Télécommunications Internet : 20 ans après, l’Afrique observe toujours la Toile de loinComment expliquer la persistance de la fracture numérique ?![]() L’Afrique a-t-elle profité de la révolution Internet, un médium qui fête en 2009 ses 20 années d’existence ? Le continent serait resté un simple observateur en ne l’intégrant pas comme un facteur de développement. Y résoudre le problème de la connectivité à Internet passe par une solution économique
source : www.afrik.com - 21 mars 2009 L’Internet, le World Wide Web (www), célèbre cette année ses vingt ans. Beaucoup ont vu en ce nouveau médium une « chance » pour l’Afrique. L’a-t-elle saisie au vol ? Oui, parce qu’il est impossible de résister à une telle vague de fond, mais pas assez, semble-t-il, pour en faire un levier de développement économique. Le bien-être qu’il a produit, en termes de liberté d’expression et d’accès à l’information, ne suffit pas à bénéficier de la multitude d’opportunités qu’offre Internet. Les enjeux liés à la connectivité et au coût de celle-ci restent des problématiques, encore insolubles, pour les Etats africains. Selon plusieurs experts, ils peinent a faire d’Internet un paramètre de leur stratégie globale de développement et par conséquent, à trouver des solutions pour en tirer profit. Internet dans le monde en 2007
« Passifs » dans la production de contenus S’exprimer sur la toile passe par la production de contenus. Sur près de 180 millions de noms de domaine recensés dans le monde, 3% seulement sont africains. Entre 2005 et 2008, 20 000 nouvelles adresses IP ont été enregistrées, soit près du double de ce qui avait été fait sur la période 1994-2004. « Les Africains ont besoin d’informations qui leur sont utiles dans leur quotidien sur le plan économique, social et culturel », explique Adiel Akplogan. Une réalité parfaitement illustrée par Mike Jensen, consultant et pionnier dans l’observation du développement d’Internet en Afrique. « Soixante dix pour cent des Africains vivent en milieu rural. Ils n’ont pas besoin d’aller sur CNN ou Facebook, ils ont besoin d’avoir des informations qui leur permettront de mener à bien leur récolte, de connaître les prix auxquels ils pourront la vendre… » Mais faire arriver le réseau aussi loin dans les campagnes est un véritable défi sur le continent africain. Une étude de l’ITU, publiée en mai 2008, estime qu’en Afrique-subsaharienne, moins d’1% des villages ont un accès public à Internet, moins de 3% à une ligne fixe et seulement 10% des foyers ont l’électricité. Autant dire que rien ne facilite l’accès à la Toile. Les plus importants utilisateurs du Net
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Pays | Nombre d’utilisateurs d’Internet (milliers) | Taux de pénétration |
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Egypte | 10 532, 4 | 13,95 |
Nigeria | 10 000 | 6,75 |
Maroc | 6 600 | 21,14 |
Afrique du Sud | 3 966 | 8,16 |
Algérie | 3 500 | 10,34 |
Soudan | 3 500 | 9,08 |
Kenya | 3 000 | 7,99 |
Tunisie | 1 722,2 | 16,68 |
Zimbabwe | 1351 | 10,12 |
Ghana | 880 | 3,75 |
Senegal | 820 | 6,62 |
Ouganda | 750 | 2,51 |
Zambie | 500 | 4,19 |
Tanzanie | 400 | 0,99 |
Angola | 498 | 2,93 |
Cameroun | 370 | 2,23 |
Maurice | 340 | 26,95 |
Togo | 320 | 5,07 |
Côte d’Ivoire | 300 | 1,63 |
Privilégier le développement de réseaux locaux
Autre élément qui ne fait pas d’Internet un medium abordable en Afrique : « la plupart des opérateurs africains ne distinguent pas les connections internationales, les plus chères, des connections locales. » Le phénomène est clairement expliqué par un document de l’UIT, intitulé Les pays pauvres subventionnent-ils les pays riches. « L’une des raisons de ce coût élevé tient au fait que la plupart des pays en développement utilisent la largeur de bande internationale pour échanger des données au niveau local. Lorsqu’un utilisateur africain de l’Internet envoie un message à un ami qui vit dans la même ville ou dans un pays voisin, les données du message vont jusqu’à Londres ou à New York avant de revenir vers cette ville ou le pays voisin en question. » Coût estimé : près de « 400 millions USD par an ». Dans un document [1], publié en 2005, Russel Southwood, le patron de Balancing Act, une entreprise de conseil et d’édition spécialisée dans les nouvelles technologies en Afrique, indique que « plus de 90% de la connectivité IP internationale transite par l’Amérique du Nord ».« Sur l’Internet, poursuit-il, les flux monétaires vont des pays en développement situés au sud vers les pays développés du nord. »
Mais il est possible de renverser la tendance. Adiel Aklogan donne l’exemple kenyan, un pays qui a crée sa propre infrastructure Internet. « Le Kenya n’a pas un accès direct à la fibre optique, donc aux plates-formes internationales. En 2004, ils ont fini par mettre en place un point d’échange pour gérer le trafic local. En six mois, tous les opérateurs présents sont arrivés à saturation de leur connection locale parce qu’ils ne s’attendaient pas à un tel volume de trafic. Ils ont alors commencer à acheter moins de trafic international, ce qui a réduit le coût de la connexion. Les opérateurs ont pu ainsi développer des applications locales puisqu’ils pouvaient bénéficier de tarifs plus abordables. » L’exemple de la Chine illustre l’indépendance que procure une telle démarche. Les grands moteurs de recherche, comme Google ou Yahoo, font toutes les concessions pour accéder à ce réseau chinois. D’ailleurs, le portail chinois Baidu supplante Google dans son pays : il représente plus de 50% des recherches.
