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Révision des contrats à durée déterminée et loi sur la privatisation des terres

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : lundi 3 mai 2010
Dans un mémorandum du 30 mars 2010, le Parti pour l’indépendance et le travail (Pit) a analysé les décisions prises par le Président Wade et son gouvernement concernant l’adoption du projet de révision du Contrat à durée déterminée (Cdd) et la loi sur la privatisation des terres. C’est une vaste opération de précarisation de l’emploi et de bradage des terres utiles du Sénégal au profit des agrobusiness qui est ainsi entamée avec la bénédiction des institutions de Bretton Woods.

source : www.lequotidien.sn - 07-04-2010

Wade « généralise la précarité » des emplois, selon le Pit

L’adoption du projet de révision du Contrat à durée déterminée (Cdd) par le gouvernement du Sénégal donne des sueurs froides au Pit . En effet, dans une « Lettre d’Intention » que Wade a adressée au Fmi, depuis le 4 décembre 2009, l’adoption de cette loi permettra « le renouvellement illimité » des Cdd. Dans un mémorandum du 30 mars 2010, le Pit estime que cette pratique va devenir « le mode privilégié d’embauche, à la place du Contrat à durée indéterminée (Cdi) ». Le document relève que c’est une manière « de lever la barrière psychologique » afin de « favoriser la possibilité de faire appel au même travailleur, lorsque de nouveaux besoins d’emploi temporaire surviennent ».

Le Pit pense que le régime calque le modèle des pays arabes du Golfe en matière de marché du travail, « où il n’y a ni syndicat ni Code du travail, et où la précarité du travail et les salaires de misère sont la règle ». Dans ces pays, le développement industriel est sacrifié au profit de grands centres de services, financés par la rente pétrolière. « C’est ce modèle, indique-t-il, que la Banque mondiale veut étendre dans nos pays, à travers ses classements dans son fameux Doing Business, dans lequel Wade rêve de se retrouver parmi les premiers. »

Selon le Pit, une telle révision pourrait se justifier dans notre marché du travail, si le Cdd n’était utilisé que pour pourvoir à des besoins d’emploi temporaire. Or, « dans la pratique, il s’agit bel et bien d’occuper des emplois permanents avec la volonté nette de réduire le coût du travail ». Une pratique que les syndicalistes avaient toujours combattue. Jugeant cette « révision inopportune », le Pit pense que par cette loi, « le gouvernement généralise la précarité du travail, déjà favorisée par les abus du Patronat qui use de stratagèmes pour contourner les dispositions qui limitent ce renouvellement et celles du Décret 70 180 qui régit le recours à la main-d’œuvre journalière ».

DPEE

A titre indicatif, ce document note qu’au 4e trimestre de 2009, le secteur industriel a réduit de 0,9 % l’emploi permanent, et de 2,5 % l’emploi temporaire, en dépit d’une forte croissance de 9,7 % par rapport au 3e trimestre. Qui plus est, en janvier 2010, les statistiques récentes données par la Direction de la planification et des études économiques (Dpee), indiquent, pour le secteur industriel, l’aggravation des pertes d’emplois de 4,2 % par rapport à décembre 2009, avec une chute drastique de la croissance de la production industrielle de moins 8,8 %. Alors, le Pit en déduit que « la conjoncture ne crée ni besoins d’emplois permanents ni ceux d’emplois temporaires ».
Reprenant toujours l’enquête de la Dpee, le Pit estime que « la tendance lourde de liquidation des emplois permanents et temporaires à laquelle on assiste dans ce contexte actuel-que l’on soit en période de haute ou de basse croissance du secteur industriel- s’explique par le fait que 30,8 % des employeurs sont confrontés à une accumulation de « stocks » invendus ; 33,3 % font face à un problème de demande consécutif à la baisse drastique du pouvoir d’achat des ménages ; 38,9 % indexent les contraintes de l’environnement des affaires, notamment le coût de l’énergie, la contrefaçon et la contrebande ». Donc, selon le Pit, s’il y a problème, il est à chercher, non pas dans les limitations des Cdd, mais plutôt dans « la détérioration du pouvoir d’achat, la délinquance économique que constituent la contrefaçon et la contrebande, et le coût de l’énergie ».

