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Manifestations du 23 juin - Revue de presse

mis à jour le 8 juillet

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mercredi 29 juin 2011
Le pouvoir aura finalement reculé face à la détermination du peuple qui a assiégé la Place Soweto pour exiger le retrait du projet de loi instituant un ticket bicéphale à la Présidentielle. Dans cette victoire, une organisation s’est vraiment mise en avant. Il s’agit du mouvement Y’en a marre. Abdoulaye est homme heureux. Ce jeune homme d’une trentaine d’an­nées, rencontré devant les gril­les de l’Assemblée nationale, exulte en apprenant le retrait du projet de loi instituant le ticket à l’élection présidentielle de 2012, par le ministre de la Justice Garde des Sceaux, Cheikh Tidiane Sy, au moment où l’on s’y attendait le moins. Une reculade due à la forte détermination du peuple qui, très tôt, a envahi la Place Soweto.

Masse manifestations autour de l’assemblée : La foule a fait reculer les députés de Wade

Le pouvoir aura finalement reculé face à la détermination du peuple qui a assiégé la Place Soweto pour exiger le retrait du projet de loi instituant un ticket bicéphale à la Présidentielle. Dans cette victoire, une organisation s’est vraiment mise en avant. Il s’agit du mouvement Y’en a marre . Abdoulaye est homme heureux. Ce jeune homme d’une trentaine d’an­nées, rencontré devant les gril­les de l’Assemblée nationale, exulte en apprenant le retrait du projet de loi instituant le ticket à l’élection présidentielle de 2012, par le ministre de la Justice Garde des Sceaux, Cheikh Tidiane Sy, au moment où l’on s’y attendait le moins. Une reculade due à la forte détermination du peuple qui, très tôt, a envahi la Place Soweto.

A 10 heures déjà. L’ambiance est lourde, le face-à-face, électrique. Manifestants et forces de l’ordre, lourdement armés, se regardent en chiens de faïence. Derrière les barrières où elle est parquée, la foule ovationne ou houspille les députés, selon qu’ils sont pour ou contre le projet de loi. Mais cette ambiance ne sera que de courte durée puisque la foule va faire tomber les barrières pour tenter de forcer les grilles de l’Assemblée nationale. Elle n’y parviendra pourtant pas. Les forces de l’ordre rappliquent et chargent la foule à l’aide de gaz lacrymogènes. L’intifada est déclenchée.

Toutes sortes de projectiles sont utilisées, et des pierres fusent de tous les bords. Manifestement dé­bordée, la Police appelle des renforts. Cette fois-ci, ce sont les éléments de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) qui débarquent. De noir vêtu, l’un de ces policiers som­me la foule de vider les lieux avant de tirer en l’air avec son pistolet. En vain. Il en faudra beaucoup plus pour dissuader les manifestants conduits par des membres du Mou­vement Y’en a marre , déterminés à empêcher le vote de ce projet de loi.

Moustapha Niasse, leader de l’A fp , déboule et se dirige vers l’Assemblée. Il est vite interpellé par le commissaire Arona Sy qui lui demande de rebrousser chemin. Mais l’ex-Premier ministre entend faire respecter ses droits. « Vous avez la mission de sécuriser l‘Assemblée nationale, mais nous sommes é­gaux dans la rue. Nous n’avons pas de pierres », dit-il au commissaire A­rona Sy. Réponse de ce der­nier : « Nous sommes au service de l’Etat. Aidez-moi à gérer ça de manière intelligente, sans qu’il y ait de blessés. » Serigne Mbaye Thiam, responsable du Ps, intervient et rappelle au commissaire que « ce qui est en jeu, c’est la souveraineté du peuple ». Et c’est pour cette cause qu’ils ont décidé de ne pas quitter les lieux. M. Niasse et Serigne Mbaye Thiam s’assoient alors sur l’asphalte. Un acte salué par la foule qui s’érige en bouclier. La tension monte. Les forces de l’ordre chargent à nouveau la foule. L’intifada reprend de plus belle. Plusieurs blessés sont enregistrés du côté des manifestants comme des forces de l’ordre.

