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Les sidemen de la world

Des hommes et des femmes de l’ombre

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : dimanche 23 janvier 2011
On les croise souvent au gré des concerts de musiques du monde mais on connaît à peine leur nom. Souvent très talentueux, ils sont bassistes, guitaristes, choristes et accompagnent des artistes plus en vue qu’eux... Mais l’activité de sideman est-elle compatible avec une carrière solo ? Enquête.
En anglais, on dit ’sideman’, l’homme à-côté. Celui qui accompagne le leader d’un groupe. Un non permanent. Musicien indépendant, il va de contrat en contrat, de scène en scène, pose une ligne de basse ici, quelques chœurs-là. Part aussi en tournée et comme les stars, vit une vie d’artiste. C’est une école par laquelle passent presque tous les musiciens. Mais jusqu’où rester dans l’ombre ?

source : www.rfimusique.com - 21 janvier 2011

Touche artistique

Il y a évidemment autant de réponses que de sidemen. Certains artistes qu’on croise sur un nombre infini de projets, comme Cheik Tidiane Seck ou Jean-Philippe Rykiel sont des touche-à-tout, polyvalents et reconnus, qu’on appelle justement pour qu’ils apportent leur touche artistique à une aventure musicale.

D’autres sont incontournables : Moriba Koita par exemple. Ancien de l’ Ensemble Instrumental du Mali , en apprentissage depuis l’âge de 4 ans, il vit à Paris depuis 1993. Mi-sideman mi-référence de la musique mandingue, Moriba Koïta est le maître incontesté du ngoni en France.

Quand un artiste mandingue (Salif Keïta, Kassé Mady Diabaté, Cheikh Tidiane Seck…) veut entendre les notes cristallines de cet instrument sur sa musique, il appelle Moriba. Reconnu bien au-delà de la seule sphère ouest-africaine, le griot sait trouver sa place sur scène aussi bien avec un quatuor à cordes qu’avec les jeunes musiciens folk de Moriarty. Invité sur des dizaines d’albums, il n’a pourtant fait qu’une fois l’expérience d’un projet solo, en 1997, sur le label Cobalt avec une pure merveille, Sorotoumou . Mais cette expérience non renouvelée ne semble pas particulièrement l’affecter.

Le Béninois Michel Pinheiro a été, lui, le chef d’orchestre du reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly pendant douze ans, de 1996 à 2008. Il a choisi de déléguer sa fonction à un autre membre du groupe pour se "libérer du temps psychologique"… Ainsi, il trouve malgré tout l’équilibre : "Lorsque j’étais à Abidjan, au début des années 90, j’allais animer dans les studios et dans les hôtels. C’est ça ma vie ! Je fais un métier que j’aime, je suis libre dans ma tête et l’argent que je gagne en tournée avec Tiken me permet de produire mes projets solo". Au Bénin et en Côte d’Ivoire, Michel Pinheiro a autoproduit quatre albums de salsa, sa musique de cœur.

Ambitions

Mener une carrière solo confidentielle ne sied pas à tout le monde. Egalement béninois, le bassiste Patrick Ruffino a accompagné dès l’âge de douze ans tous les plus grands musiciens du Bénin : Le Tout Puissant Poly-Rythmo de Cotonou, Gnonnas Pédro, Sagbohan Danialou et des stars de passage, Papa Wemba ou Manu Dibango…

A New York, avec son ami de toujours, Lionel Loueke, il a continué, pour encore apprendre. A Paris, il prête surtout son oreille d’arrangeur à de nombreux projets. Mais avec son deuxième album Salam , toujours en attente d’une signature, Patrick Ruffino souhaite délibérément passer de l’ombre à la lumière.

Il possède d’ailleurs un avis bien tranché sur la question : "Même si un musicien est capable d’être leader, s’il reste sideman trop longtemps, il aura tendance à ne plus avoir son identité et surtout ne pas savoir se mettre en avant. C’est le piège… " Un écueil dont il n’est pas le seul à se méfier. Comme lui, le très international Sénégalais Hervé Samb, axe désormais davantage sa carrière sur ses propres projets. Après avoir accompagné Amadou et Mariam, David Murray and the Gwoka Masters, Jacques Schwarz-Bart ou Boney Fields, il a signé en 2009 un premier album de très haute facture, Crossover .

Repérée

La Malienne Fatoumata Diawara a elle aussi l’étoffe d’une meneuse. En seulement trois ans, elle a réalisé le rêve de toutes les choristes : être repérée. Comédienne, elle démarre sa carrière très jeune dans plusieurs longs-métrages. En 2006, de retour au Mali après plusieurs années d’absence, elle rencontre Cheikh Tidiane Seck, qui travaille avec Dee Dee Bridgewater sur le projet Red Earth. Il l’engage sur le champ.

Fatoumata Diawara se rappelle en riant de cette première expérience : "Cheikh Tidiane Seck me demandait de chanter doucement, pour valoriser la voix lead. C’est une école. Tu apprends à poser ta voix. Le rôle du choriste, c’est d’être effacé, c’est très vite frustrant". A partir de 2007, elle arpente les scènes des salles parisiennes et multiplie les collaborations.

Fatoumata Diawara est talentueuse, donne de la voix, accroche la lumière. En tournée avec elle pour une centaine de dates, Oumou Sangaré, lui fait confiance. La diva du Wassoulou lui laisse de l’espace et lui permet de sortir de l’ombre. Séduit par son charisme, Nick Gold, le patron de World Circuit signe son premier album dans la foulée. Il sortira sur le label anglais au printemps 2011 ! Une chance, mais aussi une exception : comme Fatoumata Diawara, rares sont les sidemen, qui à moins de trente ans ont l’occasion de signer un album en leur nom propre.

Eglantine Chabasseur




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