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La mémoire d’Alexandre Dumas enfin célébrée en plein Paris

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : dimanche 29 mars 2009
Une oeuvre particulièrement spectaculaire, financée par la ville de Paris et réalisée par le plasticien Driss Sans Arcidet, représentant des fers d’esclaves brisés de plus de cinq mètres de haut, pesant plusieurs tonnes – une première en Europe pour un monument à l’esclavage de cette importance - va être inauguré à Paris, samedi 4 avril 2009, en présence du maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, et de nombreuses personnalités. Ce monument, déjà installé depuis quelques jours, est recouvert d’une bâche jusqu’à son inauguration. Il sera mis en lumières de nuit.

source : www.pambazuka.org 27- 03- 2009

La journée exceptionnelle d’inauguration de cette œuvre est organisée par l’ Association des amis du général Dumas , avec le soutien du conseil régional de la Guadeloupe, en coordination avec la mairie de Paris et avec la participation de toutes les associations de l’outre mer et de la diversité.

Un détachement de la Garde républicaine et la musique des gardiens de la paix de Paris interviendront durant la partie officielle de la cérémonie qui sera prolongée par une partie festive.

L’association des amis du général Dumas a notamment convié à cette journée M. Barack Obama - de passage sur le territoire français les 3 et 4 avril - ainsi que M. René Préval, président de la République d’Haïti.

Cet important monument en hommage au général Alexandre Dumas, financé par la ville de Paris après un vote unanime sur une proposition de l’écrivain Claude Ribbe en 2002, viendra s’associer à celui de Gustave Doré (1883) consacré à Alexandre Dumas, fils du général et auteur des Trois Mousquetaires , ainsi qu’à celui de René de Saint-Marceaux (1906) consacré à Alexandre Dumas fils, petit fils du général, auteur de La dame aux Camélias et inspirateur de La Traviata . Il remplacera une statue d’Alphonse de Perrin de Moncel, installée l’hiver 1912-1913 et abattue par les collaborateurs en 1943 parce que les origines afro-antillaises du général Dumas y étaient particulièrement mises en valeur.

Ainsi la place du général-Catroux retrouvera-t-elle, comme au début du XXe siècle, sa vocation de « place des Trois Dumas ».

Bien évidemment, au-delà du général Dumas, le choix du monument - qui figure des fers d’esclaves géants et brisés - est un hommage à tous les esclaves et à leurs descendants et à l’abolition de tous les esclavages.

Thomas-Alexandre Davy de La Pailleterie, dit Alexandre Dumas, naquit esclave en 1762 à Saint-Domingue (depuis République d’Haïti). Sa mère, Césette, était une esclave. Son père, Antoine-Alexandre de La Pailleterie, un aristocrate déclassé devenu colon. Arrivé à 14 ans en France, Thomas-Alexandre suivit son père en Normandie, avant de s’engager à Verdun sous le pseudonyme d’Alexandre Dumas comme simple cavalier dans les dragons de la Reine où il rencontra trois camarades : Piston, Carrière de Beaumont et Espagne.

Premier général d’armée antillais et afro-descendant de l’histoire de l’Occident, la carrière fulgurante de Dumas fut brisée par la réglementation raciste mise en place par Napoléon Bonaparte à partir de 1802, au moment du rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises.

Général Alexandre DumasHéros de la Révolution, le général Dumas, qui commanda l’armée des Pyrénées, l’armée des Alpes, l’armée de l’Ouest et l’armée des côtes de Bretagne, et combattit sous les ordres de Bonaparte en Italie et en Égypte, s’illustra notamment par les victoires du Petit-Saint-Bernard et du Mont-Cenis, de Mantoue, de Klausen, de Brixen. Il contribua au succès de la prise d’Alexandrie et de la bataille des Pyramides.

Fervent républicain, fondateur des Chasseurs alpins en 1794, le général Dumas échappa de justesse à l’échafaud pour avoir démissionné avec éclat de l’armée de l’Ouest afin d’épargner les civils vendéens et préféra briser son sabre pour rester en paix avec sa conscience.

