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CASAMANCE : ARRESTATION DE DEUX CAMIONS DE BOIS

Les forêts reculent

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : dimanche 22 juillet 2012
Les forêts de la Casamance sont entrain d’être massacrées à une grande échelle par des trafiquants profitant de l’insécurité et de la corruption ambiantes. Le péril est imminent !
Chaque année en Casamance, ce sont des dizaines d’hectares de massifs forestiers qui disparaissent du fait d’une exploitation irrégulière, illégale et abusive du couvert végétal. C’est le constat établi par les services de protection de la nature en service dans les régions sud du pays. Pire, l’éventail s’est élargi à la dimension d’un réseau de trafic international de bois.

source : www.sudonline.sn - 16/07/2012

Pire, l’éventail s’est élargi à la dimension d’un réseau de trafic international de bois. Il y a seulement deux jours, le jeudi 12 juillet, deux camions dont un immatriculé en Gambie, ont été saisis à Boudouck, un village religieux du nord du département de Bounkiling contenant du bois frauduleusement abattu.

Selon le commandant Ousmane Fall, inspecteur régional des eaux et forêts de Sédhiou, « ce sont deux camions qui ont été saisis contenant des billes de venne frauduleusement coupées. L’un des deux véhicules est immatriculé en Gambie. Nous n’y avons trouvé personne mais nous avons réussi à mettre la main sur les documents du camion que nous avons finalement remorqué jusqu’à Bounkiling. Pour le second camion, le chauffeur est en état d’arrestation mais son véhicule est complètement rasé au sol du fait de l’hivernage. Cependant, nous trouverons des moyens de le faire remorquer ». Et de poursuivre que « cela dénote l’ampleur des coupes abusives et illégales de bois dans la région de Sédhiou ».

« Indiens et chinois échangent des motos contre des billes de bois »

L’implication des sujets étrangers dans ce réseau fait dire à Daniel André, le directeur national des eaux et forêts, chasses et de la conservation des sols, que l’agression frise la provocation. «  Aujourd’hui nous sommes agressés de toutes parts, ce sont des actes de guerre parce que quand on vous pille vos ressources naturelles on pille le pays, on pille les générations futures. Chaque sénégalais doit se lever et prendre le mal à bras le corps pour circonscrire le phénomène qui nous installe progressivement dans la précarité et la catastrophe ». Dans le nord Bignona, le troc du bois avec des motos fait l’effet de mode dit –on, dans toute la bande frontalière avec le pays du président le Dr Yaya Diamé dans la zone du Fogny, de Makhmouda Chérif à Diouloulou en passant par Baïla, Siléty, Kabeum et Oulampane.

En visite de travail dans la région, avant-hier samedi, le ministre de l’écologie et de la protection de la nature, Aly Aïdar, promet de prendre des mesures idoines, en rapport avec l’ensemble des corps de défense et de sécurité, à savoir les militaires, les gendarmes, les agents des eaux et forêts et chasse, de la douane entre autres. « Nous ferons en sorte qu’il y ait une synergie dans la protection de la nature car, à défaut, c’est la catastrophe ». Interrogé sur le bras destructeur des corps étrangers impliqués dans ce trafic, le ministre de l’écologie et de la protection de la nature dénonce : «  De l’autre côté de nos frontières avec la Gambie, il y a des Indiens et des Chinois qui réceptionnent des billes de venne des mains des jeunes sénégalais à qui ils remettent des motos vitesse. Ce sont des individus qui pillent nos ressources et nul n’ignore que le désert conduit à la misère. Et le processus a commencé, il est temps de le freiner ».

Obstacles multiples

Plusieurs accords dont celui sur l’environnement y compris la convention sur les zones humides lient le Sénégal à la Gambie dans le cadre de la protection commune des ressources naturelles. Mais impossible à ce jour de cerner les véritables contours d’un partenariat bilatéral entre ces deux Etats en matière de défense et de surveillance des forêts. La porosité des frontières entre le Sénégal et la Gambie exacerbée par l’insurrection indépendantiste dans le nord Fogny sous la bannière du mouvement des forces démocratique de Casamance (MFDC) annihile toute propension d’actions communes efficaces et efficientes de terrain. Le ministre a bien conscience des obstacles dont principalement cette question d’insécurité en Casamance. « C’est vraiment un écueil de taille et j’en ai personnellement parlé à l’aile politique du (MFDC) pour leur dire qu’il est de leur responsabilité de préserver les ressources des forêts pour le simple constat qu’il ya des secteurs qu’ils contrôlent », a-t-il indiqué.

La gangrène !

Au lendemain de la saisie, en juin 2007, de douze camions remplis de bois de venne dont plus de la moitié provenait de la Gambie dans la circonscription de Diouloulou et l’incident diplomatique qui s’en était suivi avec ce pays voisin, l’on caressait l’espoir d’une fin du trafic. Que non ! Bien au contraire, ce sont des sujets locaux, de surcroit des élus qui entrent dans la danse. A Tankon dans le nord de Bounkiling, cinq conseillers ont croupi en prison pour ces mêmes délits.

Dans la zone de Médina Yoro Foula à Kolda, sept gambiens et cinq sénégalais ont purgé une peine d’un emprisonnement ferme, a confirmé Aly Aïdar à son passage à Sédhiou. Aussi, un citoyen lambda ayant requis l’anonymat a-t-il fait savoir que «  des hommes de tenue assimilés à des agents des eaux et forêts, si ce n’est vraiment pas eux, délivrent des permis coupes de bois de complaisance pour en empocher des dividendes », nous dit cet homme, la soixantaine bien sonnée. Ajoutez-y ce forestier qui répond à un septuagénaire, non sans préciser qu’ « on ne peut pas mettre derrière chaque arbre un agent des eaux et forêts ».

Le péril environnemental

Il est très communément admis que l’abattage des forêts supprime des habitants naturels et menace gravement la faune et la flore présentes. Il peut conduire à la réduction de la biodiversité. La déforestation a également des répercussions sur la nature des sols et sur le climat car les arbres et les forêts jouent un rôle prépondérant dans le cycle de l’eau et dans la stabilité des sols. D’une part, en réduisant le ruissellement de l’eau sur les sols, les arbres lui permettent de s’infiltrer dans la terre. Pendant la saison des pluies, trop d’eau se déverse dans le fleuve qui entre en crue. La déforestation favorise donc les inondations.

Seules les opérations de reboisement peuvent arrêter ce processus. Mais elles ne sont favorisées que pendant la journée de l’arbre. Les forestiers invoquent traditionnellement un manque de bras alors que les villageois rétorquent très inconsciemment que les forêts sont un don de Dieu qui ne tarit jamais. A Bamdoumba, non loin de Djinany et Diallocounda, près de la frontière avec la Gambie, les habitants ont mis en place des comités de veille et de surveillance des forêts. Ce sont du reste eux qui ont contribué à l’arrestation des deux camions il y’a deux jours.

La complicité des populations locales sur fond de pauvreté, la délivrance des permis de coupe de complaisance, la corruption des forestiers, le mal est profond et gangrène la région. Il détruit les dernières réserves de forêts et précarise le proche avenir. Les forêts sont en voie de disparition, la biosphère étouffe.
Demain la mort !

Moussa DRAME




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