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AFRIQUE : L’agrobiodiversité, la clé de l’adaptation

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : lundi 7 juin 2010
NAIROBI, 1 juin 2010 (IPS) - La mécanisation, l’utilisation accrue d’engrais, et la plantation de semences hybrides ont soutenu les augmentations énormes de la production agricole mondiale au cours des 40 dernières années.
La biotechnologie est le dernier stratagème, mais les agronomes annoncent que les changements climatiques pourraient anéantir ces progrès, à moins que les fermiers commencent à combiner ces méthodes avec les connaissances indigènes.

"Le monde se dirige vers une déception. Les changements climatiques perturbent déjà la productivité agricole partout", a déclaré Dr Frank Attere, l’assistant spécial du président de l’Alliance pour la révolution verte en Afrique ( AGRA ).

"Et si cela continue", a-t-il poursuivi, "le monde sera laissé sans semences indigènes qui peuvent résister à toutes les conditions météorologiques, et cela conduirait à une grave insécurité alimentaire et à la perte de la biodiversité pour les générations à venir".

L’ AGRA est une organisation non gouvernementale travaillant à assurer la sécurité alimentaire en Afrique par la promotion de l’agriculture productive et durable chez les petits agriculteurs. Cette alliance vise à faire cela en assurant la disponibilité de bonnes semences, la protection des sols fertiles et un meilleur accès à l’information, aux marchés et financements, au stockage et au transport.

Un document publié au cours de l’un des événements secondaires de la grande conférence sur la biodiversité organisée à Nairobi, au Kenya, révèle qu’au moment où l’on craint fort l’impact des changements climatiques sur la productivité agricole, les communautés traditionnelles agricoles et pastorales à travers le monde figurent parmi celles qui ont les mécanismes les plus résistants pour s’en sortir.

La conférence de Nairobi est la quatorzième réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des conseils scientifiques, techniques et technologiques de la Convention sur la biodiversité (SBSTTA 14). Elle est organisée dans les locaux du Programme des Nations Unies pour l’environnement, conjointement avec la troisième Réunion du groupe de travail sur l’examen de la mise en Å“uvre (WGRI 3). L’objectif est de fournir des conseils relatifs à la mise en application de la Convention sur la biodiversité. "L’Utilisation de l’agrobiodiversité par les communautés agricoles indigènes et traditionnelles pour s’adapter aux changements climatiques", mise en place par un consortium de chercheurs, d’agriculteurs et de décideurs réunis comme étant la Plateforme pour la recherche sur l’agrobiodiversité, fournit des exemples venant de tout le monde en développement.

"Les fermiers dans l’est du Kenya sont en train d’employer la permaculture, une méthode agricole traditionnelle par laquelle différents types de cultures, des vignes aux arbres fruitiers, sont développées ensemble comme une stratégie pour faire face à une météo irrégulière", a expliqué Patrick Maundu, ethnobotaniste au Musée national du Kenya, et représentant des agriculteurs de l’est du Kenya.

La partie orientale du pays, communément appelée "Ukambani" en swahili, est essentiellement semi-aride, ne recevant que des pluies irrégulières avec de longues périodes de sécheresse qui peuvent durer trois ans.

Pour résister à cette sécheresse de longue date - qui pourrait être potentiellement aggravée par les changements climatiques -, les produits cultivés ici comprennent les plantes vivaces telles que les fruits indigènes qui résistent bien aux conditions météorologiques irrégulières ; des légumineuses importantes telles que le pois cajan, le dolique, le haricot grimpant (ngelenge) et les formes rampantes du dolique (ndamba) qui ont été cultivées avec succès dans ces conditions difficiles pendant des générations.

"Ces connaissances indigènes constituent ce qui doit être intégré à la nouvelle technologie afin de développer la résistance aux changements climatiques, notamment pour les prochaines générations", a déclaré Dr Attere.

Un autre exemple, du Burkina Faso, parle de la façon dont les agriculteurs dans ce pays ont résisté à la désertification et ont réhabilité les terres dégradées par la plantation d’arbres dans les champs et autour des villages.

Ils utilisent également les méthodes traditionnelles de collecte et de stockage de l’eau, ainsi que des techniques de conservation de l’humidité du sol telles que les fosses zai. Une fosse zai est un trou carré de 60 centimètres de côté et de 60 cm de profondeur, creusé dans un sol sec et sablonneux. Il est rempli du fumier de compost mélangé à la couche arable. Lorsque le mélange du compost et de la terre arable est saturé, soit avec l’eau de pluie (ou par irrigation), il peut retenir l’humidité pendant plusieurs jours - alors que le sol sablonneux qui l’entoure se dessèche presque aussitôt.

Dans les régions du Bangladesh sujettes à la sécheresse, la résistance des jardins potagers traditionnels est renforcée par la culture intercalaire d’arbres fruitiers avec des légumes, par l’irrigation à petite échelle et les engrais organiques. Dans les régions touchées par les inondations, des jardins flottants ont été créés pour produire un mélange de cultures traditionnelles, de l’amarante rouge et du chou-rave.

"L’adaptation aux changements climatiques a généralement impliqué une série d’actions diverses à tous les trois niveaux : l’écosystème ou le paysage, la ferme ou le système agricole, et l’implication de la diversité des espèces croisées et des espèces non croisées", a indiqué Paul Bordoni de la Plate-forme pour la recherche en agrobiodiversité, au Projet sur les changements climatiques.

Il a indiqué que l’entretien de la diversité des espèces croisées et non croisées en utilisant les cultures traditionnelles et le bétail ainsi que l’accès à la nouvelle diversité constituent un bon moyen d’adaptation et de résistance aux changements climatiques.

"Mais il y a un besoin urgent de ressusciter les pratiques agricoles traditionnelles. Le processus d’innovation en cours nécessite l’implication et l’utilisation des savoirs traditionnels combinées avec l’accès à de nouvelles connaissances", a déclaré Bordoni.

Ce message circule à contre-courant à un moment où les forces du marché ainsi que la politique et les subventions gouvernementales font plus couramment la promotion de techniques agricoles qui menacent la survie des connaissances agricoles indigènes.

La promotion de semences améliorées – que ce soit des semences hybrides ou des semences génétiquement modifiées conventionnellement développées - et la distribution des engrais industriellement produits sont généralement considérées comme un remplacement des variétés et méthodes traditionnelles.

"Nous apprécions toutes ces technologies", a déclaré Attere. "Le plus gros problème est qu’une fois qu’elles sont expérimentées, les récoltes sont dans la plupart des cas très élevées, au point où les agriculteurs peuvent chercher à détruire toutes les espèces indigènes sur leur ferme à cause de leur faible rendement et de leur mauvaise qualité".

Il a poursuivi : "Pendant que nous détruisons la variété indigène, nous oublions très rapidement que la variété technologiquement améliorée a été développée à partir des mêmes variétés que nous condamnons. La société doit faire un pas en arrière et retourner pour s’inspirer une fois encore des communautés indigènes".

Bordoni a fait observer que l’agrobiodiversité locale pourrait être la base pour l’intégration de l’adaptation et la protection des droits des peuples indigènes.

Isaiah Esipisu


lire l’article sur le site ipsinternational.org : L’agrobiodiversité, la clé de l’adaptation

lire aussi sur www.irinnews.org :AFRIQUE : Le riz local, c’est bon

et sur /www.pambazuka.org (2010-12-17) :La récupération des semences traditionnelles est-elle possible ? L’histoire du village de Kathulumbi au Kenya, par Anne Maina



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