le magazine du Sénégal dans le monde

Cacao, épisode I : un gros producteur qui exporte des poids théoriques

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : jeudi 25 mars 2010
200 à 300 milliards de FCFA perdus par an. Autopsie d’une libéralisation mal négociée, qui illustre comment l’Afrique a perdu le contrôle de son négoce international.
Avec une part de 40% de la production mondiale de cacao, la Côte d’Ivoire, après 50 ans d’indépendance, ne sait toujours pas, aujourd’hui, combien de tonnes de ce produit précieux quittent ses plateformes portuaires. Les récoltes sont acheminées dans des sacs ou en vrac à partir de San Pedro et d’Abidjan en « poids théoriques ».

source : www.lesafriques.com - 29-12-2009

Elles ne sont réellement évaluées qu’une fois à l’arrivée, dans les ports occidentaux. Là, les quantités sont pesées avec minutie sur de simples bascules munies d’enregistreurs électroniques. Selon nos informations, les écarts de poids entre le départ et l’arrivée sont considérables et la marge immédiate.

Selon les recoupements, les rapports et les observations des spécialistes du secteur, le pays de l’éléphant perdrait en moyenne entre 10 et 15 kilos par sac, soit 200 à 300 milliards FCFA de manque à gagner chaque année. Comment la contrée d’Houphouët-Boigny en est-elle arrivée là ? Pourtant, le pesage ne demande pas une technologie avancée. A moins que cette situation ne soit voulue ? Dans ce cas, à qui profite ce système lourd de conséquences pour l’économie ivoirienne ?

Pour les spécialistes du secteur, tout est parti de la fin des années 90, avec les injonctions de la Banque mondiale appelant la libéralisation du secteur café-cacao, afin de mieux maîtriser le circuit export. Un décret No 99-40 du 20/01/1999 signé le 31 octobre 2001 par Henri Konan Bedié, alors président de la République, allait porter une charge fatale à la Caistab (Caisse de stabilisation et de soutien des produits de base de productions agricoles).

C’est en octobre 2000 que la Chambre de commerce se voyait confier la responsabilité du pesage des marchandises à l’export, sous cordon douanier. Une décision lourde de conséquences que nous analyserons dans nos prochaines éditions.

Cet empêcheur de tourner en rond

En attendant, peu d’intervenants avaient intérêt à militer pour le maintien de la Caistab, cet empêcheur de tourner en rond qui quadrillait le pays avec douze inspections régionales des produits agricoles et 216 centres de collecte. Structure tampon entre les marchés mondiaux et les producteurs, la Caistab garantissait aux producteurs des prix sécurisés, annoncés au début de chaque campagne, grâce à un fonds dédié. La Caistab veillait au respect de la règlementation, au contrôle et à la délivrance des agréments. Tout passait par la Caistab. Une hyper centralisation, critiquée par les institutions de Bretton Wood, mais qui n’en avait pas moins produit des résultats spectaculaires. Sous la Caistab, la production de cacao est passée de 100 000 tonnes en 1960 à plus de 1,2 million en 1994.

Il n’en demeure pas moins que, même pendant cette période splendide, la Côte d’Ivoire n’a jamais maîtrisé le poids, la quantité et la qualité des produits exportés, à la base de ces spéculations.

De plus, la centralisation coûtait cher. Aussi, une première réforme, introduite en 1991 dans le but de restructurer le secteur, avait conduit à la suppression progressive des dispositifs de contrôle, placés entre le champ et le quai. Ce début de retrait de la Caistab sera renforcé par la libéralisation de la commercialisation intérieure en 1995-96.

Cette fuite en avant privera l’Etat de tous les tableaux de bord et indicateurs qui lui permettaient de suivre les récoltes aux niveaux régional, départemental et local. La Caisse de stabilisation sera liquidée définitivement en janvier 1999.

Cette libéralisation, qui devait conduire à une meilleure gestion de la Caisse de l’export, est loin d’être parvenue à cet objectif majeur. Aujourd’hui encore, l’Etat ivoirien ne maîtrise pas ses exportations de cacao, qui pèsent pour 10% de son PIB. En plus de cet échec à l’export, la libéralisation a démantelé le contrôle intérieur qui existait au temps de la Caistab.

Un oligopole bien puissant

La règle des 90% s’observe aussi au niveau des transitaires, où SDV-SAGA et SIVOM contrôlent près de 90% des opérations de la filière et collectent 90% du droit unique de sortie (DUS).

La fin du contrôle intérieur, symbolisée par la suppression des centres de collecte, a définitivement livré le cacao ivoirien à un oligopole de multinationales qui en font à leur guise. Car, malgré sa forte production, la Côte d’Ivoire, qui ne dispose que de 135 000 tonnes de capacités de stockage intérieur pour 737 000 tonnes de capacités à l’export, offre un boulevard aux grandes firmes internationales, sous le contrôle des principaux transitaires du pays. « Nous sommes passés d’un monopole d’Etat à un oligopole dominé par les multinationales, à la recherche de profits sans cesse croissants », commente un exportateur ivoirien qui regrette la disparition de la Caistab.

« Nous n’avons plus de quais, plus de ports. Un jour, les multinationales, qui progressent lentement mais sûrement, prendront aussi le contrôle de la production par le biais des champs en concession. »

Les opérateurs nationaux ivoiriens ont progressivement disparu du secteur au profit de ces multinationales, qui contrôlent les quais, les bascules et les capacités de stockage. « Notre pays peut être considéré aujourd’hui comme un territoire enclavé. Nous n’avons plus de quais, plus de ports. Un jour, les multinationales, qui progressent lentement mais sûrement, prendront aussi le contrôle de la production, par le biais des champs en concession », résume, lapidaire, cet autre observateur.

La règle des 90% !

En attendant un réveil salvateur de l’Etat, le cacao ivoirien reste contrôlé à l’export par quatre multinationales, Cargill , CEMOI , Barry Callebaut et ADM , toutes adossées à la transformation, reines de l’industrie mondiale du cacao. Pour un pays qui ne dispose plus ni de flotte, ni de quais (sous concession), et qui vend FOB, le manque à gagner est faramineux.

La transformation est assurée à 90% par quatre filiales de grands groupes, que sont UNICAO , SACO , CEMOI et MICAO .

La règle des 90% s’observe aussi au niveau des transitaires, où SDV-SAGA et SIVOM contrôlent près de 90% des opérations de la filière et collectent 90% du droit unique de sortie (DUS).

Même schéma reproduit au niveau du système de financement. Les banques ivoiriennes se sont désengagées du secteur au profit des filiales des banques internationales. Malgré cet engagement, ces filiales sont critiquées dans quelques cercles politiques, plus ou moins proches du pouvoir. Ces banques étrangères sont vues comme de simples guichets pour les opérations des compagnies multinationales.

A l’inverse de ces groupes puissants, les exportateurs nationaux ivoiriens ont disparu en l’espace de dix ans. On estime aujourd’hui à 40 milliards FCFA les actifs non util




Lettre d'info

Recevez 2 fois par mois
dans votre boîte email les
nouveautés de SENEMAG




© 2008 Sénémag      Haut de page     Accueil du site    Plan du site    admin    Site réalisé avec SPIP      contact      version texte       syndiquer