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DIASPORA NOIRE EN AMERIQUE DU SUD

La matrice africaine du Brésil a des contours principalement bantu

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mercredi 22 juillet 2009
C’est, en substance, ce que l’on peut retenir, du deuxième volume de la série Sankofa, ouvrage collectif intitulé « Cultura em movimento. Matrizes africanas e ativismo negro no Brasil », collection quartet qui vient d’être rééditer aux très affirmatives éditions Selo Negro, à Sao Paulo, sous la coordination de la prolifique Elisa Larkin Nascimento.
La substance bantu de la culture de l’immense ancienne portugaise de l’Amérique méridionale est mise en relief par l’incontournable chercheur carioca Nei Lopes et la regrettée Beatriz Nascimento.

envoyé par Simao SOUINDOULA - 20/07/2009

Compilation d’études s’étalant sur 307 pages, ce Sankofa présente, outre les contributions de ces deux «  bantuistes », des analyses sur la longue évolution de la lutte des noirs dans l’enfer esclavagiste et colonial brésilien, sous ses formes armées, sociales, civiques et politiques.

L’époque contemporaine de ce combat pour la liberté est analysée avec ses grands acquis au niveau de la perpétuation de la mémoire niger, matérialisée, d’ une part, par le lancement, au début des années 80, du programme fédéral Mémorial Zumbi de Palmares, et, d’ autre part, dans le domaine de l’éducation, avec la promulgation de la réformatrice Loi de 2003 portant sur l’ introduction dans les curricula, des études sur les relations ethno–raciales ainsi que l’ histoire et la culture afro-brésilienne et africaine.

Initiant sa contribution avec des épitaphes évoquant la « rainha Ginga » et les esclaves que l’on caractérisait, au Brésil, comme angolas , cabindas , benguelas , mocambiques , etc., Nei Lopes soutient que dans la générique dénomination « pièces de Guinée » , l’ on y incluait aussi les captifs embarques de la Basse Guinée c’est a dire de la Loango Coast, du littoral du Royaume du Congo et de la Colonie d’Angola. Cette appellation commune fut renforcée par le transit fiscal des cargaisons de bois d’ébène à Sao Tome, la stratégique colonie portugaise, tète de pont, dans le Golfe de Guinée, de l’intense mouvement esclavagiste qui se déroulait dans la region, et cela, des le début du XVI ème siècle.

Selon le chercheur de Seropedica, l’interminable embarquement des Bantu se fera depuis les zones grassfieldiennes jusqu’ au fleuve Coporolo, au sud de Benguela, et, sur la « contre cote » orientale, entre le Zambèze et le Limpopo, dans l’actuel Mozambique.

Et, le principal axe stratégique du ravitaillement en main d’œuvre, corvéable et taillable a merci, de l’économie du « Vice-Reino », en pleine colonisation, sera celui établi avec les terres de la Reine et des Rois Nzinga.

Mu par le lancement, en 1532, de l’exploitation de la précieuse canne a sucre et de la découverte du très mercantiliste or, vers la fin du XVII eme siècle, le trafic humain entre les deux rives de l’Atlantique va s’accélérer.

BLOC TRINITAIRE

Le « sambiste » carioca rapporte qu’entre 1700 et 1850, les 2/3 de la main d’œuvre africaine débarquée à Recife et Rio de Janeiro, provenaient de Sao Paulo de Assumpcao de Loanda et de Sao Felipe de Benguela.

Selon lui, l’on y a enregistre l’introduction des rebolos , mondonga , cabanga , cabeza , cangungo , cazongo , coanza , hanga , manga , ocarimba , quisama , quitama et benguela .

Et, divers registres contiennent, pour les congo installes dans le Brésil, portugais ou hollandais, les lumbo , vili , mbanda , bashilongo , musorongo , mpomba et mbata .

Il signalise, également, l’entrée des a njicos ou mfumungu , actuels tekes et des « gaboes », voisins des congo.

Pour la cote mozambicaine, l’auteur des fameux dictionnaires bantu du Brésil relève la venue des quiloas , ronga , tonga , shope , senga , ngon, macua et ajaua .