« doing business », l’obsession de Wade

En réalité, pour Dansokho et ses camarades, la révision du Cdd se justifie uniquement par le besoin personnel de Wade de figurer dans le classement du Doing Business, et par cette option qu’il partage avec les Institutions de Bretton Woods, matérialisée par son projet de faire de Dakar un grand centre sous-régional des Affaires, à travers ses Grands projets d’investissement, comme ceux sur la Corniche, la Cité des Affaires, le Port du futur, le Port minéralier de Bargny, et l’Aéroport internationale Blaise Diagne. Et les « retombées de la rente minière de Kédougou et de Matam(…) devraient contribuer à financer le boom immobilier et la spéculation foncière, inhérents à ce modèle de développement, comme en attestent les pays du Golfe ». Or, constate le mémorandum du Pit, « la spéculation foncière et immobilière que cette option a déjà engendrée à Dakar s’est effectuée au détriment des réserves foncières destinées aux équipements sociaux, aux espaces verts, et même aux servitudes aéronautiques et au Domaine public maritime ».

PRIVATISATION DES TERRES

Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement envisage de faire adopter une loi portant privatisation des terres agricoles au plus tard le 31 mai 2010. Et le Pit y voit des « signes avant coureurs », car cette loi va s’étendre dans les terres à vocation agricole, telle que la communauté de Mbane dirigée par l’opposition. Ce qui réduira, à terme, selon le Pit, le Sénégal à sa « partie utile », qui concerne la région de Dakar, et les terres agricoles privatisées seront livrées aux investisseurs internationaux pour produire du biodiesel et autres biocarburants.

D’après le mémorandum, ce processus d’accaparement des terres agricoles, à travers leur privatisation, par l’agrobusiness, pour produire du biodiesel et autres biocarburant, est fortement soutenu par les Institutions de Bretton Woods, et, récemment, par la Fao, « qui s’y était, pourtant, longtemps farouchement opposé, et le dénonçait comme une nouvelle forme de colonisation des pays en développement ».

Mais au Sénégal, explique le Pit, ce processus est déjà à l’œuvre dans la région du Fleuve Sénégal, avec l’octroi par Wade de 40. 000 hectares à Dangotte Industries , pour produire de la canne à sucre. La même situation se passe, révèle le Pit, dans la vallée de l’Anambé, dans le département de Vélingara, où un investisseur étranger est en train d’expérimenter, à grande échelle, la production de Jatropha, pour fabriquer du biocarburant, « avec l’ambition d’accaparer toutes les terres de cette vallée ».

Pour mettre un terme à cette « perspective destructrice de notre tissu économique et social, et de soumission de notre peuple à un véritable esclavage salarié », le Pit lance un appel à la concertation et à la mobilisation, aux syndicats des travailleurs, aux organisations paysannes, aux entrepreneurs nationaux, et à toutes les forces vives.

Toutes ces forces pourraient se réunir autour des exigences incontournables actuelles que sont « la réduction du train de vie de l’Etat pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages et diminuer le coût de l’électricité, la lutte sans merci contre la délinquance économique, y compris la corruption et les détournements de deniers et autres biens publics ».

Daouda GBAYA


lire aussi sur www.lequotidien.sn (3-5-2010) : WADE SUR LE PROJET DE réforme du code du travail : « C’est une idée des bailleurs de fonds » , Par Daouda GBAYA

sur www.lagazette.sn (23 juin 2009 ) : DISTRIBUTION DES TERRES AU SENEGAL : La Réforme foncière en panne , Par Babou Birame FAYE

et sur www.continentpremier.com (22 août 2011 ) : Wade et ses nouvelles réformes territoriales et administratives : pour quels objectifs, quelle pertinence ? , Par Dr Djibril Diop





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