Evitant de s’embourber dans une guérilla urbaine face aux jeunes déchaînés, la Police lâche du lest et autorise ces derniers à regagner la Place Soweto. Les manifestants jubilent et engagent leur second combat : « Wade dégage ! », pouvait-on lire sur une banderole qui entoure la statue qui trône devant l’Assemblée.

RUMEURS INVERIFIABLES

Le retrait du projet de loi devient alors un élément secondaire. Le Pr Abdoulaye Bathily explique : « C’est la fin pour Abdoulaye Wade ; c’est le peuple qui parle aujourd’hui. Il doit prendre ses responsabilités. Ou il démissionne ou il prendra la responsabilité de plonger le pays dans le chaos. » Le chaos, c’est ce que la Police a tenté d’éviter, en s’interposant entre les jeunes de Y’en a marre et ceux de l’Ujtl appuyés par les nervis de Farba Senghor.

De ces grabuges, l’on enregistrera trois personnes blessées. D’après des témoins oculaires, des coups de feu seraient partis de la maison de Farba Senghor. Malheureusement, l’information n’a pu être vérifiée puisque l’accès à l’hôpital Principal, où ces personnes ont été acheminées, était interdit à la presse. Fu­rieux, les manifestants promettent de « venger » leurs camarades. Leur cible est alors identifiée. « Brûlons la maison de Farba Senghor ! », crient des jeunes qui joignent l’acte à la parole. La villa de fonction du chargé de la propagande du Pds sera saccagée avant que la foule ne se mette à brûler les véhicules garés devant la porte, dont celui de Assane Bâ, son Directeur de cabinet.

Sous le regard résigné des forces de l’ordre. L’image apocalyptique qu’offre cette fumée qui s’échappe du domicile de Farba Senghor suscite la curiosité de certains députés et des gendarmes postés à l’intérieur de l’Hémicycle. Les sapeurs-pompiers accourent pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. Il est 15 heures. La chaleur torride qui prévaut semble tempérer les ardeurs. Le calme revient peu à peu, bien que la tension demeure forte.

Barthelémy Dias, le maire de la Sicap-Mermoz, se montre pour un one man show. Soulevé par ses gardes du corps, il dope la foule par des harangues incendiaires, poussant une partie de tout ce monde à vouloir marcher sur le Palais. Pari périlleux. Les forces de l’ordre sont sur le qui-vive. Soudain, l’on annonce la suspension des débats et une réunion incessante du groupe parlementaire libéral.
Les supputations vont bon train. Certains, scotchés à leur radio, pressentent un retrait définitif de ce projet de loi controversé. Il ont vu juste. L’information tombe juste avant le crépuscule, comme une délivrance. Le peuple crie victoire.

Les leaders de Bennoo débarquent et délivrent tour à tour leur message. Mais les manifestations ne s’estomperont pas pour autant. Les jeunes du Mouvement Y’en a marre se dirigent alors vers le commissariat central pour, disent-ils, « libérer » leurs camarades détenus depuis 48 heures. S’ensuit une course-poursuite avec les forces de l’ordre dans les environs du marché Sandaga. Kilifa, un membre du mouvement, juge plus sage de se rendre avec l’avocat Me Eh Hadji Diouf, l’une des stars du jour, au commissariat pour obtenir gain de cause. Finalement, Fou Malade, Thiaat, Simon et Cie seront libérés un peu avant la tombée de la nuit.

dgbaya@lequotidien.sn - 24 juin 2011


LE PEUPLE A REPRIS SON POUVOIR

APRÈS SEULEMENT 30 ORATEURS SUR 92 INSCRITS : Les députés cèdent à la pression insoutenable du peuple

Le qualificatif « de député du peuple » ne pouvait pas être donné aux membres de la majorité à l’Assemblée nationale, hier, parce qu’au moment où ils cherchaient à faire voter le projet de loi sur le ticket présidentiel, le peuple était dans la rue pour manifester de manière énergique son opposition à une telle initiative. Après s’être faufilés dans la foule pour accéder à l’Hémicycle, les députés s’installèrent dans la salle, comme si de rien n’était, avec l’espoir de tenir leur rencontre. Une manifestation qui va débuter à 10 heures 45 minutes avec l’arrivée de l’avocat du projet controversé, le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, et le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Seck.

