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Risques d’amnésie pour le cinéma africain après les inondations à Ouagadougou

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : jeudi 10 décembre 2009
Ouestafnews – Le cinéma africain court le risque de perdre une bonne partie de sa mémoire suite à la destruction d’importantes archives consécutive aux pluies diluviennes qui se sont abattues en septembre dernier sur Ouagadougou, capitale du Burkina Faso et siège du plus célèbre des festivals de cinéma en Afrique.

source : www.ouestaf.com - 2 Décembre 2009

Un envoyé spécial d’Ouestafnews dans la capitale Burkinabè a pu constater de visu l’ampleur des dégâts causés par les inondations qui ont sérieusement affecté ce qui constitue la mémoire du cinéma africain, allant des écrits relatifs au Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou ( Fespaco ) aux documents audiovisuels composés de films et documentaires, y compris les premières productions des pionniers du cinéma africain ou encore des copies de documents télévisés.

« Ce sont environ 3500 bobines de films, composés de films d’actualités, de reportage de la Télévision du Burkina Faso des années 60 à 70, des films d’auteurs africains qui étaient là… », a expliqué à Ouestafnews Ardiouma Soma, directeur de la Cinémathèque Africaine au siège du Fespaco.

La Cinémathèque conservait aussi d’importants documents audiovisuels sur d’autres supports, allant des bandes VHS à des films gravés sur DVD, selon son directeur. Ses propres bureaux ont été envahis par les eaux jusqu’à une hauteur de 2,20 mètres, noyant tous les documents administratifs et archives qui s’y trouvaient. Leur récupération reste aujourd’hui très hypothétique.

Dans la salle spéciale où étaient stockés les films, les eaux n’ont pas atteint ce niveau, mais les dégâts n’en sont pas moins importants avec au moins « deux paliers sur six » totalement envahis par les eaux, détériorant ainsi les films.
Une partie des bobines qui ont pu être sauvées, soit près de deux tiers selon les premières estimations, étaient encore à la mi-novembre en train d’être récupérées pour être transférés aux archives nationales du Burkina Faso.
Pour le tiers restant, atteint par les eaux, les chances de les sauver même si elles existent, restent très minces, explique avec regret et désolation M. Soma.

La Cinémathèque Africaine, mise en place à l’initiative de la Fédération panafricaine des cinéastes, s’était donnée comme mission de « rassembler et de conserver » l’ensemble des archives cinématographiques africaines.
Du coup avec ces inondations, c’est tout un rêve et plus de 20 ans d’efforts qui s’écroulent.

Au siège du Fespaco, on craint surtout pour certains vieux films qui n’ont pas eu de « carrière commerciale » et qui parfois n’étaient disponibles qu’en « une copie unique » récupérée chez des producteurs en Europe ou ailleurs dans le monde pour être conservée à la Cinémathèque Africaine.
Pour l’instant, les responsables du plus célèbre des festivals de cinéma en Afrique n’ont pas fini de faire l’inventaire des dégâts pour dire avec exactitude l’ampleur des pertes, ni pour dire ce qui est récupérable et ce qui ne l’est pas. Mais pour les acteurs du cinéma africain, le bilan est déjà connu et sans appel.

« C’est réellement un désastre », a ainsi confié Gaston Kaboré, un des grands cinéastes du Burkina Faso et du continent africain qui déplore ce sort réservé à « toute cinémathèque établi dans un pays du Sud, et qui connaît des problèmes de manque de ressources et de capacités réelles de protéger les ressources (audiovisuelles) existantes ».
« Je vois tout un travail qui est ramené à zéro », regrette M. Kaboré qui se dit « choqué moralement et professionnellement » par l’immensité de la perte.
Le cinéaste burkinabé qui vient lui-même de se lancer dans une opération d’archivage des productions de son pays au sein de son «  Institut Imagine  », estime que ce « désastre », dû à une catastrophe naturelle, devrait néanmoins « stimuler davantage » les acteurs du cinéma africain et les pousser « Ã  contribuer aux efforts entrepris dans les sens de la préservation, de la numérisation et de l’accessibilité » des productions africaines.

Pour Abdoulaye Diallo, réalisateur et promoteur culturel, le Fespaco a manqué de sens de l’anticipation en n’ayant qu’une « seule copie » de certains documents et pour qui « le site même du Fespaco a été mal choisi » puisque certains quinquagénaires ouagalais se rappellent que gamins, « ils y allaient jouer dans les eaux ».
« C ‘est un accident certes », admet M. Diallo qui par ailleurs organise lui-même le Festival «  Ciné Droit Libre  » à Ouagadougou. Il souligne toutefois que « vu l’état de la technologie aujourd’hui, il est devenu plus facile de conserver les archives » comme il le fait en numérisant et en conservant sur plusieurs supports ceux de son festival.

L’une des leçons à tirer du désastre de la Cinémathèque Africaine, selon Abdoulaye Diallo : « il faut qu’en Afrique nous apprenions à investir dans le patrimoine culturel, comme le font déjà depuis très longtemps l’Europe et les Etats-Unis ».




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