « passeurs » – à dissuader les Algériens de porter assistance à des immigrés clandestins en difficulté. L’article 42 punit d’emprisonnement entre 2 et 5 ans «  tout étranger qui se soustrait à l’exécution d’un arrêté d’expulsion ou d’un arrêté de reconduite aux frontières ou qui, expulsé ou reconduit à la frontière, a pénétré de nouveau sans autorisation sur le territoire algérien ». L’article 46 prévoit la même peine pour «  toute personne qui […] facilite l’entrée, la circulation, le séjour ou la sortie de façon irrégulière d’un étranger en situation irrégulière sur le territoire algérien ».

Dans une pure imitation de la rhétorique européenne, le ministre de l’Intérieur, Noureddine Zerhouni, a justifié cette loi en ces termes : « Le développement de la criminalité transnationale organisée et du phénomène du terrorisme impose aux Etats de nouveaux défis exigeant une parfaite maîtrise de la circulation des étrangers, notamment celle transfrontalière. » Les connexions entre les réseaux d’immigration irrégulière et ceux, criminels ou terroristes, n’ont pourtant jamais été établies. Le nombre de « combattants étrangers » dans les rangs des groupes islamistes armés est très réduit si l’on en juge par les informations officielles. La justice algérienne a certes eu à traiter des affaires criminelles impliquant des étrangers, mais rien ne prouve que ces derniers appartiennent à quelque «  réseau criminel transnational ».

La Jamahiriya s’engage à s’ouvrir aux investissements italiens et… à se fermer davantage aux Subsahariens.

Il est à se demander si la sévérité de la loi du 25 juin 2008 n’est pas complètement disproportionnée : selon une enquête menée en 2007 par le CISP (une ONG italienne), le nombre d’immigrés irréguliers dans le pays ne dépasse pas quelques dizaines de milliers. Il est surtout à se demander si la traditionnelle « politique africaine » de l’Algérie ne se réduit pas aujourd’hui à l’arbitrage ennuyé de conflits se déroulant dans des Etats limitrophes, dans l’unique souci d’être épargnée par les flux migratoires qui pourraient en résulter.

Durcissement libyen

La Libye n’est pas en reste dans ce mouvement de durcissement des politiques migratoires maghrébines. Justifiant «  le traité d’amitié et de coopération italo-libyen » signé à Benghazi le 30 août 2008, Silvio Berlusconi a affirmé : « [Il] nous permettra d’avoir moins de clandestins et plus de gaz et de pétrole libyens. » En effet, en vertu de ce traité – qui n’a été signé qu’après que l’Italie a présenté aux Libyens des excuses solennelles pour les crimes de la période coloniale –, la Jamahiriya s’engage à s’ouvrir aux investissements italiens et… à se fermer davantage aux Subsahariens. Un radar sophistiqué (cofinancé par l’Etat italien et l’UE) lui sera offert pour lui permettre de renforcer la surveillance de ses frontières sud. L’Italie espère qu’une des conséquences heureuses de sa « réconciliation historique » avec son ancienne colonie sera l’organisation de patrouilles maritimes conjointes, chargées d’empêcher les embarcations des «  illégaux » d’atteindre ses côtes méridionales.

Roi des rois

Deux jours avant la signature du traité italo-libyen, Mouammar Kadhafi a été intronisé « roi des rois d’Afrique » par plusieurs délégations venues d’Afrique noire et réunies à Benghazi. Cette intronisation symbolique n’a pas suffi, nous l’avons vu, pour incliner la politique libyenne de l’immigration dans un sens plus conforme à sa « vocation panafricaine ». Redevenue fréquentable pour l’Europe et les Etats-Unis, la Libye n’a plus besoin du continent noir, vers lequel elle s’était complètement tournée au début des années 90, lorsqu’elle subissait les premiers effets d’un embargo onusien.

Par Yassin Temlali, Alger


voir aussi : Appel à la mobilisation - Des ponts pas des murs SOMMET CITOYEN SUR LES MIGRATIONS, les 17 et 18 octobre prochains à Paris

sur www.afrik.com (14 novembre 2008) : Immigration : la Libye, le nouveau gendarme de l’Europe ?

sur www.pambazuka.org (2009-01-29) : Libye : Misratah, camp de prisonniers sur la route de l’émigration par Gabriele Del Grande

et sur www.syfia.info (07-08-2009) : La vie de galère des sans-papiers africains en Libye par Charles Nforgang





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