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AFRIQUE DU SUD : Les petits fermiers pressés de planter des graines OGM

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mardi 29 juillet 2008
Baphethile Mntambo a eu une exploitation biologique depuis cinq ans parce qu’elle sait qu’éviter les produits chimiques sera, dans le long terme, bénéfique à sa production. Elle a décidé de ne pas planter des semences d’organismes génétiquement modifiés (OGM) parce qu’elle a entendu dire qu’elles ne pouvaient pas être conservées pour la prochaine saison et qu’ils pouvaient éventuellement épuiser sa terre.

DURBAN, 27 juil (IPS) - Mais elle ne sait pas trop comment ni pourquoi. "J’ai entendu parler des OGM, mais je ne comprends pas ce que c’est exactement", déclare-t-elle. "La seule chose que je sais est que ça coûtera beaucoup d’argent pour acheter les graines, les engrais et les pesticides".

Mntambo fait partie des 50 petits fermiers de la Vallée des mille collines, dans la province natale de KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, qui ont appris comment faire une plantation biologique, grâce à l’organisation non gouvernementale (ONG) ’ Valley Trust. Les fermiers apprennent à planter des produits de saison qui fourniront à leurs familles une sécurité alimentaire et l’opportunité de générer des revenus en vendant leurs produits dans des marchés locaux.

"Nous avons décidé de promouvoir la culture biologique pour créer une viabilité pour les petits fermiers. Nous pensons que c’est le seul moyen de leur donner la souveraineté de la nourriture et une stabilité", explique Nhlanhla Vezi, un facilitateur de ’ Valley Trust ’ pour la sécurité alimentaire. Le ’Valley Trust’ a l’habitude de coopérer avec le ministère de l’Agriculture, selon Vezi, mais la collaboration a cessé lorsque ce département a commencé à mettre la pression sur les petits fermiers "pour former des coopératives s’ils voulaient son soutien. "Le ministère fait des offres très attractives pour fournir des équipements de culture, des canalisations d’eau et des semences. Mais c’est une stratégie pour pousser à utiliser des OGM à cause de certains accords qu’ils ont signés avec des multinationales détentrices de graines génétiquement modifiées", affirme Vezi.

Des fermiers ruraux sont toujours attirés vers la plantation de semences d’OGM, par les promesses du ministère de l’Agriculture pour des prêts bancaires substantiels et par la perspective de gains élevés, confirme Lesley Liddell, directeur de Biowatch , une ONG qui fait la promotion d’alternatives à la culture d’OGM en encourageant les fermiers à s’associer, à utiliser des engrais naturels et des produits non-chimiques. "Mais à la fin, la plupart des fermiers se retrouvent avec de grosses dettes parce qu’ils ne peuvent pas conserver les semences et sont obligés d’acheter l’ensemble des engrais et pesticides pour les OGM".

Jusqu’ici, les petits fermiers sont souvent si désespérés pour un soutien financier qu’ils considèrent que planter des produits OGM après une meilleure connaissance, est comme s’ils se voyaient offrir les semences gratuitement. "Je sais que les OGM ne sont pas bons sur le long terme, mais si quelqu’un me donne ces semences, je les planterai quand même", déclare Tholani Bhengu, un autre petit fermier qui travaille avec le Valley Trust. "Pour moi, la chose la plus importante est de ramener de la nourriture sur la table chaque semaine. Je ne peux pas me permettre de penser maintenant à ce qui se passera l’année prochaine".

Parce que les petits fermiers de l’Afrique rurale ont toujours peu ou pas d’instruction, ils sont souvent incapables de faire des choix étudiés sur la culture d’OGM. "Nous les encourageons à assister à des comités qui débattent de la réglementation des OGM, mais les connaissances des fermiers sont très limitées, il est donc difficile pour eux de contribuer. Ils comprennent le problème, mais pas la législation", explique Liddell.

L’Afrique du Sud est le seul pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) qui fait la culture commerciale de produits OGM pour le maïs, le coton et le soja. Depuis 1997, la culture d’OGM est réglementée par la Loi sur les organismes génétiquement modifiés.