Les hostilités ne tarderont pas à être ouvertes par Mes Ndèye Fatou Touré et El Hadji Diouf qui vont contester la fidélité du rapport qui, selon eux, n’a point tenu compte de leurs nombreuses observations en commission. Des remarques d’El Hadji Diouf qui provoqueront l’ire des députés de la majorité qui vont rouspéter dans la salle. Des insultes ont même fusé. Des échanges qui vont perturber la salle quelques minutes. Un débat dans lequel se mêlera le Pr Iba Der Thiam qui donnera des cours de grammaire aux députés qui passent tout leur temps à parler sans maîtriser la langue française.

Après l’inscription des orateurs qui étaient au nombre de 92 en raison de 5 minutes par député, une pause sera observée. Et au retour, les prises de parole vont s’enchaîner avec la majorité des députés du groupe parlementaire libéral qui vont défendre le projet, au moment où ceux de l’opposition et de rares libéraux vont réclamer son retrait. Et dans le lot de ceux qui s’opposent au projet, on retrouvait El Hadji Diouf, Joseph Ndong, Abdourahmane Sow, Ousmane Sow Huchard, Oumar Khassimou Dia, Moussa Cissé N°2, Aïssatou Coulibaly. Leurs réserves étaient fondées sur la tension provoquée par la loi. Des réticences qui ne rencontraient pas l’adhésion du rapporteur de l’Assemblée nationale, Amadou Diarra, et du ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy. Le premier suggérant que les travaux continuent dans l’intérêt de la démocratie, le second précisant qu’à ce stade, les députés devaient prendre leurs responsabilités.

La mise en garde de Moussa Sy à ses collègues

Ce qui va faire perdre espoir à tous ceux qui nourrissaient l’espoir de voir les débats arrêtés, surtout à cause de la réaction violente des populations jusque devant les grilles de l’Assemblée, malgré la forte présence des forces de l’ordre. Une tension qui inquiétait même les députés de la majorité, malgré leur entêtement à vouloir voter le projet de loi. Puisque dans les couloirs, ils manifestaient leurs craintes.

Ayant vu les jeunes dehors, Moussa Sy allait avertir ses collègues du danger qui les attendait en votant le projet de loi. Quelques minutes après cette remarque lucide de Moussa Sy à ses collègues, une suspension de séance de 15 minutes sera annoncée par le président Mamadou Seck. Ce qui va aller bien au-delà. Seuls 30 députés avaient déjà pris la parole sur 92 inscrits. Mais ces derniers n’auront jamais l’opportunité de parler. Puisque ce qui se murmurait dans les couloirs, au fur et à mesure que les conciliabules traînaient, allait se matérialiser avec le retrait pur et simple du très controversé projet de loi. Ce qui se confirmera dès le retour des députés dans la salle. Avant même que le ministre de la Justice n’annonce la décision, le député El Hadji Malick Guèye lui coupa l’herbe sous les pieds en l’annonçant aux journalistes, suivi en cela par El Hadji Diouf. Le Secrétaire général du Parti des travailleurs et du peuple (Ptp) a précisé que ce n’était point leur victoire, « mais celle du peuple ».