Le général Dumas avait fondé une famille en 1792 à Villers-Cotterêts (Aisne), là où il avait rencontré la jeune Marie-Louise Labouret, le jour du 250e anniversaire - et sur les lieux mêmes où l’événement s’était produit - de l’ordonnance imposant la langue française dans le monde. Le général Dumas, franc-maçon, fut très probablement initié à la loge Carolina de Villers-Cotterêts par son beau-père, Claude Labouret.

Le général Dumas mourut pauvre, miné par le chagrin pour avoir été chassé de l’armée française par la législation raciste de Bonaparte qui lui interdit de prendre part, comme ses compagnons, tous dignitaires de l’Empire et de la Légion d’Honneur, à la bataille d’Austerlitz.

Il n’eut droit à aucune récompense pour ses exploits et, sur ordre de Bonaparte, ne fut jamais remboursé d’une somme de 28 500 F qui lui était due pour une période de captivité où il fut particulièrement maltraité dans les geôles du roi de Naples. Son nom est gravé, ainsi que celui de deux de ses compagnons, sur l’arc de triomphe à Paris.

Le fils du général, reprenant le même pseudonyme d’Alexandre Dumas, est l’écrivain français le plus lu dans le monde. Son plus célèbre roman, Les Trois Mousquetaires , qui s’inspire des aventures du général Dumas et de ses compagnons, est l’œuvre littéraire la plus adaptée à l’écran. L’écrivain Alexandre Dumas, qui se considérait comme franco-haïtien, avait réclamé en 1838 qu’une statue de son père soit installée sur une place de Paris et qu’une copie de cette statue soit offerte « par les hommes de couleur du monde entier » à la jeune République d’Haïti. Alexandre Dumas se proposait d’accompagner lui-même cette statue sur un bateau de guerre mis à sa disposition par le gouvernement français.

Dans le cadre d’une démarche de réhabilitation menée depuis plus de sept ans, Claude Ribbe et l’association des amis du général Dumas, soutenus par de nombreux élus – dont la municipalité de Villers-Cotterêts - ont entrepris d’obtenir du président de la République française la réintégration symbolique du général Dumas, à, titre de régularisation, dans l’ordre national de la Légion d’honneur dont le général Dumas était membre de droit (ès qualités d’attributaire d’un sabre d’honneur par Bonaparte dès 1798) et dont il fut privé simplement à cause de la couleur de sa peau et de son origine servile.

Cette réintégration, présentée à Jacques Chirac en 2006 - pour le bicentenaire de la mort du général Dumas - avait été refusée. Le gouvernement de M. Dominique de Villepin avait également refusé d’inscrire la mort du général Dumas au calendrier des commémorations nationales pour 2006. Mais les chasseurs alpins avaient malgré tout rendu hommage à leur fondateur en juin de la même année au col du Petit-Saint-Bernard. A l’occasion de cet hommage, l’hymne national avait été sifflé par des manifestants hostiles au général Dumas.

Dans une lettre adressée à l’association des amis du général Dumas le 23 octobre 2008, M. Nicolas Sarkozy, président de la République française, déplorant « l’affront fait à sa mémoire en 1943 » a rendu un hommage appuyé « à l’un des plus grands hommes que la Caraïbe a donnés à la France ». Il a reconnu que le général Dumas était un « ardent républicain » et regretté qu’il soit « encore trop peu connu des Français » tout en considérant que l’œuvre de Driss Sans Arcidet « rappellera à tous ce que la France doit au général Dumas. »

Tout en s’abritant derrière le principe que la Légion d’honneur est réservée à titre posthume aux soldats morts au combat dans le mois qui suit le décès, le président de la République ne s’est pas prononcé sur le cas d’une éventuelle régularisation d’une personne décédée qui aurait dû être membre de droit ou qui était membre de la Légion d’honneur mais qui n’a pu faire valoir ses prérogatives ou en a été privée du fait d’une réglementation raciste ou xénophobe, contraire aux droits de l’homme et donc imprescriptible, en vigueur à l’époque du décès.

Claude Ribbe, écrivain, dirige l’Association des amis du général Dumas


lire aussi l’introduction de "Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle" , ouvrage collectif publié aux Editions Dagan , sous la direction de Dieudonné Gnammankou et Yao Modzinou





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