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Vingt mille casamancais réfugiés en Guinée : Bissau offre l’asile au Sénégal

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mercredi 20 août 2008
Malgré le processus de paix et le travail de certaines associations et organisations non gouvernementales basées dans la région, 20 000 réfugiés casamançais vivent encore sur le sol bissau-guinéen. Ils veulent rentrer dans les villages d´origine mais ils ont peur à cause des dernières hostilités en Casamance.

source : www.lequotidien.sn 20-08-2008

C’est le nain guinéen qui héberge le géant sénégalais. La Croix-rouge le certifie. Depuis les années 1992, des populations ont fui en masse les combats entre militaires sénégalais et combattants du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance ( Mfdc ). Si certains se sont réfugiés à Ziguinchor, Oussouye, Bignona et dans certains villages plus ou moins épargnés par la violence, d´autres ont préféré traverser les frontières pour sauver leur vie. Ainsi, la plupart des populations de certains villages du nord du département de Bignona, le long de la frontière avec la Gambie, ont gagné ce pays. D’un autre côté, pour celles habitant les villages situés dans les départements de Ziguinchor et Oussouye, il était plus facile d’entrer dans le territoire de la Guinée-Bissau. Beaucoup d’entre elles sont restées dans leur pays d´accueil pendant plusieurs années, coupées de toutes relations avec leurs parents restées au Sénégal.

Toutefois, à partir de 2000, avec l´alternance politique au Sénégal, le processus de paix en Casamance et avec le travail de terrain effectué par des associations et organisations non gouvernementales basées en Casamance, certains déplacés naguère réfugiés à Ziguinchor, Bignona, Oussouye et ailleurs où ils ne se sentaient plus en sécurité, sont revenus dans leur village d´origine. Avec ce mouvement de retour volontaire, l’on a commencé à noter un reflux, spontané ou sous la pression de parents, venant de Gambie et de Guinée-Bissau.
Mais aujourd’hui, si la Gambie accueille encore des réfugiés, la Guinée-Bissau reste la destination la plus importante pour les déplacés de la violence au sud du Sénégal. Selon Maurice Grundbacher, le chef de la sous délégation de Ziguinchor du comité international de la Croix-Rouge, « il y a 20 000 réfugiés casamançais en Guinée-Bissau. Nous avons obtenu ce chiffre après notre dernier recensement du mois de mai dernier. Ils sont en général installés le long de la frontière avec la Casamance ».
Depuis plusieurs années, ces populations se retrouvent autour des villages situés sur l’axe Sao Dimingos-Valera, et les plus célèbres sont Tenhate, Esukujaque, Karouhaye, Nhambalan Moukoum, Bofa et Soungoutoto. Un réfugié témoigne : « Je suis du village de Kahème. En 1992, les populations étaient obligées de fuir vers la Guinée-Bissau car militaires sénégalais et combattants du Mfdc se battaient. Nous étions comme pris au piège entre le marteau et l´enclume. Aucun des deux camps ne nous faisait confiance. Nos maisons ont été brûlées et certains de nos parents tués », explique une femme ayant requis l´anonymat. Elle poursuit : « Je suis arrivée a Tenhate en 1992. J´y suis encore avec mon mari. Nous voulons retourner chez nous mais les conditions pour un bon retour ne sont pas réunies. Beaucoup de personnes nous le déconseillent d’ailleurs. Plusieurs habitants des villages de Agnotine, Ering et Kahéme réfugiés dans des villages bissau-guinéens n´ont pas cette possibilité. Nous demandons au Président Abdoulaye Wade de nous aider avec des zincs pour que nous puissions construire des maisons dans nos villages avant d’y revenir une fois pour toutes », demande-t-elle.