La victoire du peuple de la rue

Du pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple si cher à Montesquieu, on est passé, hier, au Sénégal, au pouvoir de la rue, par le peuple de la rue et pour le peuple de la rue. Pour dire que tous ces récupérateurs n’ont pas leur place dans cette victoire du peuple. Qu’ils soient religieux, politiques, diplomates et autres, ils étaient tous là depuis sept jours que cette question du ticket présidentiel avec son fameux minimum bloquant a été agitée par Wade et son régime en Conseil des ministres. Mais, hormis le Cardinal Sarr, on ne les avait point entendus, encore moins vus. Si d’aventure, ils ont mené des actions souterraines, c’est tout à leur honneur, mais cela n’a point fait reculer Abdoulaye Wade, son gouvernement et sa majorité parlementaire mécanique qui, jusque dans l’après-midi, manoeuvraient encore pour faire passer cette loi. Si Wade et sa smala politique se sont ravisés, c’est tout simplement parce que ce jeudi, 23 juin, pour la première fois depuis onze ans qu’il règne sur le Sénégal - Wade règne en fait plus qu’il ne gouverne une République, par ses agissements et les actes qu’il pose -, son pouvoir a vacillé. Il a reculé pour ne pas perdre le pouvoir parce que contraint par la rue qui lui avait opposé une épreuve de force. La rue était prête à l’assiéger dans son Palais, comme elle a encerclé l’Assemblée nationale pour faire respecter sa volonté de ne pas voir ce projet de loi passer. Les députés, notamment ceux de la majorité qui ont fait volte-face, eux aussi, l’ont fait de force et non de gré. Car n’ayant, non plus, point d’autre choix que s’incliner devant la volonté populaire, au vu de la foule qui les attendait dehors et qui avait commencé à s’en prendre à leurs familles et à leurs biens. Instinct de survie, quand tu nous tiens. Et le député Moussa Sy l’a si bien compris, lui qui a lancé à ses collègues que cette cause ne mérite pas de mourir. Parce que ces milliers et milliers de jeunes à travers les rues de Dakar et à l’intérieur du pays étaient déterminés. Quitte à y laisser leur vie. Dès lors, dire que c’est une quelconque autorité religieuse qui a poussé à rapporter cette mesure, ou Wade par souci de démocratie, c’est chercher des arguments là où ils ne sont pas et surtout manquer de respect à ce peuple de la rue qui s’est mobilisé, s’est débattu, a sué eau et même sang, pour faire respecter sa volonté. Cette victoire est donc bien celle de la rue qui a dit « Non à la dictature ! Non à la transmission du pouvoir de père en fils ! Non à la confiscation des droits et libertés des Sénégalais. Comme il l’avait fait un soir de 19 mars 2000 pour alterner Abdou Diouf et son pouvoir, le peuple s’est mis debout ce jour du jeudi 23 juin 2011 pour dire stop à Abdoulaye Wade. Ce 23 juin, le pape du Sopi, président de la rue du temps où il était opposant, a été rappelé à l’ordre par cette même rue. Ne lui reste plus qu’à rendre le tablier et aller faire valoir ses droits à une paisible retraite. C’est cela tout le sens du message qui lui a été envoyé tout au long de la journée d’hier par la rue. Mais tout cela en valait-il cet entêtement

Le centre-ville de Dakar méconnaissable, le feu couve partout

Ceux qui avaient l’habitude d’aller au centre-ville ne reconnaîtront pas les artères de la capitale. À la place de belles avenues, il ne restait hier comme décor qu’un vaste champ de désolation : du feu, de la fumée et des ordures. Les manifestants contre l’adoption du projet de loi instituant le ticket présidentiel ont brûlé des pneus, des véhicules, déversé des ordures et saccagé tout sur leur passage, notamment les symboles de l’Etat : bâtiments et véhicules administratifs. Au ministère des Mines, de l’Industrie et de l’Agro-alimentaire, dirigé Abdoulaye Baldé, les manifestants ont mis le feu dans l’enceinte du ministère et brûlé quatre véhicules immatriculés AD. Et n’eût été l’intervention des sapeurs-pompiers, le ministère aurait été réduit en cendres.

