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L’Occident s’autorise ce qu’il avait interdit dans l’UMOA

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 17 octobre 2008
Interdits d’intervention par la Banque mondiale et le FMI, les pays de l’UMOA ont dû se résoudre, il y a 25 ans, à laisser le quart des banques tomber en faillite. Face aux risques sur les banques occidentales, le FMI prône aujourd’hui l’intervention des Etats.

source : www.lesafriques.com 17-10-2008

Les banques et assurances américaines sont nombreuses à avoir touché le fond de la spirale dépressive dans laquelle elles s’enfonçaient depuis une année. Avec des pertes estimées à des centaines de milliards de dollars, elles sont, pour la plupart, dans une situation de quasi-faillite. Leurs homologues et partenaires européennes sont incidemment dans la tourmente, comme les bourses du monde développé qui dévissent et se reprennent de temps à autre.

Leur plus grand espoir repose sur le plan Paulson, défendu par le président Bush et les deux candidats à sa succession, McCain et Obama. Accrédité par le Congrès américain, il coûtera au contribuable américain entre 700 et 1400 milliards de dollars en procédant purement et simplement à une vaste opération de nationalisations.

Nationalisations ? Cette carte est, en théorie, l’hérésie suprême dans les pays de la libre entreprise. Mais les gouvernants et les grands argentiers du monde développé savent, depuis bien longtemps, que le « tout marché » a ses limites, et que l’Etat se doit d’intervenir en cas de crise majeure. Les élites américaines ont fait, là-dessus, leur religion depuis les années trente. Ils restent convaincus que si la crise de 1929 avait pris son ampleur dévastatrice et mené le capitalisme au bord du gouffre, c’est parce que la Federal Reserve et les autorités publiques avaient laissé les banques s’effondrer en refusant d’injecter les liquidités nécessaires pour rétablir la confiance et la croissance régulière de l’économie réelle.

Le gendarme de l’orthodoxie financière à l’échelle du monde, le Fonds monétaire international, conforte les dirigeants américains actuels dans leur choix interventionniste. Ainsi, pour Dominique Strauss-Kahn, son directeur général, «  l’effort initial des finances publiques doit être massif. Mais, si cela n’était pas le cas, des efforts budgétaires importants seraient alors nécessaires pour garantir la stabilité à long terme des finances publiques. »

Récession

Un quart de siècle plus tôt, dans les années quatre-vingts, les banques de l’Union monétaire ouest-africaine étaient dans une situation de crise analogue à celle que traverse le système américain. Une trentaine d’entre elles étaient alors en situation de cessation de paiement, en faillite. Et les causes étaient sensiblement les mêmes. L’économie mondiale était en crise, sous l’emprise des deux premiers chocs pétroliers. Les pays de l’Union subissaient d’autant plus durement cette récession qu’ils faisaient face à une sécheresse qui perdurait depuis une décennie et que les cours de leurs principaux produits d’exportation (café, cacao, arachide, coton, etc.) s’étaient effondrés sur le marché mondial. Ces facteurs sont venus accentuer les faiblesses internes au système bancaire sous-régional. Celui-ci souffrait d’une dégradation prononcée de la qualité de ses actifs due à une gestion laxiste et défectueuse qui entraîna le développement inconsidéré des créances malsaines.

Les Etats de l’Union s’étaient vus interdire tout recours à des fonds publics pour sauver les banques.

Mais, contrairement à ce qui est de mise en ce moment, les Etats de l’Union mis sous ajustement structurel par la Banque mondiale et le FMI s’étaient vus strictement interdits de faire recours à des fonds publics pour sauver les banques en faillite et dans le capital desquelles ils étaient, par ailleurs, déjà présents. Une des explications données était leur surendettement. Pourtant, l’administration américaine et les Etats européens sont, dans le contexte actuel, tous surendettées. Mais l’on accepte qu’ils s’endettent davantage pour financer les opérations de sauvetage de leurs banques en déliquescence.

Assainissement

Les Etats de l’UMOA avaient plutôt été contraints de liquider purement et simplement les établissements insolvables, soit le quart du réseau bancaire de l’Union, et d’assainir en profondeur le reste du système, sous la houlette des institutions de Bretton Woods. Les réformes libérales mises en Å“uvre étaient, notamment : la libéralisation des taux d’intérêt et surtout l’institution de mesures prudentielles pour veiller au respect des conditions d’exercice de la profession bancaire, assurer le contrôle quantitatif de la liquidité bancaire, accroître la sécurité du système financier et orienter la structure de l’épargne et du crédit vers l’économie réelle. Il s’y ajoutait le recouvrement des créances douteuses et l’apurement des arriérés des Etats.

Libéralisation, régulation et rigueur ont été les maîtres mots du sauvetage du système bancaire de l’UMOA qui, au final, ont donné les résultats escomptés. Le dernier s’est progressivement reconstitué et est devenu nettement plus attractif. Aux mêmes maux, les mêmes remèdes. La crise que traverse le système financier international est bien le fait de sa dérégulation à outrance et de ses prises de risques excessives, en particulier aux Etats-Unis. Il ne servirait à rien d’y injecter des milliards et des milliards de dollars, sans qu’il ne lui soit imposé des normes prudentielles plus rigoureuses, des principes comptables plus fiables et des règles de transparence acceptables en pratique.

Amadou Fall, Dakar




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