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Mots croisés avec… Kenzo Kusuda, chorégraphe japonais : ‘Je me suis senti très proche des danseurs sénégalais’

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : lundi 27 juin 2011
Dès son retour à Amsterdam il y a une semaine, le chorégraphe et danseur japonais Kenzo Kusuda s’est remis à la tâche. Il planche d’ores et déjà sur un nouveau spectacle, qui sera présenté en octobre prochain à La Haye (Pays-Bas). Le danseur revient sur sa participation au festival Duo solo danse de Saint-Louis (du 15 au 18 juin 2011), sur ses impressions de la scène sénégalaise ainsi que sur ses projets.


source : www.walf.sn - 27 juin 2011

Wal Fadjri : C’est votre première participation au Festival Duo solo danse de Saint-Louis. Quels souvenirs gardez-vous de votre représentation au Sénégal ?

Kenzo KUSUDA : J’ai commencé le festival vendredi 17 juin avec la représentation du duo Moisture Rocket, que j’ai chorégraphié et présenté avec l’artiste espagnole Mireia de Querol Duran. Nous avons dansé en plein air, sur la scène de l’Institut français de Saint-Louis. La brise soufflait doucement dans nos cheveux et sur notre peau. Les étoiles brillaient au-dessus de nos têtes. L’appel à la prière s’est mis à résonner pendant notre performance, ce qui a conféré beaucoup de sérénité à notre danse. Le public semblait captivé. J’ai déjà présenté plusieurs fois ce duo, mais la représentation de Saint-Louis m’a laissé un très fort souvenir.

Alioune Diagne, danseur sénégalais originaire de Saint-Louis et créateur du festival Duo solo danse, a présenté votre chorégraphie Flora lors de la clôture du festival. Comment est née cette collaboration ?

Tout a commencé lorsque le directeur artistique du théâtre Korzo à la Haye, Leo Spreksel, a invité Alioune à venir travailler avec moi. Nous avons alors créé un nouveau solo ensemble, Flora. Alioune l’a présenté pour la première fois en février 2011, lors de l’ouverture du festival CaDance au théâtre Korzo. Il a beaucoup de talent. Sa performance aux Pays-Bas était remarquable et touchante. C’est donc un grand honneur pour lui de la présenter ici dans sa ville natale, à Saint-Louis.

En quoi la représentation de Flora au Sénégal était-elle différente ?

Les conditions étaient peu conventionnelles. Nous avons entièrement adapté la chorégraphie à l’espace des Comptoirs du Fleuve, autour de la piscine. Dans cette version saint-louisienne de Flora, Alioune a littéralement dansé son parcours personnel à travers les arbres du jardin, ses pieds nus sur la terre noire. Il commence par cueillir une feuille, court devant le public le long de la piscine, puis se cogne contre un mur, avant de plonger dans l’eau et se noyer. Il parvient à se redresser finalement et, toujours immergé, plonge son regard dans les yeux du public. Il finit par enlacer l’imposant cocotier à côté de la piscine à la fin de la danse.

Flora a une histoire particulière. Pouvez-vous nous la raconter ?

Flora est le nom de la chienne que mes parents m’ont offerte à l’âge de 5 ans. Elle est très vite devenue ma meilleure amie, jusqu’à ce qu’elle meurt douze ans plus tard. J’avais alors 17 ans et étudiais au lycée. J’étais de plus en plus occupé, à sortir entre amis ou à faire du sport… et puis un jour, elle est partie. Je me suis alors senti coupable de ne pas avoir été plus attentif et affectueux. J’avais l’impression qu’elle m’avait témoigné plus d’amour que je ne l’avais fait envers elle. Je n’ai rien pu faire, seulement la pleurer. Est-ce que tout est toujours trop tard ? Pendant de nombreuses années, j’ai cherché inconsciemment à lui rendre hommage à travers la danse.

Après Flora, vous êtes vous-même entré en scène. La représentation s’est terminée par l’immersion d’une petite fille du public dans l’eau. Que s’est-il passé ?

C’était de l’improvisation ! J’ai commencé par taper dans un lampadaire à côté de la piscine pour créer du rythme, puis Alioune avec trois autres danseurs sénégalais m’ont rejoint. Nous avons tous fini dans la piscine, créant du rythme avec les éclaboussures de l’eau et jouant avec le public.

J’ai particulièrement aimé l’esprit rock’n’roll des danseurs sénégalais. Je me suis senti très proche d’eux. C’est une expérience inoubliable !

En tant que danseur et chorégraphe, quelle impression dominante retenez-vous de cette aventure saint-louisienne ?

Je pensais que j’étais le danseur qui devait donner quelque chose au public.

En fait, je me suis rendu compte que j’étais moi-même le spectateur et Saint-Louis la star.

Le Sénégal s’est ouvert à moi, me présentant toute sa grâce et beauté. Je pouvais me voir évoluer dans les yeux du public comme dans un miroir. Aujourd’hui de retour à Amsterdam, je suis vraiment curieux de savoir ce qu’ils ont vu en moi, dans mes yeux, de mon corps, de mes danses et chorégraphies.

Le thème du festival cette année était l’eau. Pensez-vous avoir réussi à le respecter ?

C’était un défi, mais c’était également un très bon choix. Nous avons très bien réussi nos improvisations et l’adaptation de Flora à l’environnement des Comptoirs du Fleuve. L’eau symbolise la pureté, la tranquillité, la transparence et la fluidité. C’est un élément essentiel de notre corps et de notre planète. La ville de pêcheurs qu’est Saint-Louis est entièrement entourée d’eau, que ce soit l’eau du fleuve Sénégal comme celle de l’océan Atlantique. Nos danses sont là pour nous rappeler son caractère précieux, dans nos corps et nos vies. Au-delà de cela, l’éclaboussure est la meilleure des danses ! C’est une pulsion de vie, qui parvient à communiquer avec notre âme directement, sans besoin de mots.

Quels sont vos projets ?

Je suis actuellement en train de créer quatre différents solos, pour quatre danseurs originaires de cultures et traditions bien différentes. Ce programme est intitulé Flora , Lucifer , Nebula , Dew . Je le présenterai à partir du 14 octobre 2011 au théâtre Korzo à La Haye. Flora sera interprété par Alioune Diagne, Lucifer par Revanta Sarabhai (Inde), Nebula par Carmen Collazos (Bolivie) et enfin Dew par Nannan Liu (Chine).

Propos recueillis par Adeline BERTIN (Stagiaire)




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