"L’adoption des cultures d’OGM en Afrique du Sud a progressé ces dix dernières années et est également parvenue petit à petit aux petits fermiers", confirme Priscilla Seehole, directrice de la communication au ministère de l’Agriculture.

"Comme avec n’importe quelle autre technologie, il y a des risques potentiels associés à la technologie OGM et ceci inclut ceux liés à la santé des humains et des animaux et aussi à l’environnement", admet-elle. "Par conséquent, la réglementation de toutes les activités impliquant les OGM est sujette à un processus de sécurité scientifique qui évalue les risques potentiels". Seehole affirme que le ministère sud-africain de l’Agriculture aimerait harmoniser les politiques des OGM à travers la SADC pour "éliminer quelques-unes des barrières techniques qui entravent (actuellement) le commerce dans la région".

Mais des activistes anti-OGM, comme le Centre africain de biosécurité, sont opposés à cette approche. "L’industrie OGM fait pression pour harmoniser la législation parce que cela facilitera le commerce des cultures OGM à travers les pays. Mais ceux concernés par la biosécurité doutent qu’une harmonisation régionale (d’une législation sur biosécurité) soit un avantage", déclare Mariam Mayet, directrice du Centre africain de biosécurité.

"En ce moment, chaque pays de la SADC a sa propre politique et toutes ces lois sont très différentes les unes des autres. Ce qui veut dire que chaque demande d’OGM doit passer à travers un système d’approbation et une consultation publique de chaque pays, ce qui est bon pour la transparence et la responsabilité", explique-t-elle.

"Quand l’Afrique du Sud a fait passer la législation OGM en 1997, la plupart des gens ignoraient à quel point cette technologie deviendrait controversée. Mais maintenant, il n’y pas de retour en arrière possible. Une fois que vous êtes dedans, vous êtes dedans", souligne Mayet.

L’industrie alimentaire d’Afrique du Sud est déjà saturée avec les produits OGM, affirme-t-elle : "Tout est contaminé, et pour empirer les choses, marquer sur le produit qu’il est OGM n’est pas obligatoire. Nous avons besoin d’une réforme politique sérieuse, et mettre en Å“uvre un système de test qui indique quels aliments contiennent des OGM et lesquels n’en contiennent pas."

Depuis ces dernières décennies, l’Afrique du Sud a passé des accords commerciaux avec de grandes multinationales de biotechnologie agricole comme Monsanto , qui — dans une tentative de contrôler la production agricole mondiale — promeut le financement de semences OGM brevetées. A travers un système incitatif de support de monocultures, les petits fermiers sont systématiquement intégrés dans l’agriculture commerciale, principalement pour l’exportation, et sont encouragés à mettre ensemble leurs terres.

"Tout a l’air beau sur le papier, mais en fait, c’est un stratagème intelligent pour avoir accès aux terres des gens. Les petits fermiers, qui ont signé rapidement des accords sur les OGM, ont perdu le contrôle sur la gestion de leur semence, la production et de leurs terres en fin de compte. Ce qui signifie qu’ils perdent leur souveraineté alimentaire"

, déclare Mayet. "Les OGM marginalisent les pauvres petits fermiers. Nous vivons des temps difficiles et avons besoin de lutter pour le droit pour des gens de posséder des terres et des ressources. Mais nous n’abandonnerons pas".

Kristin Palitza


lire l’article sur le site ipsinternational.org

lire aussi sur alternatives-international.net (6 novembre 2008) : INDE Des milliers de cultivateurs se suicident, ruinés par les OGM par Andrew Malone

sur www.legrandsoir.info (15 février 2008) : Nouveau rapport : Les OGM augmentent l’usage des pesticides et ne réduisent pas la pauvreté. par Amis de la Terre

sur www.lesmotsontunsens.com ( avril 2009) : Les OGM sud-africains victimes d’un bug, la récolte est condamnée , par Napakatbra

et sur ipsinternational.org (24 juin 2009) : ENVIRONNEMENT : Les OGM ne devraient pas être simplement rejetés, ni simplement acceptés par Stephanie Nieuwoudt





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