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ENTRETIEN AVEC UNE ICONE DE LA MUSIQUE ENGAGEE : Ouza chante le départ de Wade

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : samedi 2 juillet 2011
Chanteur engagé, Ouza Diallo qui s’est fait discret depuis quelque temps, a fait place aux rappeurs. Mais l’auteur compositeur que nous sortons de son long silence, dans cet entretien, révèle être en train de préparer un Cd sur le régime actuel. Évoquant l’actualité brûlante, l’homme révolté pense que Wade doit partir pour éviter la guerre civile au Sénégal. Fidèle à sa réputation de ne pas mâcher ses mots, Ouza qui plaide pour un gouvernement de transition afin de « remettre ce pays qui est foutu sur les rails », dit sans détour être allergique à Karim Wade et met en demeure les marabouts de se taire ou de s’exprimer. Trouvé chez lui, à Hamo, Ouza met les pieds dans le plat. Entretien.

source : www.ndarndar.com - 01 juillet 2011

Ouza est resté muet depuis que quelque temps malgré toutes les crises qui secouent le pays. Pourquoi ?

Il y a un travail que j’ai fini, un Cd de chevet et lorsque Wade l’écoutera, il saura ce que je lui ai dit. S’il ne l’écoute pas non plus, on l’attaquera par terre, air, mer, comme à notre habitude. Qu’il sorte par la grande porte, c’est mieux, c’est ce que je lui conseille. Je lui dis dans la chanson : ’Rappelez vous Baye ce joli discours, jamais de morts pour être président, pourquoi ce parfum monarchique dans ce beau pays qui vous a tout donné ?‘. Normalement, avec cela, il doit comprendre que ce que je lui ai dit est vrai, ce sera à lui de voir. Mais à mon avis, il ne devait pas en arriver là.

Que vous inspire aujourd’hui ce qui se passe au Sénégal, la situation sociale, politique…

La situation est telle que vous la voyez. Nous sommes déçus. Mais à mon avis, il y a de l’espoir. Au Sénégal, il n’y a que des hommes mûrs, des nationalistes. Mais pour le moment, on va essayer de gérer cette situation et prier que Dieu apporte la paix. C’est cela mon problème actuellement. Et par mon expérience, je sais que si le président Wade ne fait pas un petit effort et ne dise, comme Abdou Diouf l’avait déclaré, qu’il préfère la paix au Sénégal à sa propre personne, le Sénégal va éclater. Mon président -je le précise parce que je fais partie des gens qui l’ont élu-, il a été le président sénégalais le mieux élu et il faut le reconnaître. Je prie Dieu pour qu’il ramène Wade à la raison et qu’il sache que c’est fini et c’est dommage qu’il ne puisse pas terminer en beauté. Ma première lecture de la situation du pays, c’est cela et si j’étais à la place de Wade, je renoncerais à me représenter à la présidentielle de 2012. D’abord, vu son âge, vu le fait qu’il soit otage parce que je l’ai connu et il a beaucoup aimé le Sénégal, mais ce qui l’a fait virer à 90 degrés est mon souci et c’est pour cela que je sais que c’est fini. Pour sauver le pays, il doit sortir par la grande porte, avoir autant de grandeur que Abdou Diouf. Parce que moi, depuis 2000, je n’ai pas voté pour lui quand j’ai vu que cela n’allait pas.

C’est quoi le véritable problème de Wade, selon vous qui l’avez côtoyé ?

Quand le Prophète (Psl) parlait, ses compagnons lui demandaient si c’était des paroles de Dieu, s’il répond oui, ils répondent qu’ils ne discutent pas, mais si c’est le contraire, ils lui disent, on discute. Lui qui n’est qu’un être, il a laissé tomber ses ‘Saabah’ que sont Moustapha Niasse, Ablaye Bathily, Amath Dansokho, qui le regardaient dans les yeux pour lui dire que ce n’est pas comme cela. Nous ne ferons pas cela, c’est cette autre chose que nous allons faire. ‘Faal ñatt D ak benn B’ (Il a élu 3 D et un b). Le premier D est qu’il est avec sa famille ‘Diaboot’, ses neveux ‘Diarbaat’ et le dernier ses esclaves ‘Diaam’ et le B est pour les ‘Baye Fall’, qui exécutent tout ce qu’il dit sans réfléchir.

