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COMMERCE : La Côte d’Ivoire succombe à l’UE

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : jeudi 4 décembre 2008
BRUXELLES, 3 déc (IPS) - La Côte d’Ivoire a été le premier pays en Afrique à signer un accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne (UE) la semaine dernière, suscitant des craintes que l’accord empêche le pays de développer des liens plus étroits avec ses voisins.

Plus de 80 pour cent des taxes prélevées sur les importations provenant des pays de l’UE seront supprimées sur une période de 15 années, comme une conséquence de l’accord sur le libre-échange, officiellement signé à Abidjan le 26 novembre. Aux termes de cet accord, la Côte d’Ivoire ouvrira immédiatement ses marchés aux produits chimiques et aux véhicules qu’elle ne fabrique pas localement.

Malgré la chute rapide des recettes du gouvernement que cela entraînera pour un pays où le revenu national par habitant est seulement de 900 dollars par an, la Commission européenne, la branche exécutive de l’UE, a tenté de donner un effet positif à cet accord. Elle a promis qu’une aide financière non-spécifiée serait octroyée pour aider l’économie ivoirienne à s’ajuster face à la forte baisse des recettes provenant des tarifs douaniers.

Les officiels de Bruxelles ont associé le préfixe ’’marchepied’’ à l’accord, affirmant qu’ils espèrent qu’il conduira à un accord similaire impliquant la majorité, sinon, tous les pays de la région d’Afrique de l’ouest. Presque 80 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ( ACP ) ont été impliqués dans les négociations des APE.

’’Les accords de partenariat économique permettront aux pays en développement de bénéficier du commerce libre, tout en protégeant certains de leurs intérêts capitaux sur une longue période de temps’’, a déclaré Louis Michel, le commissaire européen pour le développement et l’aide humanitaire. ’’Ils ont une forte dimension de développement, et apporteront les réformes nécessaires pour l’intégration économique à l’intérieur de la région et au-delà’’.

Les activistes qui luttent contre la pauvreté ont accusé la commission de mettre la pression sur le gouvernement ivoirien pour signer un accord qui n’est pas bénéfique pour les intérêts du pays.

Oxfam a affirmé que, après que l’UE a échoué dans le processus d’aboutir à un APE avec les 16 pays au sein d’un groupement régional d’Afrique de l’ouest en octobre 2007, elle a décidé de mettre la pression sur la Côte d’Ivoire pour la signature d’un accord à titre individuel. Des menaces ont été proférées pour punir le pays s’il ne signait pas l’accord, en appliquant des taxes sur les exportations de café, de bananes et de cacao vers l’Europe, selon Oxfam.

Le groupe Oxfam se dit préoccupé que l’application d’un régime commercial à la Côte d’Ivoire, différent de celui appliqué à ses voisins, l’accord aura des conséquences désastreuses pour l’intégration régionale en Afrique de l’ouest.

’Avec cette signature, la Commission européenne est en train de renforcer sa pression sur la région entière’’, a déclaré Jean-Denis Crola de Oxfam France.

Jusqu’à la fin de l’année dernière, l’accès au préférentiel au marché accordé par l’UE aux exportations des Africains, a été sujet à une dérogation des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Crola a prétendu que l’UE avait injustement invoqué les règles de l’OMC pour intimider les pays africains dans la libéralisation du commerce.

’’De peur que l’Organisation mondiale du commerce lui trouve des défauts, la Commission européenne met en danger les impératifs du développement et de l’intégration régionale en Afrique de l’ouest’’, a ajouté Crola. ’’La signature d’un accord ’tremplin’ avec la Côte d’Ivoire reflète le mépris de la Commission européenne pour les dynamiques internes de la région’’.

Le Nigeria a été le pays le plus réticent dans la région à signer un APE. Son pétrole constitue environ la moitié de toutes les exportations d’Afrique de l’ouest en direction de l’UE.

Puisque le pétrole n’a pas été affecté par son refus de signer un accord, selon la commission, l’UE a imposé des taxes supplémentaires de 4,3 pour cent et 6,3 pour cent respectivement sur les exportations de beurre de cacao et des boissons alcoolisées de coca.

Avec 95 pour cent des exportations de cacao du Nigeria, destinées pour l’UE, les taxes augmentées ont coûté au pays environ cinq millions de dollars vers la fin du mois de mars de cette année. Les brasseries utilisant du coca ont délocalisé leur production du Nigeria vers le Ghana.

Chibuzo Nwoke de l’Institut nigérian des affaires internationales, a déclaré que l’UE a assumé ’’le merveilleux double rôle de partenaire et d’arbitre’’ dans les négociations de l’APE.

Pendant que la commission est en train de présenter une image de récalcitrant du gouvernement nigérian, l’évaluation demandée par le Nigeria a prévu que le pays perdrait 478 millions de dollars de ses recettes cette année, s’il avait diminué la majorité de ses taxes sur les importations de l’Europe, comme exigé par l’APE.

’’Les négociations des APE existent au sein d’une structure composée de deux groupes politiques distincts de puissance très différente’’, a affirmé Nwoke. ’’C’est un ’partenariat’ entre des donateurs et des débiteurs, entre des bienfaiteurs et des dépendances dignes de foi, et entre des anciens empires coloniaux et leurs anciennes colonies."

"Il oppose un groupe du monde ayant un système économique le plus avancé à un groupe du monde ayant un système économique mono-cultural et d’exportation des matières premières le moins développé. Dans une telle relation tronquée, il est clair que ceux qui vont conduire les négociations, dicter les règles, les mettre en vigueur et appliquer les sanctions aux partenaires, sont ceux eux qui vont les violer’’. (FIN/2008)

David Cronin


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