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ALIOUNE TINE, PRÉSIDENT DE LA RADDHO : « Il est interdit d’avoir des ambitions présidentielles au Pds »

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mardi 14 octobre 2008
Le Patron de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), M. Alioune Tine, est connu des Sénégalais par ses prises de positions courageuses sur des questions brûlantes qui interpellent la nation. Dans la première partie de cet entretien qu’il nous a accordé, il donne son avis sur la proposition de loi Sada Ndiaye, la guerre de succession au Pds et les conséquences sur le fonctionnement de l’Assemblée nation, mais aussi la mise à mort politique Macky Sall, Président de cette institution.

Le Matin : Mardi 14 Oct 2008

Proposition de loi Sada Ndiaye

Il faut remonter un peu plus loin pour voir comment on s’appuie sur l’Etat pour liquider ses adversaires politiques. On n’a pas fait une analyse très profonde de la crise de 62 sur les relations entre l’Etat et le parti, et le parti et l’État. La première fois que cela s’est posé, c’est effectivement entre Dia et Senghor. Dia disant qu’il y a la primauté du parti sur l’Etat et Senghor s’appuyant sur la primauté de l’État et de la Constitution pour éliminer effectivement un adversaire politique qui etait Mamadou Dia à l’époque. À l’époque, c’etait un peu la naissance de l’Etat sénégalais. C’est par la suite, après ce qu’on appelle la Constitution de 64 que Senghor a commencé à mettre en place le pouvoir que l’on connaît aujourd’hui. Et c’est en cela que j’ai dit que Wade etait beaucoup plus senghorien que Abdou Diouf.
Abdou Diouf est parti quand même au terme d’élections que l’on sait qui sont remarquables. Aujourd’hui, je pense qu’il faut également méditer concernant les institutions de l’Afrique du Sud. En Afrique du Sud, vous avez la primauté du parti sur l’État. Mais, le parti est une institution très forte, très puissante qui est même au-dessus du président de la République. Quand l’Anc s’est réunie pour désapprouver Thabo M’beki. Ce dernier n’a pas attendu, il a démissionné tout de suite. Mais, regardez également les institutions de la République en Afrique du Sud et je parle de l’institution judiciaire. Quand l’institution judiciaire a décidé effectivement d’annuler les poursuites contre Jacob Zuma le juge a ajouté, «  le juge a reçu des influences au niveau de l’Etat et il n’a pas cédé ». Donc si on a un parti comme une institution forte et avec un statut qui est reconnu, c’est bon pour la démocratie, c’est bon pour les institutions.
Quand on a également des institutions comme des institutions judiciaires comme en Afrique du Sud qui peuvent prendre des décisions qui sont à l’encontre des désirs du chef de l’État. À partir de ce moment, nous avons les mécanismes de régulation qui permettent à la démocratie de respirer, on ne l’a plus. Aujourd’hui, dans le contentieux qui oppose le président de la République au président de l’Assemblée Nationale, aujourd’hui quel est le mécanisme institutionnel qui peut intervenir pour réguler cela ? Il n’y en a pas. Le Conseil constitutionnel a des compétences extrêmement limitées. C’est une institution très généreuse qui prend très peu de décisions, qui apporte très peu au développement de la démocratie et des institutions dans ce pays.
Je crois que l’heure est venue vraiment d’envisager très sérieusement la réforme vraiment du système judiciaire à commencer par ce système de régulation politique qu’est le Conseil constitutionnel. Aller vers une Cour constitutionnelle pour éviter le tripatouillage de la Constitution. Mais, pire dans notre système pour montrer qu’on est dans une situation où vraiment y a presque un écroulement des institutions. Même aujourd’hui au cas où l’on devrait saisir le Conseil constitutionnel, tout le monde peut saisir cette juridiction à l’exception du président de la République et, bien entendu, des Députés de la majorité et de la mouvance présidentielles. Avec au moins une opposition avec des groupes qui pouvaient saisir le Conseil constitutionnel même pour le cas ce qui veut dire effectivement que nous avons des institutions extrêmement fragiles aujourd’hui au Sénégal. Pour ne pas dire on a presque plus d’institutions à l’exception bien entendue de l’institution présidentielle. Et là quand on prend à peu près le statut du parti et on essaie de dire : «  Tient la question de Macky Sall, on la règle par le parti », on a abouti à quoi ? Pas à grand-chose. Ce qui veut dire que même le parti présidentiel comme institution c’est un parti encore fragile au statut fragile. Et quand on dit également au plan institutionnel, il n’y a aucun mécanisme institutionnel qui puisse le régler, c’est pour cela qu’on a souvent recours aux marabouts comme c’est le cas lors de la précédente crise et où le Khalife général des Mourides est intervenu.
Je dis qu’il intervenait d’abord après les Ong parce que quand même on oublie souvent que nous, en tant qu’Ong, c’est nous qui avions commencé l’intervention pour que cela cesse. Quand vous regardez cela, vous voyez la succession des évènements au Sénégal ; depuis pratiquement la marche des consommateurs, les évènements se succèdent pratiquement à la vitesse des rafales de mitraillette. Alors, on peut se poser la question de savoir comment se fait-il qu’à ce moment précis qu’on assiste à une telle accélération de l’histoire, à une succession d’évènements plus graves les uns que les autres. Aujourd’hui, quand on regarde le moyen par lequel on essaie de régler cette crise franchement si on essaie de le définir, en un mot, je dirai que c’est insignifiant. Insignifiant d’abord par la personne qui porte la loi, de par son nom, de par sa moralité.
Donc son itinéraire politique comment il est arrivé après le Coud, après les audits, qu’est-ce qui a été négocié ici pour arriver là où il est ? Ce sont des lois tellement scélérates qu’on les fait porter par des Députés vertueux y compris même des députés de la mouvance ou du parti. En réalité, c’est une loi que les gens vont aller peut-être voter en se bouchant le nez. Je dis c’est une honte pour la République, vraiment une honte pour la République qu’on en arrive là. Et cela va être un bilan extrêmement lourd demain.
C’est pour cela effectivement, nous en appelons à un examen de conscience de la part des plus hautes autorités de l’Etat, de la part des élites politiques. Aujourd’hui, il n’est pas superflu de se demander si nos élites politiques africaines sont bien préparées à l’exercice du pouvoir après l’alternance que nous avons connue qui a été remarquable avec des attentes et avec un développement aujourd’hui des médias de l’opinion avec le niveau d’éducation des gens on ne peut pas avoir une démocratie qui fonctionne comme la démocratie sénégalaise ?
Aujourd’hui ça peut poser des problèmes. Regardez, en 68 au Sénégal, le nombre de Députés était supérieur au nombre de celui de l’opposition en 2008. Cela veut dire 40 ans après, le temps est venu de procéder à un véritable examen de conscience. Je ne dis pas que la faute incombe totalement et exclusivement au président Wade. Toutefois, il en porte une grande responsabilité. Et deuxième niveau d’analyse, c’est en réalité en Afrique que l’on nous a transféré ce que j’appelle un Gaullisme tropicalisé. Un Gaullisme qui est réduit tout simplement à l’autoritarisme, à la concentration pratiquement de l’ensemble du pouvoir. Aujourd’hui même les États anglophones de l’époque le Nigeria, la Gambie et le Ghana ont opté pour le présidentialisme alors que c’est le système britannique. Je pense qu’aujourd’hui le moment est venu en Afrique de réfléchir sur l’hyperprésidentialisme. Quand vous regardez les conflits en Afrique surtout après les élections ou après les coups d’Etat, le grand problème, c’est l’élection présidentielle. Je pense que le temps est venu de voir comment réformer ce pouvoir-là.
Nous avons aussi ce que nous pouvons appeler les crises de leadership. La fragmentation des partis et la naissance de messies un peu partout c’est parce que tout le monde aspire à être président de la République. Ce n’est pas possible. Je crois qu’il faut essayer de voir comment réformer cela et comment articuler politique et éthique. Je pense que cela nous manque terriblement. Et également c’est cela qui crée les conflits. Aujourd’hui, nous assistons à une crise financière internationale qui rappelle les années de dépression. À commencer par les Etats-unis, en Europe tout le monde s’organise pour essayer d’y faire face. Quel va être l’impact sur le plan économique, quel va être l’impact sur le plan social, quel va être l’impact sur l’aide au développement. Je pense que ce sera un impact très lourd sur l’aide au développement.
Par rapport à toutes ces questions, nous en sommes au Sénégal à la gestion des institutions. À la gestion, on dirait de l’inutile parce que l’on ne voit pas ce que cela produit et ce que cela a de productif aujourd’hui de liquider un Macky Sall, de liquider le journal 24 heures chrono. Je pense que le moment d’un examen de conscience globale des élites est arrivé.