Nei Lopes confirme, logiquement, la nette influence du bloc trinitaire kikongo-kimbundu- umbundu dans la formation des particularités de la langue de Camoes, parlée et, même, écrite, actuellement, dans la République Fédérative.

Celui-ci mentionne une trentaine de termes lies à la fameuse entité historique Congo/Angola, et, l’on y retrouve des mots tels que cumba, muamba, bunda, camundongo, tanga et muvuca

Le coriace érudit afro-brésilien reprend la fameuse affirmation du respectable Renato Mendonca (1948), selon laquelle : « Le quimbundo, par son utilisation plus vaste et plus ancienne, a exercé sur le portugais, une plus grande influence que le nago… ».

Musicien et compositeur de talent, le collaborateur de Sankofa constate que les termes bantu surpassent, et de très loin, le vocabulaire d’origine nago, de circulation plus limitée.

Reprenant Simao Souindoula, il constate que même le vocabulaire des cultes jeje-nago a intégré des mots bantu tels que quizila (tabu) ou dijina (iniciado).

Le solide homme de culture d’Itaguai, qui sait qu’il est oblige d’être, scientifiquement, très rigoureux face aux implacables mandarins des universités d’Etat et des universités fédérales de son pays, propose un tableau contenant une cinquantaine de mots portugais ayant subi l’altération phonétique ou morphologique et syntaxique bantu.

Un des exemples de processus de modification phonétique est, comme en Afrique bantu, casaco que l’on prononce casacu.

L’analyse de la composante bantu de la culture nationale brésilienne menée par le chercheur de Santa Isabel, étude de caractère éminemment linguistique et anthropologique est renforcée par l’article, de nature plus historique, de Beatriz Nascimento portant sur le remarquable phénomène de résistance des afro-brésiliens opprimés, le quilombo, dont la première référence administrative date de 1559.

ANGOLA / JANGA

Le travail cette auteure, qui s’est remarquée par son activisme contagieux, présente, invariablement, une étonnante remontée à l’actuel territoire angolais.

Cela s’explique par l’origine du terme, qui est proto-bantu ou bantu, sous ses formes secondaires telles que nlumbu ou eumbo, dans le sens de propriété, résidence ou territoire.

Cette filiation résulte, également, a toutes les périodes de l’histoire du Brésil esclavagiste de la formation de dizaines de territoires rebelles, véritables « perigos negros », d’obédience visiblement bantu.

En effet, en 1584, se constitue le célèbre Angola-Janga, plus connu sous l’appellation de Quilombo dos Palmares et que dirigea le présumé jaga, Ganga Zumba.

L’on signale, dans le Rio de Janeiro impérial, niches, pour l’ essentiel, dans les montagnes, les Quilombos de Catumbi et celui que dirigea Manuel Congo.

Au XVIII eme siècle, l’on note la destruction du Quilombo de Tijuco, dans les pénibles Minas Gerais.

Et, vers 1830, l’administration rapporte l’organisation d’une intense activité religieuse dans le Quilombo de Cabula, à Salvador, à Bahia.

La lecture du deuxième volume de cette collection est, a tous points vue, attachante parce qu’elle confirme les apports linguistiques et anthropologiques africaines, définitivement gravés, dans la riche et variée culture nationale du Brésil.

Cette dimension, associée à l’extraordinaire brassage humain intervenu dans ce vaste territoire d’Amérique du sud, a en fait la deuxième puissance noire du monde, potentiellement membre de l’Union Africaine, dans le cadre du projet d’institutionnalisation de sa Sixième Region.

Logique avec cette perspective, le Brésil sera le Pays, Invite d’ Honneur, de la Troisième édition du Festival Mondial des Arts Negres, qui se tiendra dans la senghorienne Dakar, du 1 au 14 décembre prochain.

Simao SOUINDOULA
Vice-président du Comite Scientifique International du Projet de l’UNESCO « La Route de l’ Esclave »
C.P. 2313 Luanda (Angola)




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