Et je dis que le ‘Baye Fall’ ne va pas avec un régime, mais avec un marabout.

Six mois après son élection, j’ai été le premier à dire que cela n’allait pas, tout le monde disait que j’étais trop dur, que c’était trop tôt. Il faut reconnaître que Wade est un grand visionnaire, mais ce que je déplore, c’est qu’il n’ait pas des gens qui l’accompagnent dans ces idées.

Ceux qui l’accompagnent, ce sont des affamés, c’est pour cela que je ne les respecte pas.

Les rares exceptions sont peut-être des gens comme Pape Samba Mboup, Abdoulaye Faye avec qui j’ai bourlingué, même Ousmane Ngom, mais puisqu’il était parti avant de revenir… Ceux qui ont tué Wade, ce sont ceux qui l’entourent. J’ai lu quelque part Lamine Ba, cette personne qui était contre lui et qui disait qu’il devait partir, qui revient pour être son porte-parole, il ne croit pas en lui.Djibo Kâ, ’Gëmuko’, Abdourahim Agne ‘Gëmuko’. Aujourd’hui, ceux qui sont dans le Comité directeur du Pds, ce sont les brebis galeuses du Ps, les traîtres du Ps. Parce qu’ils ont été avec une personne qui leur donne tout et dès qu’elle perd la bataille face à son adversaire, ils s’allient avec cet adversaire. Donc, si on te dit que ces gens-là croient en toi, ce n’est pas possible. Et qu’ils soient dans ton Comité directeur, mais tu dégringoles. Je le dis depuis longtemps, mais les gens m’ont critiqué. Nous, on a tout fait pour le Vieux et quand il s’est agi de le voir, on m’a dit d’aller voir Aly Faye qui était photographe et qui courait derrière moi, un ‘dunguru’. Je ne vais pas aller le voir. Abdoulaye Wade ne me fait pas vivre, c’est Dieu qui me fait vivre. Ma femme, à son retour de Paris, m’a dit : ’Tu sais quelle chance tu as ? Les gens citent ceux à qui Wade a donné de l’argent, mais tu n’en fais pas partie’. Heureusement pour moi, je n’ai vu Wade que trois fois dans des cérémonies. Il est gentil, mais par principe, je ne cours derrière personne. Je suis un Toucouleur, je suis du Macina. Même si c’était pour des milliards, je ne serais derrière personne. Je reste chez moi, jamais je n’irais le voir. Cela ne me dérange pas, ce qui me fait mal, c’est qu’il ait fait souffrir le peuple, c’est dommage puisqu’il y a des choses qui sont difficiles sous Wade.

Quelles sont ces choses ?

C’est trois choses : ‘jikoyi’, les jeunes enfants ne connaissent pas les bonnes personnes, ils sont sans vergogne, ils mentent, volent. Ce sont des ‘Naafexx’ parce que c’est cela qu’ils ont trouvé ici maintenant. Quand je chantais que le Ps avait gâché les ‘jiko, aadayi tèk ci didoore’ avant qu’il ne parte. Et qu’ensuite, Wade vient faire pire, donc je ne crois plus en lui. Je connais sa qualité humaine. Encore une autre anecdote : J’étais aux Usa à un moment du régime de Diouf parce que c’était chaud au pays, on m’a demandé de sortir un moment. Alors je suis resté un an à l’extérieur et ma femme était fatiguée, elle vendait des sandwichs à côté du Building administratif. Wade, alors ministre d’Etat, est passé devant elle, lui a dit de venir le voir à son bureau et lui a donné un travail. Quand je parle, les gens ne comprennent pas, mais je suis très logique avec moi-même. Mais il a fait cela pour moi.
 Seulement ici, dès que tu es élu, c’est ton entourage qui te fatigue. Un jour Adjiouza a été invitée pour voir le président, mais quand elle est revenue, elle m’a rapporté que le Vieux me respectait beaucoup. Et cela, c’est parce qu’aussi je ne lui ai jamais rien demandé et que je n’ai pas couru derrière lui. C’est pour cela que la situation actuelle me fait trop mal parce qu’il ne peut pas être avec Niasse, Dansokho, Bathily, Landing et même Idrissa Seck jusqu’à son accession au pouvoir et leur dire : personne ne vous a élu, c’est moi qu’on a élu ; et se mettre avec de jeunes gens qu’il envoyait chez moi et à qui je donnais 200 francs parce qu’ils n’avaient rien. Ces gens-là, si tu les nommes ministre et leur donnes une caisse de 5 milliards, mais ils deviennent fous. Tout le problème de l’alternance, c’est cela. Il n’y a que des pauvres types qui étaient là, à part Pape Diop, Idrissa Seck, Cheikh Tidiane Sy.

