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« Présence africaine », invitée du Musée du Quai Branly (Paris)

Une exposition consacrée à la revue africaine ouvre ses portes au Musée du Quai Branly

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mardi 12 janvier 2010
Une exposition est consacrée à la revue littéraire et culturelle Présence africaine au Musée du Quai Branly, à Paris, jusqu’au 31 janvier 2010. Support des idées antiracistes et anticolonialistes des années d’après-guerre, cette revue, fondée par l’intellectuel sénégalais Alioune Diop en 1947, est un témoin phare de l’histoire de la décolonisation et de la naissance des États africains indépendants.

source : www.afrik.com - 10 novembre 2009

« Tous les articles seront publiés sous réserve que leur tenue s’y prête, qu’ils concernent l’Afrique, qu’ils ne trahissent ni notre volonté antiraciste, anticolonialiste, ni notre solidarité des peuples colonisés », écrit l’intellectuel sénégalais Alioune Diop en 1955 à propos de sa revue littéraire et culturelle Présence Africaine . Il vient en ces termes de redéfinir la ligne éditoriale de l’ouvrage qu’il a créé sept ans plus tôt, en 1947. Au départ « d’aucune idéologie philosophique et politique », Présence Africaine revient sur ses positions pour suivre au plus près le cours de l’ Histoire. En effet, en avril 1955, les pays colonisés africains et asiatiques se sont réunis à Bandung, en Indonésie, pour faire entendre leur voix, celle des «  pays du tiers-Monde », dans un monde alors bipolaire divisé entre le bloc soviétique et le bloc américain. Très vite, Alioune Diop comprend que sa revue doit prendre part au mouvement «  tiers-mondiste » naissant, et participer au processus de décolonisation.

Trop peu connue des Africains, si ce n’est de l’intelligentsia, la revue Présence Africaine est aujourd’hui encore un support des idées progressistes du continent. Exposée sous forme de photographies, de coupures de presse, de lettres et de films vidéos, son histoire, présentée dans les galeries du Musée du Quai Branly, retrace la lutte pour la libération du joug colonial que mènent les peuples et les intellectuels noirs d’Europe, d’Afrique et d’Amérique durant l’après-guerre. « Je suis historienne de formation. Je souhaitais au travers de Présence Africaine revenir sur l’histoire des idées politiques noires pour répondre à la question : Comment les colonisés ont pris la parole ? », explique la Commissaire de l’exposition Sarah Frioux-Salgas.

Présence Africaine, digne héritière des idéologies noires d’avant-guerre

Avant Présence Africaine la parole des colonisés avait plusieurs tribunes. Elle se faisait entendre dans des journaux créés par des intellectuels noirs d’ Europe, des États-Unis, des Caraïbes, ou d’Afrique. S’appuyant sur un parcours chronologique, l’exposition de Sarah Frioux-Salgas revient sur ces titres de la "presse noire" des années 20, 30, comme «  La voix des nègres  » du sénégalais Lamine Senghor ou la «  Revue du monde noir  », créée en 1937 par la femme de lettres martiniquaise Paulette Nardal. Dans ce foisonnement journalistique, les États-Unis ne sont pas en reste. Un mouvement panafricain a surgi dans les rangs de certains Afro-américains et Caraïbéens, comme le Jamaïcain Marcus Garvey, qui prône un nationalisme noir fondé sur l’union des Noirs dans le monde et leur retour en Afrique. Garvey diffuse ses idées en anglais, français et espagnol dans le journal «  The negro World  ».

