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Sénégal : Ces prix de misère qui ruinent les paysans et tuent l’agriculture

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mercredi 5 mai 2010
Depuis la période coloniale, l’arachide a été la mamelle nourricière du monde rural sénégalais, la principale source de revenus des paysans. Aujourd’hui, produire dans ce secteur revient à entamer un chemin de croix. L’Etat, qui assurait la stabilité des prix et la sécurité des revenus pour les producteurs, s’est effacé pour laisser ces derniers entre les mains des industriels de l’huilerie et les intermédiaires qui jouent avec les prix sur le marché. La campagne de commercialisation de cette année vient de s’achever et n’échappe pas à la règle. Encore une fois, note Sidy Bâ, les paysans ont travaillé à perte.

source : www.pambazuka.org - 2 mai 2010

Les années se suivent et se ressemblent pour les producteurs d’arachides du Sénégal. Cette campagne 2009 /2010, ils ont travaillé dur pour faire des productions records. Mais pour récompenser leurs efforts, les huiliers, grands maîtres du jeu au sein du Comité National Interprofessionnel de l’Arachide ( CNIA ) ont fixé le prix du kilogramme à 165 francs CFA. Tous les producteurs ont manifesté leur déception à l’annonce de ce prix qui les appauvrit et accentue leur misère.

Pour rappel, le Cadre Concertation des Producteurs d’Arachide ( CCPA ) organisation faîtière, leader de la filière arachide au Sénégal, a commandité une étude sur les coûts de production de l’arachide d’huilerie, menée par une institution indépendante, l’Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture, avec le soutien du CECI une ONG canadienne basé au Sénégal. L’étude a révélé que le prix du kilogramme d’arachide est de 192 francs CFA bord champ.

Les producteurs se sont rendu compte qu’ils travaillent à perte depuis la nuit des temps. Seuls les huiliers, qui alignent leurs prix sur le cours mondial des oléagineux (soja et colza) qui sont de 120 francs le kilogramme, et les intermédiaires, tirent de super profits sur le dos des braves agriculteurs. A titre d’exemple, cette année, le Sénégal a eu une production estimée à 1 million 175 000 tonnes. Les huiliers n’achèteront que 300 000 t, correspondant au montant de la subvention de 13,5 milliards de francs accordé par l’état, ce qui ouvre la voie à une spéculation préjudiciable au producteur.

Sur chaque kilogramme vendu à 165 francs, le producteur perd 27 francs. Soit une perte sèche de 8 milliards de francs pour la présente campagne. Elle allait être de 21, 6 milliards, n’eut été la subvention de 45 francs par kg consentit par le contribuable sénégalais

On peut affirmer que les industriels travaillent objectivement pour la mort de l’arachide.

Les profits qu’ils tirent de la vente de « l’or du Sénégal », ils ne le réinvestissent pas dans la filière. L’état du Sénégal devait obliger la SUNEOR (société d’huilerie) à respecter son cahier de charges et acheter au moins plus de la moitié de la production nationale, le reste de la production étant écoulé au niveau des autres unités industrielles que sont NOVASEN , le CAIT , ou par l’autoconsommation et les réserves personnelle de semences.

Le décret 2010 -15 du 13 janvier 2010, portant libéralisation de l’exportation des arachides de bouche et d’huilerie, est une solution très simpliste et un aveu d’échec de taille du régime libéral sénégalais pour une filière qui régente la vie de tout un peuple depuis plus deux siècles. Et si par malheur les productions chutent l’année suivante, on prendra certainement un autre décret pour protéger la SUNEOR .

Le CNIA est un précieux cadre pour les huiliers et les intermédiaires, pour faire valoir les décisions qu’ils prennent à l’encontre des masses paysannes laborieuses. L’essor de l’arachide avait permis au monde paysan de connaître des mutations importantes dans le sens de l’amélioration du niveau de vie en milieu rural et avait fortement contribué à la stabilité économique des ménages paysans. Mais aujourd’hui, le constat est amer. Car, selon le rapport du Service Régional de la Statistique et de la Démographie de Kaolack en cours de validité, les surfaces cultivées en arachide ont connu une baisse drastique de 28%, passant de 288 406 ha en 2007 à 207 417 ha en 2008. Cette région est la principale productrice d’arachide au Sénégal.

L’arachide reste au cœur de l’économie rurale sénégalaise et même celle de l’ensemble du Sénégal.

En milieu rural, plus de 350 000 exploitations familiales sont engagées dans la culture de l’arachide, ce qui lui confère un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté.

Plus de 4 millions de Sénégalais tirent leurs revenus de l’arachide et la région de Kaolack en est la locomotive.

Avec les politiques d’ajustement structurel, l’État s’est désengagé de la culture de l’arachide depuis le début des années 1980, avec ce qui fut l’application de la Nouvelle Politique Agricole ( NPA ).

L’option choisie alors par les huiliers, pour ce qui est la principale filière agricole au Sénégal, pourvoyeuse de revenus monétaires pour la majorité des paysans, a été d’importer de l’huile végétale (huile brute de soja ou colza Ogm) pour la consommation nationale et d’exporter l’huile et les tourteaux d’arachide.

Par conséquent, les revenus des producteurs ne cessent de s’éroder, parce que les prix qu’ils reçoivent ne reflètent pas leurs coûts. Cette érosion des revenus empêche la majorité des exploitations familiales de réaliser des gains de productivité et de faire des investissements. Il s’en suit que le marché des intrants, des semences, des engrais et du matériel agricole n’arrive pas non plus à se structurer adéquatement. Par ailleurs, faute de pouvoir fournir les garanties de paiement exigées, cette baisse de revenus limite grandement l’accès au crédit.

Voici la vraie raison qui vide nos campagnes, encourage l’exode rural et l’immigration clandestine. Aucun entrepreneur, fut-il agriculteur ne veut et ne peut travailler à perte. Pour joindre les deux bouts dans l’année, ils sont obligés de vendre les productions des cultures vivrières (mil, niébé et sorgho). Ce qui risque de compromettre la souveraineté alimentaire des ménages en milieu rural.

Sidy Bâ
secrétaire général du Cadre de Concertation des Producteurs d’Arachides du Sénégal


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