Grossissant les rangs des jeunes du mouvement « Y en a marre » en provenance de la banlieue dakaroise, les marchands ambulants ont investi l’avenue Carnot, le boulevard de la République, la Place Washington, Georges Pompidou, entre autres, brûlant véhicules de l’administration et ceux de particuliers. Au total, plus d’une vingtaine de véhicules ont été endommagés. Et devant la multiplication des foyers, les forces de l’ordre ont fini par épuiser toutes leurs munitions, allant même jusqu’à utiliser la tactique des manifestants, jetant eux aussi des pierres pour repousser les jeunes. Finalement, quand les forces de l’ordre battirent en retraite, les jeunes, requinqués, ont pris la décision de déloger le Président Wade de son palais. Mais, les forces de l’ordre avaient pris les devants en sécurisant le Palais présidentiel et ses alentours par un impressionnant cordon de policiers et gendarmes.

APRÈS LE RETRAIT DE LA LOI : Les députés de la majorité prennent la tangente par une porte dérobée

La décision des députés de ne pas voter la loi et l’annonce du retrait du projet de ladite loi instituant le ticket présidentiel par le ministre de la Justice n’ont pas pu calmer les ardeurs des manifestants contre les parlementaires. Et malgré la joie de la victoire obtenue dans le sang, les protestataires ont préféré rester sur les lieux, attendant la sortie des parlementaires afin de bien les « corriger » pour reprendre leurs propres termes. Mais il n’y a eu que les députés de l’opposition et Me El Hadji Diouf du groupe parlementaire « Libéral et démocratique » qui ont osé franchir la porte principale, sous le vivats des manifestants. Cheikh Bamba Dièye qui s’était enchaîné aux grilles de l’Assemblée nationale la veille, Me Ndèye Fatou Touré et Me El Hadji Diouf ont même été portés en triomphe.

Pour leur part, les députés de la majorité étaient cloîtrés dans le hall de l’Assemblée nationale en train de constater les dégâts causés par les manifestants. Personne ne voulait sortir le premier. Ce qui, à bien des égards, pouvait se comprendre si l’on sait que pendant les débats à l’Assemblée nationale, la plupart d’entre eux ont reçu des menaces à travers des messages de la part des manifestants. Mieux, certains d’entre eux ont vu leurs voitures saccagées au sortir de la plénière. Ce qui leur a donné une idée de ce qui les attendait dehors. Raison pour laquelle ils sont restés au sein de l’hémicycle pendant presque une heure avant de mettre en place une stratégie pour tromper la vigilance des manifestants. Aidés par des policiers, ils ont réussi à se frayer un passage par la petite porte qui se trouve du côté opposé de la porte principale de l’Assemblée nationale. Les derniers sortants qui ont été identifiés par les manifestants ont pris la fuite in extremis à bord de leurs voitures. Finalement, il y a eu plus de peur que de mal pour ces députés de la majorité.

PROPOSITION DE IMAM MBAYE NIANG DE TOUT ARRÊTER ET D’APPROFONDIR LES DISCUSSIONS : La bouée de sauvetage sur laquelle s’est agrippé le groupe parlementaire libéral