Et donc, si le Vieux persiste dans ce qu’il fait, il y aura une guerre civile parce qu’avec lui, il y a des gens qui étaient avec Mobutu, avec Eyadema, et ceux-là peuvent tirer sur le peuple sans aucun problème parce qu’ils ont vécu cela.

C’est cela le danger, il faut prier Dieu, parce que si on m’avait dit que sous le régime de Wade les forces de l’ordre descendraient dans la rue pour se battre avec le peuple, je l’aurais nié, car il a toujours combattu à côté du peuple et là, c’est contre le peuple.
 Le népotisme, en deuxième lieu, c’est ce que je combats avec le cas Karim dont je suis allergique. Je n’aime même pas le voir. C’est malhonnête de sa part parce que j’ai connu Wade, Sindiély, mais je n’ai jamais vu Karim. Sauf durant ces dernières années et là, il veut succéder à son père. C’est cela qui m’a énervé le plus. Wade dit que son fils est le plus intelligent, le plus fort, le plus riche, mais cela va frustrer les gens. Si Karim veut, il n’a qu’à se présenter, mais qu’il ne le couvre pas, qu’il ne nous l’impose pas. Karim ne sait rien et s’il était riche, entre le premier et le second tour de l’alternance, Moustapha Niasse n’allait pas donner à Wade 50 millions et Idrissa Seck ne vendrait pas sa maison pour lui donner l’argent, qu’on se dise la vérité. Moi j’ai perdu ma maison pour Wade. Parce que je n’avais pas de quoi payer, le régime socialiste avait demandé à la Sicap où j’habitais de me jeter dehors si je lui dois dix mille francs et c’est ce qui s’est passé. Un autre aspect, ce sont les cas sociaux, du temps de Diouf, les militants marchaient d’ici à la permanence du Pds, mais là, on donne aux gens de l’argent pour qu’ils militent.

Que pensez vous de la situation sociale ?

Abdoulaye Wade a recréé le Sénat qu’il avait combattu, mis en place le Conseil économique et social, des institutions qui bouffent de l’argent alors que le peuple qui l’avait élu est dans la misère. Le riz, l’huile tout a augmenté. Si on compare, quand Diouf était là, le gaz était à 1500, aujourd’hui, il est à presque 4000 F. Regardez la différence en seulement dix ans, et c’est au peuple qu’il a porté préjudice. Les militaires, les préfets, les procureurs, il a augmenté leurs salaires à hauteur de 200%. Est-ce que ce sont ceux-là qui l’ont élu ? C’est le peuple qui disait que si Wade n’est pas élu il mourrait. Et au lieu de penser au peuple, il pense aux gouverneurs et autres au détriment du peuple. Je discutais avec Assane Ba, pour lui faire savoir que ceux qui sont avec Wade actuellement, c’est une génération mécanique et robotique, nous on marchait pour aller le retrouver. Eux, il leur donne de l’argent, mais c’est comme s’il était devenu amnésique. Et c’est le peuple qui n’en peut plus et je parle comme mes fils en disant : ‘Y’en a marre’. C’est une situation de non-retour. Diouf a eu beaucoup d’éthique, il a mis en place un ministre de l’Intérieur neutre, le général Niang. Si Wade en qui l’on croyait est pire que Diouf, mais nous avons honte pour l’Histoire. On va parler de cela, et vous savez pourquoi je ne veux pas trop le brutaliser comme je l‘ai fait avec Abdou Diouf ? C’est parce que j’ai tout fait avec lui et je sais qu’il aime son pays. Mais, puisqu’il a changé, je vais sortir une chose et, dans un mois, on l’attaquera sur tous les plans avec des musiques engagées. J’ai chanté en mbalax soft, reggae pour que cela aille sur le plan international aussi. J’ai pitié de lui, puisqu’il est otage, comme je l’ai dit tantôt, à mon avis, mais je conseille à Wade de faire tout pour que Diouf ne soit pas plus digne que lui.

