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La surpêche a un lien avec la crise alimentaire et la migration

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : jeudi 11 septembre 2008
PARIS, 14 août 2008 (IPS) - Les mers d’Afrique de l’ouest subissent une dévastation due à la surpêche légale et illégale, pendant que les industries de pêche locales sont en déclin, selon un rapport publié récemment par l’organisation non gouvernementale (ONG) ActionAid. En plus, les accords de partenariat économique tels que proposés actuellement par l’UE ne font qu’exacerber le problème.

La surpêche dans les eaux côtières de l’Afrique de l’ouest, souvent causée par de grands chalutiers européens et parfois par des "pêcheurs pirates" qui pratiquent la pêche sans aucune autorisation, a considérablement réduit les stocks de poissons locaux.

Cette situation a un impact direct sur l’accroissement du taux de chômage et l’afflux sans cesse croissant des Ouest-Africains qui s’embarquent dans des voyages périlleux vers l’Europe, en quête d’une vie meilleure.

"De plus grands nombres de pêcheurs au chômage jamais enregistrés tentent d’émigrer vers l’Europe, en se servant de leurs petits bateaux et pirogues de pêche, ce qui occasionne des pertes en vies humaines en haute mer", affirme Moussa Demba Dembélé, un économiste sénégalais qui coordonne la recherche sur le développement, initiée par le Forum des alternatives africaines.

Le rapport de ActionAid est intitulé "Egoïsme de l’Europe : comment les Accords de partenariat économique contribueraient davantage à la réduction des stocks de poissons et à l’aggravation de la crise alimentaire au Sénégal".

Il indique qu’un sixième de la population active travaille dans l’industrie de la pêche et que la pêche génère plus de 600.000 emplois directs et indirects.

Néanmoins, bon nombre de pays d’Afrique de l’ouest ont accepté d’autoriser les navires de pêche européens à pêcher dans leurs eaux territoriales moyennant des redevances, conformément aux Accords d’accès aux pêcheries, initiés en 1979.

Selon ActionAid, "l’Union européenne (UE) ne peut satisfaire que 50 pour cent de sa demande interne de poisson à partir de ses propres ressources de poisson. Le déficit est comblé depuis plusieurs années par l’accès" aux eaux de pêche des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

Les eaux côtières d’Afrique de l’ouest, relativement proches de l’Europe, ont été pillées ces dernières années.

Les volumes des prises au Sénégal ont chuté de 95.000 tonnes à 45.000 tonnes entre 1995 et 2005, selon les estimations de la direction de la pêche maritime de ce pays.

"Les opérateurs de pêcheries européens, présents dans les eaux sénégalaises, contribuent de façon significative à la surexploitation des stocks de poissons et ne font pratiquement rien pour assurer la pérennité de l’industrie", déclare ActionAid.

Les pêcheurs sénégalais, à l’instar de la plupart de leurs homologues d’Afrique de l’ouest, font la pêche avec des pirogues qui ne leur permettent pas d’aller loin en mer, là où des chalutiers de haute mer opèrent.

A la suite de la réduction des stocks, "la flotte est passée d’un chiffre record de 10.707 pirogues en 1997 à 5.615 en 2005", souligne le rapport.

"Beaucoup de compagnies de pêche ne tournent plus qu’à temps partiel en raison des déficits énormes des espèces de grande valeur et le volume moyen des exportations de poisson a chuté au total de 32 pour cent au cours de ces 15 dernières années. Cette situation a amené les sociétés à licencier 50 à 60 pour cent de leur personnel", ajoute-t-il.

Dembélé estime que les industries de pêche sénégalaises, qui n’ont pas fait faillite, tournent maintenant à moins de 50 pour cent de leur capacité.

Cette situation a conduit le gouvernement sénégalais à refuser de renouveler ses accords de pêche avec la Commission européenne en 2006 pour tenter de limiter l’accès à ses poissons et de protéger ses industries.