Pour la première fois depuis qu’il est député, Imam Mbaye Niang n’a pas subi les foudres des adeptes des discours incendiaires du groupe parlementaire de la majorité libérale, notamment Doudou Wade et Fatou Younouss Aïdara. Habitués à lui répondre toujours du tic au tac, de la manière la plus acerbe, chaque fois qu’il prend la parole à l’Assemblée, allant même parfois jusqu’à lui dénier son intégrité et son rang d’Imam, les libéraux ont tenu à son endroit un discours dithyrambique, avec en prime des applaudissements nourris. Un honneur qu’il doit à l’argumentaire qu’il a exposé pour justifier la nécessité d’arrêter le projet de loi. « Notre pays est connu à travers le monde entier. Dans certains endroits mêmes, tous ceux qui sont noirs sont appelés Sénégalais. Le Sénégal est pourtant un petit pays par sa dimension, sa population et ses richesses qui sont dans son sol. Mais cette reconnaissance, il la doit à sa paix, sa stabilité, l’absence de problèmes ethniques et religieux. Ce qui constitue notre richesse et qui est un legs des ancêtres et notre force. Tout ce qui peut faire disparaître ça, on doit l’éviter », a dit le Secrétaire général du Mouvement de la réforme pour développement social (Mrds) aux députés de la majorité. Et d’ajouter : « Je vous connais, beaucoup d’entre vous ont un sens élevé de la responsabilité et du patriotisme. L’amendement sur l’article 33, vous l’avez fait en intime conviction, ce n’est pas à cause de la pression de la rue que vous l’avez fait. Ça, je peux en témoigner. Vous avez cédé quelque chose de plus difficile avec l’amendement, si vous cédez encore une petite chose, il y aura la paix dans le pays. Pour tout ça, je vous demande d’arrêter tout et qu’on discute ».

Une position saluée par Fatou Younouss Aïdara : « Je félicite Imam Mbaye Niang. Une personne sage qui encourage la paix. Il a démontré que c’est bien de garder les personnes âgées. J’avais pour habitude de dire qu’il n’est pas mon imam, mais je reconnais aujourd’hui qu’il est mon imam grâce à son discours sage et rassembleur ». Le président du groupe parlementaire libéral, Doudou Wade, a abondé dans le même sens que sa « soeur » de parti.

Une brèche dans laquelle vont s’engouffrer les députés Abdourahmane Sow, El Hadji Diouf, Ousmane Sow Huchard, Oumar Khassimou Dia, Aïssatou Coulibaly et Moussa Cissé N°2. Une bouée rendue plus solide par le discours de Moussa Sy qui a clairement exprimé son opposition au projet et a fait comprendre à ses collègues le risque qui pèse sur leurs vies en le votant, avec la foule en furie dehors.

APRÈS SA THÉORIE DU COUP D’ÉTAT IMAGINAIRE : Cheikh Tidiane Sy menace et qualifie les manifestants et leurs commanditaires de terroristes

Tout en annonçant la décision du gouvernement de retirer le projet de loi qui a mis le pays à feu et à sang, sur instruction du président de la République, le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, ne s’est pas privé de menacer le peuple qui a exprimé sa colère, restant ainsi fidèle à sa ligne. « J’en appelle aux Sénégalais qui font de la violence, qui s’inscrivent dans une voie sans issue. Ils se trompent. J’en appelle au sens de la responsabilité de ceux qui s’attaquent aux symboles comme le palais de justice. Que ceux qui ont commis cet acte ne se méprennent pas sur la volonté du gouvernement de faire la justice », a-t-il asséné. Sur un ton très menaçant, l’ancien Conseiller du défunt président Mobutu de marteler : « Ceux qui veulent saper la démocratie du pays, qu’ils sachent que la violence n’engendre que la violence ». Il est même allé jusqu’à qualifier cette expression de colère des populations de « pratiques terroristes ». Estimant que de tels actes « commandités » sont le fait de « groupes mobilisés pour déstabiliser l’État », Cheikh Tidiane Sy, malgré le fait qu’il a annoncé la décision du gouvernement de procéder au retrait du projet de loi, a persisté et signé : « Il n’y a rien d’illégal et d’illégitime dans ce qui se fait ici ». À l’endroit des députés, le garde des sceaux a indiqué : « La pleine mesure de voter les lois vous appartient ». Et s’adressant aux manifestants, il leur fait clairement comprendre que ce qui s’est passé dans d’autres pays et qui est appelé printemps arabe « n’est pas possible au Sénégal ».

La maison et le véhicule du député Me Abdoulaye Babou incendiés

Le député libéral Me Abdoulaye Babou et sa famille l’ont échappé belle, hier. C’est très tôt le matin qu’a été incendiée à Hann-Maristes la maison du président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale et responsable du Parti démocratique sénégalais (Pds). De même qu’un véhicule appartenant à l’ancien porte-parole de l’Alliance des forces de progrès (Afp).