Les réfugiés comme chez eux

Si à Esoukoujaque, Karouhaye, Nhambalan Moukoum, Bofa et a Tenhate, les réfugiés cohabitent avec les autochtones, à Soungoutoto (un village situé 4,5 kilomètres de Sao Dimingos, sur la route de Valéra), ils vivent seuls dans ce patelin de 12 maisons. Ce sont tous des Peulhs. Installés ici depuis 1992, ils viennent d´horizons divers. Selon les statistiques du Comité international de la Croix rouge en mai, il y a 529 habitants pour 97 ménages de réfugiés à Soungoutoto. Ils vivent dans des conditions très difficiles. Beaucoup de femmes enceintes sont presque au terme de leur grossesse. Des dizaines d´enfants de moins de 10 ans marchent pieds et torse nus. Alfsény Diallo est originaire de Babonda qu’il a quitté depuis 1992, toujours et encore à cause du conflit. « Nous étions entre deux feux, c’est pourquoi nous avons fui vers la Guinée-Bissau (…) », explique-t-il en présence de ses nombreux enfants et de quelques femmes. « Il n’est pas facile d’être ici. Nos conditions de vie sont très précaires. Nous nous débrouillons pour la nourriture, pour les soins médicaux, pour le manger. C´est seulement le Cicr qui nous soutient régulièrement. D´ailleurs, il nous a installé l´année dernière un mini-forage pour que nous puissions avoir de l´eau pour notre boisson. Avant, nous avions un grand problème à ce niveau. »
L’autre problème soulevé par Alfsény Diallo est tout aussi important. « La majorité de nos enfants sont nés dans ce village. Certains d’entre eux étudient en Guinée-Bissau, d’autres sont scolarisés à Ziguinchor, chez nos parents. Ils viennent parfois nous rendre visite durant les week-ends et lors des vacances. Ceux qui sont nés ici et étudient en Guinée-Bissau ont la nationalité bissau-guinéenne. Par contre, ceux qui étudient en Casamance ont la nationalité sénégalaise », explique-t-il, sur un ton triste, avant d´ajouter : « Plusieurs autres réfugiés habitaient dans les villages environnants. Ils étaient installés à Bofa, Nhambalan Moukoume. Mais ils ont fui à nouveau ces villages pour se réfugier à l´intérieur du pays lorsque le camp de César Atoute Badiate faisait la guerre à Salif Sadio. »
Pour Daouda Diallo, chef de Sougountoto, originaire de Bignona Tagnory Compliqué et présent ici depuis 16 ans, le problème numéro un des réfugiés, c´est l´eau. « Nous sommes trop nombreux avec nos enfants et femmes. Nous n´avons pas les moyens financiers de construire d´autres maisons. En plus, nous n´avons pas de rizières où cultiver du riz. Nous n´avons que la brousse pour cultiver du mil, du manioc et de l´arachide », indique-t-il.
D´après M. Mballo, les réfugiés ont planté des manguiers, des orangers, des bananiers et des anacardes qui leur permettent d´améliorer leurs conditions de vie. « Tous ces manguiers, c´est nous qui les avons plantés dès notre arrivée pour pouvoir survivre. Ils ont commencé à produire depuis les années dernières. Les oranges, nous les vendons. Durant l´hivernage, nous écoulons les noix d´acajou et les mangues. C´est ce qui nous permet de tenir sinon nous allions mourir de faim. »
Selon Alfsény Diallo, l’envie de retrouver le sol natal de la Casamance est réelle chez tous les déplacés, mais la situation actuelle ne le leur permet pas. « (…) La guerre n´est pas encore terminée, mais encore nous n´avons plus de maisons là-bas. C’est pourquoi, il nous faut préparer notre retour. On ne peut pas se lever du jour au lendemain pour rentrer. Il nous faut des mesures d´accompagnement. Sans cela, ce n’est pas possible. Nous n’avons plus rien dans nos villages d´origine. » Daouda Mballo abonde dans le même sens : « Nous voulons retourner en Casamance mais avec la reprise des hostilités durant ces derniers mois, nous avons renoncé. Pour nous, il n’est plus question de revivre les cauchemars des années 92… »
L’occasion est propice, pour tous, de louer la grandeur d’âme des populations locales de Guinée-Bissau, dont l’hospitalité est allée jusqu’à leur donner des terres pour l’habitat et l’agriculture.

Par Erick Salemon BASSENE




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