De la même manière, cette situation a été un facteur déterminant dans la décision du gouvernement sénégalais de ne pas signer les accords de partenariat économique (APE) proposés par l’UE, puisque selon ActionAid, "l’ensemble des accords de partenariat économique proposés par la Commission européenne, qui couvrent la fourniture des services et l’investissement, sont susceptibles de ramener et d’empirer ces pratiques".

Mais la mise en attente des APE proposés n’a pas résolu le problème, en ce sens que beaucoup de chalutiers européens attrapent plus de poissons qu’ils ne sont autorisés à prendre.

"Les compagnies qui ont une licence de pêche appropriée excèdent systématiquement les quotas qui leurs sont alloués, puisque le Sénégal ne dispose pas de ressources suffisantes pour patrouiller dans ses eaux", explique Dembélé.

De plus, beaucoup de navires industriels font systématiquement la pêche dans les zones réservées à la pêche artisanale, qui s’étendent à 9,5 kilomètres de la côte.

"Les autorités en charge de la pêche ont également des difficultés à contrôler les bateaux qui se déplacent d’une zone de pêche à une autre en traversant des frontières", ajoute le rapport.

"Les propriétaires des chalutiers jouent avec différentes licences et, s’ils n’arrivent pas à obtenir une licence au Sénégal, ils l’obtiennent facilement dans un pays voisin", souligne le rapport, citant Dame Mboup, directeur de l’agence sénégalaise de protection et de surveillance de la pêche.

Bon nombre de grands chalutiers s’adonnent également à la pêche sans aucune forme de licence qui les y autorise.

Le fléau de la "pêche pirate" affecte toute la région, selon ’ Environmental Justice Foundation ’ (Fondation pour la justice environnementale, EJF), une ONG basée à Londres, qui surveille la pêche illégale.

"De 1997 à 2001, les surveillances aériennes des eaux territoriales de la Guinée ont montré que 60 pour cent des 2.313 navires localisés commettaient des infractions. Les surveillances en Sierra Leone et en Guinée-Bissau, au cours de la même période, ont révélé des niveaux de pêche illégale de 24 pour cent (des 947 navires) et de 24 pour cent (des 926 navires), respectivement", écrit EJF.

D’autres entreprises de pêche européennes ont contourné les limites imposées par les quotas en recourant à la "sénégalisation" de leur flotte : "Un armateur européen crée une société en joint-venture (par participation) pour permettre à ses bateaux de battre pavillon sénégalais, ce qui lui permet d’éviter des contrôles stricts et d’accéder aux poissons des eaux réservées aux bateaux sénégalais", explique le rapport.

Ces situations ont conduit ActionAid à recommander "la suspension permanente des accords de pêcheries, l’imposition de périodes de repos biologique et le renforcement de la surveillance des eaux territoriales".

Mais la restauration de cet espace de politique pour les gouvernements d’Afrique de l’ouest serait en contradiction avec les APE intérimaires. Dans leurs formes actuelles, les APE exigent que les pays ACP ouvrent davantage leurs économies à la compétition européenne. (FIN/2008)

auteur : Hilaire Avril


lire l’article sur le site ipsinternational.org

au sujet de la pêche et du littoral ouest-africain voir aussi : Renforcer l’adhésion des sociétés et des acteurs à la cause de la conservation des zones côtières ouest africaines sur le site www.lafiba.org

lire aussi sur altermondes.org (mars 2008) : Les pêcheurs et l’émigration au Sénégal

et lire aussi sur aquaculture-aquablog.blogspot.com (25 octobre 2008) : Libéraliser la pêche, un danger pour la sécurité alimentaire
et 6 mai 2009 : Arrêtons la « Casse » de la Pêche Artisanale !

et sur www.ddmagazine.com : Famine sur ordonnance

et sur www.in-terre-actif.com : FICHE PÉDAGOGIQUE SUR LA SURPÊCHE AU SÉNÉGAL





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