À notre passage à ladite maison, le maître des lieux était déjà parti à l’Assemblée nationale pour les besoins de la plénière qui devait avaliser le projet de loi devant instituer un ticket à l’élection simultanée, au suffrage universel, du président et du vice-président de la République.

C’est son épouse, Déguène Chimère Diallo, qui nous a reçus. « C’est vers 4h30 minutes que j’ai entendu le bruit d’un véhicule. Comme nous sommes dans un quartier calme, cela m’a un peu intriguée. J’ai eu l’impression qu’un véhicule avait stationné. Ensuite, j’ai entendu des voix et des coups sur la porte de la maison », a d’emblée indiqué Mme Babou. Avant de souligner : « Je me suis précipitée vers le balcon. Et j’ai vu le véhicule de marque C5 brûler. C’est ainsi que j’ai crié avant d’alerter les gardiens. Je leur ai demandé d’éteindre le groupe électrogène qui fonctionnait. Et comme il y avait un autre véhicule qui était derrière la C5, j’ai donné les clés au chauffeur pour qu’il le déplace avant qu’il ne prenne feu ». Poursuivant son propos, Déguène Chimère Diallo a soutenu : « On a appelé les sapeurs-pompiers et a évacué les enfants. Mon mari a décidé d’aller à la gendarmerie. Les pompiers sont venus pour éteindre le feu. La police est également venue. On rend grâce à Dieu. Un enfant qui habite dans le quartier m’a confié avoir vu une L200 qui avait éteint ses lumières ».

OUMAR FAYE, PRÉSIDENT DE LEERAL ASKAN WI : « Ce soulèvement populaire est aussi un signal fort à tous les prétendants à la magistrature suprême »

Le président de Leeral Askan wi a tenu à réagir, suite à la reculade du chef de l’État à propos du ticket présidentiel. « Ce soulèvement populaire n’est pas seulement valable pour Abdoulaye Wade. C’est aussi un signal à tous les prétendants à la magistrature suprême. Ce qui s’est passé prouve amplement que le peuple est souverain ».

Selon Oumar Faye, « ce qui reste maintenant, c’est le départ du président de la République, Me Abdoulaye Wade qui appartient à la préhistoire, parce que rejeté par tous les Sénégalais" .

S’en prenant au chef du gouvernement, le président de Leeral Askan wi a déclaré : « Au nom de la dignité, Souleymane Ndéné Ndiaye doit démissionner. Il ne mérite pas d’être Premier ministre ». « Nous sommes plus que jamais déterminés à faire respecter la Constitution du Sénégal. Nous allons également nous occuper des délestages et de l’affaire Bara Tall », a-t-il en outre assuré.

Oumar Faye n’a pas manqué de magnifier l’attitude du chef de l’Église au Sénégal. « Si la religion chrétienne était une confrérie, tous les Sénégalais seraient des Chrétiens. Je salue le courage du Cardinal Théodore Adrien Sarr qui prend toujours position quand il s’agit de choses qui touchent le peuple sénégalais ».

Le chef de file de l’entité susmentionnée n’en a pas moins déploré l’attaque perpétrée contre le domicile de Me Mbaye Jacques Diop à Rufisque.

ALIOUNE TINE AGRESSÉ, MAISONS BRÛLÉES, VOITURES CALCINÉES : Farba Senghor au banc des accusés

L’origine des manifestations violentes qui ont été la goutte d’eau ayant fait déborder le vase est du fait de Farba Senghor qui a eu un comportement très provocateur devant la Place Soweto. Alors que les jeunes et les leaders de l’opposition commençaient à crier leur ras-le-bol devant l’Assemblée nationale, l’ancien ministre Farba Senghor s’est payé le luxe de faire un tour avec sa voiture au rond-point de ladite place pour les narguer. Une attitude qui a indigné plus d’un, poussant même certains responsables de l’opposition à aller protester auprès des forces de l’ordre, après que les manifestants ont caillassé sa voiture. Mais Farba Senghor réussira à se frayer un passage pour entrer dans l’hémicycle avec l’aide des forces de l’ordre.