Et pour ce qui est de l’engagement des mbalaxmen justement, il se fait désirer non ?

Les jeunes musiciens, je leur demande de faire un effort surtout les mbalaxmen. Parce que les rappeurs font leur part. Et puisqu’on écoute plus le mbalax ici, il faut faire quelque chose. Il ne faut pas dire celui-là m’a donné du riz, de l’huile, m’a emmené à La Mecque. Parce que c’est insensé. Ils doivent le faire et y croire, mais il ne faut pas le faire parce que c’est à la mode.

Cela doit être une conviction, il faut y croire, même si tu me donnes des milliards pour que je te chante et que je ne te sente pas, je ne le fais pas, je n’aurais pas d’inspiration.

Une autre anecdote : le footballeur El Hadj Diouf m’a vu un jour au Méridien où tout le monde courait pour le voir, je n’ai pas bougé et quand il est venu vers moi pour me dire qu’il croyait en moi et que si je le chantais, il ferait quelque chose de grand pour moi. J’étais avec un ami musicien Assane Kamou Yandé et il m’a dit si j’étais toi dès demain j’entre en studio pour cela, j’ai répondu : Pour dire quoi sur lui...

Je ne parle pas d’opportuniste, le matérialiste ne peut pas faire la révolution.

Mais la plupart des mbalaxmen ne sont pas instruits, c’est aussi un problème alors que chez les rappeurs, c’est le contraire.

Pour la plupart de mes collègues, ils ne savent pas ce que c’est un projet de loi, un tripatouillage de la constitution. Les rares personnes qui savent, ce sont Oumar Pène et Baaba Maal et Youssou Ndour peut-être maintenant. Je veux que les musiciens aient cette idée, conscientisent également les marabouts parce que c’est un problème.

Pourquoi les marabouts ?

Les marabouts parlent de ‘fitna’ lors des manifestations. Mais le découpage de Sangalkam, ce n’est pas du ‘fitna’ ça ? Les délestages, mais pourquoi ils n’ont rien dit depuis lors ? Je suis d’accord quand Tanor Dieng a dit dans un journal, sur cette question, que c’est trop tard. Il faut que les marabouts se taisent sur tout, ou parlent de tout, si Wade fait quelque chose, qu’ils en parlent et le fustigent. Mais ils ne parlent que quand il y a manifestations où ils commencent à dire ‘Dieu a dit, le Prophète a dit’. Je ne suis pas d’accord. Il faut oser leur dire la vérité, il y a un marabout qui m’a dit d’être avec lui parce que je suis une personne véridique. Je lui ai demandé comment peut-il supporter Karim et Wade avec toutes ces difficultés que vit le Sénégal. Ce que je dis là, c’est ce en quoi je crois. Que je meure dans la pauvreté ou que je sois incompris. Ce n’est pas mon problème. Je demande donc aux marabouts de se prononcer sur ce qui se passe ou d’être neutres.

