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Coton : Un niveau de pertes bien au-delà de ce qui était estimé

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mardi 9 décembre 2008
coton  
Pape Ibrahima Diack, président de Géocoton, fait le point sur la situation de Dagris.

source : www.lesafriques.com 08-12-2008

Les Afriques : Après le rachat de Dagris, vous semblez avoir été surpris par la situation financière de la société ?

Pape Ibrahima Diack : Pour le moins. La data room ne donnait pas tous les éléments d’information. Nous avons dû faire un bilan-vérité, ce qui nous a conduit effectivement à trouver un niveau de pertes bien au-delà de ce qui était estimé lorsque nous achetions. Elles sont assez élevées, deux à trois fois le montant qui était initialement annoncé.

LA : Quel niveau ?

PID : Autour de 20 millions d’euros. Nous avons dû prendre des mesures appropriées. Nous avons fait un plan social (ndlr environ 2/3 des effectifs), en maintenant les effectifs des ingénieurs. Nous nous sommes recentrés sur les métiers traditionnels de Dagris et nous avons contacté nos partenaires pour retrouver les affaires que nous avions perdues du fait de la longueur du processus de privatisation. Les gens nous avaient pratiquement oubliés. Fort heureusement, nous bénéficions quand même d’une bonne image au niveau des sociétés cotonnières, et l’expertise des collaborateurs de Dagris est reconnue, avérée. Les gens ont sollicité notre retour auprès d’eux. Cependant, la situation reste difficile. Les opportunités d’investissements dans les sociétés cotonnières sont rares. Nous suivons de près les processus de privatisation, et ce qui se passe dans les sociétés d’Afrique, celles où nous sommes majoritaires et celles où nous sommes juste en partenariat.

LA : Dagris a perdu la majorité du capital de plusieurs sociétés cotonnières au moment de leurs recapitalisations, auxquelles elle n’a pas participé. En particulier, pour la Sofitex et la CMDT. Si l’occasion se présentait, réinvestiriez-vous dans ces sociétés ?

PID : Nous avons effectivement des participations véritablement marginales. Notre souhait est de ne pas nous éloigner de ces sociétés, d’abord en apportant notre assistance technique et notre partenariat dans la réflexion de restructuration qui est en cours. Et, par la suite, en fonction des décisions qui seront prises, nous déciderons de l’opportunité ou non de revenir sous une forme ou une autre.

Au Sénégal, nous avons pour la première fois importé des semences de haut niveau à des taux de rendement de 3 à 4 tonnes/hectare, contre 500 kilos/ha actuellement dans nos pays.

LA : La Sofitex présente un bilan bien meilleur que la CMDT ?

PID : Les options du gouvernement burkinabé sont véritablement claires. Aujourd’hui, la production burkinabée est la première d’Afrique en termes de tonnage, bien que les producteurs burkinabés aient souffert quelque peu des mêmes problèmes que les Maliens, notamment du retard de paiement de leur créance. Le Burkina a pris les choses en main, juste à temps, tant en termes de mise en place des intrants que des remboursements des créances, ce qui a maintenu un intérêt pour la culture cotonnière, bien que la production céréalière se soit aussi développée. Au Mali, la situation est différente. La CMDT a un niveau de production catastrophique. Cette année, elle devrait faire moins de 200 000 tonnes, dans un contexte de restructuration, avec une filialisation allant dans le sens d’une privatisation. Vraiment, la CMDT est dans un contexte de réflexion globale et il y a de quoi se poser des questions quant à l’issue de l’opération de restructuration.

LA : Pouvez-vous préciser ?

PID : L’option a été prise de créer quatre filiales qui dépendront dans un premier temps de l’holding CMDT. Son orientation pose des questions relatives à l’issue favorable de cette formule.

LA : Quelle structure aurait été mieux adaptée selon vous ?

PID : Nous sommes minoritaires, mais nous participons au conseil. Nous préférons suivre le dossier en tant qu’observateur et apporter nos contributions quand elles nous serons demandées.

LA : Vous avez indiqué que vous vous recentrez sur vos métiers de base, le coton et les huiles, vous y ajouterez l’huile d’arachide ?

PID : Nous allons vers la diversification. Notre métier, c’est l’arachide. Nous avons des objectifs de développement de la production arachidière dans les pays où nous sommes installés, soit au Mali, au Burkina Faso… Au Sénégal, nous avons pour la première fois importé des semences de haut niveau à des taux de rendement de 3 à 4 tonnes/hectare, contre 500 kilos/ha actuellement dans nos pays. Nous les avons plantées sous irrigation, ce qui nous permettra de démultiplier ces semences avec l’objectif d’avoir, dans deux à trois ans, un capital semencier avec des taux de rendement très élevés nous permettant d’élargir cette expérience à d’autres pays. On ne s’arrêtera pas à l’arachide, on ira au-delà, avec le tournesol par exemple. On fera cela progressivement.

LA : Par exemple pour la SN Citec, vous ferez de l’huile de coton, de l’huile d’arachide et/ou un mélange ?

PID : Nous ferons une huile de table appréciée sur le marché. Compte tenu de l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs africains, il faut arriver à produire une huile de table de qualité, aux normes internationales, à un coût moins élevé. Des opérations de blending seront faites, mais on continuera à vendre de l’huile d’arachide pure, car le principal marché est l’exportation. On va augmenter l’activité de nos filiales Géocoton, SN Citec et Nioto, en leur confiant des triturations de graines, que nous achèterons au Mali ou ailleurs.

LA : Toutes les diversifications que Dagris avaient opérées en Ouzbékistan, au Brésil et en Afghanistan ont été abandonnées ?

PID : Notre option aujourd’hui est de fermer certaines de nos implantations, Madagascar, le Brésil...

LA : Projetez-vous de vous implanter dans d’autres pays africains, par exemple d’Afrique australe ?

PID : Surtout en Afrique centrale. Nous sommes présents en tant qu’assistant technique au Tchad, en RCA… Nous allons essayer de renforcer notre présence dans ces pays-là.

Propos recueillis par Anne Guillaume-Gentil à Ouagadougou


au sujet de Dagris, lire sur www.monde-diplomatique.fr (septembre 2007) : Paris brade le coton subsaharien par Olivier Piot





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