Et ce n’est pas tout, puisque des militants du Pds, qui voulaient organiser une contre-manifestation en usant d’armes blanches, ont accentué la tension. Mais, ce qui a le plus fait monter la moutarde au nez des manifestants, c’est lorsque des nervis, recrutés par Farba Senghor, armés d’armes blanches, ont tendu un guet-apens au Secrétaire général de la Raddho, non loin du domicile de leur commanditaire, pour le tabasser. Roué de coups de poing et de bâton, Alioune Tine a perdu conscience. Il sera ensuite évacué à l’hôpital Principal pour des soins.

Finalement, il y a eu plus de peur que de mal, le Secrétaire général de la Raddho ayant repris ses esprits.

Pour laver cet affront, les manifestants ont envahi la maison de Farba Senghor, malgré la forte opposition des forces de l’ordre, pour l’incendier et la saccager. En outre, deux de ses véhicules ont été extraits du domicile pour être incendiés. Un de ses gardes du corps a été également poignardé par un des manifestants. Les aliments qui se trouvaient dans son frigo ont été vidés. Même les voitures qui étaient stationnées près de la maison ont été incendiées, y compris celles de certains députés.

Face à l’assaut musclé des manifestants, un proche du chargé de la propagande du Pds a sorti un pistolet pour tirer. Heureusement que la balle n’a pas atteint sa cible. C’est à ce moment que la police a pu trouver des renforts pour évacuer la femme de Farba Senghor et sa fille au niveau d’un commissariat de police. Au même moment, les manifestants prenaient de plus en plus confiance devant des leaders de l’opposition, à l’instar de Moustapha Niasse, Abdoulaye Bathily, Ousmane Tanor Dieng, entre autres, qui étaient déterminés à en découdre.

C’est cette même détermination qui va conduire la foule massée devant l’Assemblée nationale jusqu’à la victoire finale.

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lire aussi sur www.bastamag.net (24 juin 2011) : Indignés africains - La jeunesse sénégalaise recourt à l’émeute pour faire plier l’oligarchie, par Benjamin Sourice

sur www.slateafrique.com (23 juin 2011) : Peur sur Dakar , par Ndèye Khady Lo

sur www.lemonde.fr (24 juin 2011) : "Si Wade gagne en 2012,les Sénégalais descendront dans la rue pour le faire partir", par Thomas Baïetto

sur www.wadeukeubi.com (24 juin 2011) : Déclaration du PIT sur la « journée du 23 Juin 2012 »

sur www.walf.sn (25 juin 2011) : Le projet de loi retiré, les opposants passent à la vitesse supérieure : Maintenant, que Wade dégage !, par Yakhya MASSALY

sur www.lagazette.sn :
 (27 juin 2011) MANIFESTATIONS DU 23 JUIN EN IMAGES : Dakar à feu et à sang
 (28 juin 2011) Nous sommes tous nés le 23 juin, par « Les Indignés de Soweto » Groupe composé de hauts fonctionnaires de l’Administration sénégalaise

sur www.slateafrique.com (02/07/2011) : Les journaux africains enterrent Wade , par Raoul Mbog

sur www.walf.sn (04/07/2011) : Ousmane Tanor Dieng : Les petits secrets du 23 juin , par Raoul Mbog

sur www.pambazuka.org (05/07/2011) :
  Sénégal : Retour sur la journée mémorable du 23 juin , par Demba Moussa Dembélé
  Sénégal : Le triomphe du peuple pour une République debout , par Mamadou Diallo



Interview exclusive de THiat du Groupe Keurgui precurseur du Mouvement Yenamarre




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