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600 000 emplois directs au Sénégal : L’économie de la pirogue

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : dimanche 22 juillet 2012
emploi   pêche   pirogue  
Au chantier des pirogues de Soumbédioune, les charpentiers ne se plaignent pas. Le coût de fabrication d’une pirogue varie entre 700 000 et 1 million F Cfa. Et ils en produisent au moins, plus d’une vingtaine par mois. La pirogue crée de la richesse. Pour s’en convaincre notre reporter a descendu le fleuve en pirogue. Reportage !

source : www.seneweb.com - 16 juillet, 2012

Mercredi. Il est 18h 30, marché aux poissons de Soumbédioune. Les rayons du soleil s’inclinent lentement mais sûrement. De loin, il y a un croisement sublime ente le ciel, la terre et la mer. La nuit s’annonce douce mais un peu chaude. L’odeur du poisson frais flatte nos narines. L’air marin oxygène nos poumons. Les pêcheurs sont gais. Leur prise du jour est appréciable, le commerce sera florissant. Ils hèlent tous les passants. Le centre d’intérêt de votre serviteur se trouve ailleurs. Ce lieu est communément appelé « chantier ». On y fabrique des pirogues. Plusieurs charpentiers s’y affairent. Une pirogue en phase de finition. Son propriétaire est le jeune pêcheur Alioune Kane. Un produit fabriqué du charpentier Baba Sarr. "Pirogue faite d’un seul tronc", c’est ce que nous allons vérifier.

Le temps est frais aux abords de la petite lagune. De rutilantes voitures défilent sur la corniche à la hauteur du tunnel. "Le chantier » est situé avant le tunnel à venant de l’Université Cheikh Anta Diop. Ce milieu est pittoresque et coloré. Des morceaux de bois sont superposés partout. Un petit de terrain de pétanque y aménagé. Des adeptes de ce jeu s’entraînent. La pirogue vient rappeler qu’elle est un élément incontournable dans la pêche artisanale.

Selon les chiffres de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, le secteur de la pêche joue un rôle important dans l’économie du Sénégal. Il contribue en effet pour environ 2% du PIB national. Et en 2007, la valeur commerciale des produits a atteint 185 milliards de francs CFA. La pêche génère environ 600 000 emplois directs et induits, et 1 600 000 à 2 000 000 personnes sont dépendantes de la pêche maritime. La pêche continentale quant à elle occupe environ 30 à 50 000 personnes. Alors que l’aquaculture elle, intéresse 2000 personnes.

Pirogue : emblème et business

A Soumbédioune, on pratique la pêche artisanale avec des pirogues motorisées. Plusieurs pirogues sont en cours de fabrication au « chantier ». Baba Sarr affiche déjà le sourire tranquille de l’homme indispensable. Il a presque terminé la nouvelle pirogue d’Aliou Kane. Ce dernier soutient avoir déboursé plus 700 mille francs Cfa. Fabriquer une pirogue est un travail lucratif et nourrit son homme. Et plusieurs acteurs interviennent la chaîne de fabrication. Une valeur ajoutée !

Le bois rouge, très prisé car servant de fessier à la pirogue provient de la verte Casamance. Le pêcheur débourse environ, pour chaque petite pirogue, 400 mille F Cfa pour l’acquisition du bois à l’usine de rabotage de Rufisque. Les frais de transport s’élèvent à 20 000 F Cfa. Pour la main d’œuvre, il paie entre 200 mille et 300 mille francs Cfa. La peinture lui revient à 75 mille fracs Cfa. La durée de fabrication varie entre 6 à 7 jours. Et c’est le pêcheur qui prend en charge le petit déjeuner et le déjeuner du charpentier. La finition de chaque pirogue constitue une petite fête. Au menu : un bon plat de riz au poisson et des boissons sucrées en quantité. Un festin pour tous les autres charpentiers et pêcheurs présents au « chantier ».

Né en 1930 à la Médina, le vieux Babacar dit Mbaye Kane est le père du jeune pêcheur Aliou Kane. Il résume ainsi l’économie qui gravite autour de la pirogue. Le patriarche affirme, avec un léger sourire : « Ici au chantier, les charpentiers produisent entre 20 et 30 pirogues par mois, de couleurs vives : le jaune, le rouge et le vert ». Couleurs symboliques et incontournables. Elle charrie beaucoup d’argent. De la coupe du bois dans la forêt Casamançaise à la création d’une pirogue motorisée qui peut contenir une tonne et demi de poisson sur mer, c’est l’aubaine. Les stations d’essence aussi se frottent les mains. Pour aller en mer, chaque pirogue a besoin de flotte, soit 25 à 30 litres d’essence. Or, le litre d’essence de pirogue coûte environ 680 F Cfa.

Le charpentier Baba Sarr ne dit pas le contraire. C’est avec l’argent provenant de cette activité qu’il a épousé sa femme et baptisé ses deux enfants. « Comme le champion de lutte Double Less (père du roi des arènes Balla Gaye 2), je peux dire à mon fils (assis près de lui), c’est avec l’argent provenant de la fabrication de pirogue que j’ai épousé sa mère. Et mon père aussi peut me dire la même chose », narre-t-il en s’esclaffant. Et des centaines de pirogues accostent chaque jour au quai de pêche de Soumbédioune.
Les pirogues fabriquées au « chantier » de Soumbédioune "naviguent" entre 6 à 9 m de longueur pour les pirogues légères, ou flottent entre 9 à 12 m pour les pirogues lourdes. Celle de Aliou Kane fait 9, 15 m. Elle a une largeur au fond de 1m, une tonture de 0, 30m, un creux de 0, 80m, une hauteur des fargues de 0, 40m. L’épaisseur de la quille 0, 10m. Alors que son poids attient 300kg. Son tirant d’eau à lège fait 0, 20m. La charge utile avoisine 700 kg de poissons.

Mais tout n’a pas été dit. "Le fond de la pirogue ne dit pas ce qu’il y a dans l’eau".

Mbaye Kane : premier charpentier à offrir une pirogue à Senghor

Le vieux Mbaye Kane est un grand connaisseur de la pirogue. Dans le langage de la modernité, on peut dire qu’il est un ingénieur de la pirogue. Une mémoire vivante de la pirogue artisanale. Notre interlocuteur est à la fois un charpentier, pêcheur et designer de pirogue artisanale vendue dans une boutique au village de Soumbédioune. « Je suis le premier charpentier à offrir comme cadeau, deux petites pirogues artisanales au président Léopold Sédar Senghor et son fils Philips Maguilen Senghor. J’ai fait la même chose aussi avec le Premier ministre d’alors, Abdou Diouf », s’est-il souvenu avec beaucoup de fierté. Mais il n’a pas dit si ces pirogues étaient faites d’un seul et même tronc.

Au village artisanal, sa boutique est gérée par Amadou Thiam. « La pirogue symbolise un pan de la culture sénégalaise. Plusieurs personnalités l’achètent souvent pour l’offrir à leurs hôtes. Les touristes étrangers aussi l’aiment », explique M. Thiam. Une petite pirogue de 6 cm coute 8000 F Cfa. Celle de 2m, 80 000 F Cfa et celle 3m vaut 150 mille francs Cfa. Faut-il révéler que le vieux Kane est le père du jeune champion de lutte Akon (écurie Ndakaru). On le surnomme le : « phénomène de l’arène ». "Mais une pirogue n’est jamais assez grande pour charrier", dit le proverbe africain.

M. DANGNOKHO | Le Senegalais.net




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