Ne pas céder aux sirènes de la téléphonie mobile
L’Afrique peut mieux faire mais elle peut aussi apprécier le chemin parcouru en 20 ans. « Extraversion et recentrage » : deux mots qu’Annie Cheneau-Loquay, responsable du Réseau Africa’nti (l’Observatoire des nouvelles technologies d’information et de communication sur le continent), utilise pour décrire le développement de l’Internet en Afrique. Extraversion pour illustrer le fait qu’Internet a permis de satisfaire « un besoin de l’extérieur », notamment chez les jeunes. « On cherche à savoir ce qui se passe ailleurs », explique la chercheuse. Du côté de la diaspora, le phénomène est inverse. « Internet est un moyen pour elle de trouver des informations sur le pays d’origine ». A l’intérieur de leurs pays, les internautes africains consomment de plus des informations locales, produites notamment par les journaux en ligne. L’un des grands acquis d’Internet en Afrique est d’avoir promu la liberté de la presse, plus largement la liberté d’expression. L’avènement du web 2.0 amplifie cette libération de la parole. Les blogueurs égyptiens, souvent arrêtés, paient un lourd tribut dans les geôles de leur pays qui rassemble le cinquième des internautes africains.
Pays | Nombre d’utilisateurs d’Internet (milliers) | Taux de pénétration |
---|---|---|
Suède | 5 762,7 | 77 |
Etats-Unis | 221 724 | 72,5 |
France | 31 571 | 51,21 |
Chine | 212 580,8 | 16 |
Falila Gbadamassi
lire aussi sur www.apc.org (16 avril 2009) : TIC : Femmes, logiciels libres, copyrights, …les oubliés du législateur et du décideur mauritaniens , par Fatma Mint Elkory Oumrane
et (15 juillet 2009) : Congo : le salaire d’un jour pour accéder à l’internet
[1] Source IUT – Via l’Afrique : Création de points d’échange Internet (IXP) locaux et régionaux en vue de réaliser des économies en termes financiers et de largeur de bande, document de travail élaboré pour le compte de l’UIT et du CRDI à l’occasion de l’édition 2004 du Colloque mondial des régulateurs organisé par l’UIT. Source : UIT.
[2] Réseau local de type Ethernet à accès sans fil qui permet d’obtenir des débits pouvant atteindre 2 mégabits par seconde (Mbit/s) dans une bande de fréquences de 2,4 gigahertz (GHz). Source : Le Journal du Net .
[3] Le Wimax est un standard de transmission sans fil à haut débit. Fonctionnant à 70 Mbit/s, il est prévu pour connecter les points d’accès Wi-Fi à un réseau de fibres optiques, ou pour relayer une connexion partagée à haut-débit vers de multiples utilisateurs. Source : Le Journal du Net.
[4] C’est une technique de maillage et de routage dynamique de réseau sans fil basée sur un protocole de détection de voisinage OLSR. […]. Les réseaux mesh s’installent et se configurent automatiquement, ils co-existent avec les réseaux existants, sont d’autant plus fiables qu’il sont denses et sont par définition multiservices voix, données et vidéo. Connectés à l’Internet, ils distribuent le haut débit Ethernet 100Mb/s sur une zone locale déterminée et les cellules étant dotées d’une capacité de roaming, ils autorisent la réception en mobilité ( voiture, train bus). « Any time, any where, any device », telle est la caractéristique des réseaux ’mesh’. Source : Mesh, Wi-Fi, WiMax...le futur des hauts-débits sans fil ?