Très didactique, l’exposition nous propose alors de cheminer aux côtés du créateur de la revue Alioune Diop pour rencontrer les grands écrivains noirs de l’époque. Photographies où il apparaît avec les plus grands, originaux des correspondances qu’il a entretenues avec eux, plusieurs archives mettent en relief la proximité d’ Alioune Diop avec les penseurs de la décolonisation. Né en 1910 à Saint-Louis du Sénégal, Alioune Diop étudie à Paris où il entre en contact avec les écrivains de la « négritude » que sont Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et Léopold Sédar-Senghor, tout en lisant les auteurs noirs américains et les intellectuels du continent africains. Tour à tour enseignant, fonctionnaire de l’ AOF (l’Afrique Occidentale Française ) et sénateur de la IVème République, il se découvre très vite des talents de fédérateur, d’organisateur et de rassembleur auprès de l’intelligentsia noire française et étrangère qu’il fréquente. « Alioune Diop était un véritable fédérateur, un mécène, estime Sarah Frioux-Salgas. Assistant de sénateur en 1947, il abandonne son travail pour se consacrer entièrement à sa revue anticolonialiste. En fait, il laisse la politique pour la retrouver dans une autre sphère, celle du monde intellectuel, celle des idées politiques et culturelles ». Parce qu’à ses yeux un magazine «  noir » de référence manque au paysage intellectuel francophone, il décide de créer sa propre revue en 1947, ce sera Présence Africaine .

La diffusion des idées antiracistes et anticolonialistes

Soutenue par des intellectuels français comme Michel Leiris et Jean-Paul Sartre, Présence Africaine publiera dans les années 50,60 plusieurs générations de poètes et d’écrivains noirs qui ont marqué la lutte anticolonialiste : Aimé Césaire, Léon Gontran Damas, Jacques Rabemananjara, Sembène Ousmane, Mongo Béti, Edouard Glissant ou René Depestre. Pour la Commissaire de l’exposition, Alioune Diop entame un véritable travail d’inventaire des cultures noires en faisant publier des textes d’histoire, de linguistique, de sociologie, d’économie et d’ethnologie. « L’ histoire de la revue est une histoire transnationale des Noirs, en anglais, en français et en portugais. En fait c’est une double histoire : celle des intellectuels noirs et celle de l’histoire intellectuelle coloniale liée à la culture nationale française », souligne-t-elle.

La revue jouera un grand rôle dans la décolonisation en marche en s’adressant au futurs cadres, aux futurs leaders des pays décolonisés, certains d’entre eux ayant écrit dans la revue (Léopold Sédar Senghor, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Abdoulaye Wade). En 1949, Alioune Diop a fondé une maison d’édition et en 1962, il a ouvert une librairie dans le quartier Saint-Germain où se rencontrent tous les penseurs anticolonialistes, à tel point que le poète béninois Paulin Joachim dira de ce quartier qu’il a été « le premier territoire libéré du joug colonialiste », le « coin des nègres libres ».

Alioune Diop en 1956Complétée par des photographies et des ouvrages inédits prêtés par l’actuelle équipe de Présence Africaine et par les Archives Michel Leiris , l’exposition du Musée du Quai Branly a deux grands mérites. Elle retrace efficacement l’histoire d’un ouvrage qui a véhiculé les idées politiques révolutionnaires qui ont conduit les peuples africains à la décolonisation. Elle rend hommage à un grand intellectuel resté dans l’ombre des grandes plumes qu’il a publiées : Alioune Diop. « Cette exposition m’émeut beaucoup, témoigne sa veuve Yandé Christiane Diop, qui fait toujours partie du Comité de rédaction de Présence Africaine . C’est important qu’on lui ait rendu hommage. L’année prochaine, nous fêterons le centenaire de sa naissance. Son travail mérite d’être connu et reconnu. J’espère que beaucoup de jeunes viendront visiter cette exposition. » A bon entendeur.

Lola Simonet

Exposition Présence Africaine : du 10/11/09 au 31/01/10 au Musée du Quai Branly à Paris.


visiter le site de la revue Présence Africaine : www.presenceafricaine.com

lire aussi sur www.aps.sn : 10 janvier 2010 : centenaire de la naissance d’Alioune Diop, chantre de l’émancipation des peuples noirs, Par Aboubacar Demba Cissokho

sur www.lequotidien.sn (12/01/2010) : REBAPTISER LA MAISON DE LA CULTURE AU NOM DE ALIOUNE DIOP : Ousmane Sow Huchard veut que « justice soit enfin rendue », Par Binta NDONG

et sur www.aps.sn (03/05/2010) : Catherine Coquery Vidrovitch : ’’Présence africaine a jeté les bases d’une histoire africaine repensée’’





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