Guerre de succession au Pds

Il est évident qu’au terme de ce qu’on a su avant même Macky Sall depuis Idrissa Seck, aujourd’hui, il est interdit au parti au pouvoir d’avoir des ambitions présidentielles. C’est comme si on avait scotché sur le fauteuil présidentiel : réservé. Alors je dirai même avant M. Seck, c’est depuis Moustapha Niasse, il ne faut pas lorgner le fauteuil. C’est réservé. Macky, c’est le dernier en date. Parce qu’on lui reprochait presque pas grand-chose, parce que plus fidèle que lui disons plus docile que Macky Sall, tu meurs.
À la limite, on peut le caricaturer en disant que même « pour aller voir ton coiffeur, tu diras au président Wade : Ecoute, je vais voir mon coiffeur ». Il est évident que si effectivement, il y a ce que j’appelle une espèce d’accélération de l’histoire que de s’interroger à savoir pourquoi ? Qu’est ce qui se passe ? Pour qu’effectivement on ait donné un coup d’accélérateur à cet article concernant la succession. Je crois que c’est légitime de se poser la question.

Restauration de l’Assemblée Nationale

Aujourd’hui, on est à un moment critique de l’histoire du Sénégal. Critique du fait du contexte économique, du fait du contexte social, du fait du contexte politique pour qu’aujourd’hui la dissolution de l’Assemblée Nationale soit une solution. Pour qu’effectivement voir comment l’on peut légitimer, revaloriser l’Assemblée nationale. C’est la solution radicale mais, c’est la seule solution.

(A suivre) Auteur : Boubacar Demba SADIO




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