Personne n’a parlé de la mort de Malick Ba, mais quand les gens sont sortis dans la rue, ils se prononcent. Il faut que tout le monde se lève. Vous, les journalistes, avez été déterminants pour l’alternance de 2000. Il faut que vous le soyez pour cette deuxième alternance, pour que ceux-là qui sont là partent et que la République continue.

Sans cela, ça n’ira pas. Wade doit revenir à de meilleurs sentiments et savoir que c’est fini. Parce que les Sénégalais sont conscients qu’à cet âge-là, s’il est réélu, c’est pour son fils. Cela n’en vaut pas la peine, la balle est dans son camp. Ce n’est plus possible avec ces gens-là. Un président qui a énormément étudié ne peut pas réussir. Le Brésilien Lula, c’est un syndicaliste, il a réussi. Yaya Jammeh, on peut tout lui reprocher, mais il a construit la Gambie. Thomas Sankara, il n’a pas beaucoup étudié, Mamadou Dia, il a moins étudié que Senghor. On ne peut pas être entre deux cultures, comme le disait Senghor.

Qu’est ce que vous prônez pour la suite ?

Je veux qu’il y ait une transition, parce qu’il faut qu’on reconstruise ce pays. Il faut un consensus où la société civile, les partis politiques prendront quelqu’un qui sera garanti par l’armée et qui fera trois ans ou cinq et qui ne se représente plus. Aujourd’hui, tout est foutu dans ce pays. Parce que lorsqu’un peuple n’a plus de vertu, ni d’éthique, cela devient très grave. Et c’est ce qui arrive avec mes anciens amis (Il rigole). Il faut que l’on refasse les institutions, tout verrouiller, au Mali, il a fallu que plus de 300 personnes meurent, la révolution, elle est sanguinaire, si cela nécessite qu’on me tue pour sauver le pays, je suis prêt. Ce Malick Ba qu’on a tué, c’est ce qui a déclenché tout cela. Et l’on va vers la chute de Wade.

Êtes-vous de l’avis de ceux qui pensent qu’il faut l’armée pour redresser ce pays ?

Il faut que l’armée soit un dernier recours, parce qu’au Sénégal, il y a des têtes, des patriotes, qui ont la vertu, la dignité, qui mettront ce pays dans les rangs avant de partir. Je ne suis pas d’accord pour une immixtion de l’armée, mais si Wade tue les gens, je serais d’accord. Mais je crois que c’est le dernier recours. Je demande à Bennoo, Macky, Khalifa Sall, à la Société civile, à Ibrahima Fall, qu’ils choisissent quelqu’un et le mettent à la tête du pays. On ne peut pas avoir le même objectif et ne pas se mettre ensemble, il faut que tout le monde soit ensemble.

Sur tout autre chose, qu’est-ce que Ouza pense de la qualité musicale aujourd’hui au Sénégal ?

L’Afrique n’a plus le droit de danser. J’ai vu Senghor quand il parlait de sa culture française. Un gars qui a la culture française ne peut pas développer son pays parce qu’on n’a pas la même culture. Je ne le critique pas parce que c’est un poète et que je suis un musicien. Il ne croit pas en nos réalités africaines pour développer notre continent comme Cheikhou Touré, Mamadou Dia, Kuwamé Nkrumah, Thomas Sankara, qui ont cru à cette réalité d’ébène. Je dis que si ce n’était pas Serigne Touba, je ne croirais même pas en la race noire. Nous, on a toujours dansé bien avant les indépendances. La Chine a été presque colonisée par le Japon, elle a travaillé pour se redresser. Quand le despotisme apporte le développement d’une nation, je suis d’accord. Et quand la démocratie apporte l’anéantissement d’une nation, je suis contre. Il y a la lutte, les ‘sabar’, les ‘tanbeer’, on ne fait que cela depuis la nuit des temps. Et qu’est-ce que cela peut développer ? Il faut tout repenser. Quelqu’un l’a dit, même si on emmenait Dieu ou quelqu’un qui est dans sa classe, le Sénégal ne réussira pas, avec ce régime, il faut changer le régime, il faut que ces gens-là partent. Les gens parlent des « lamb » dans les écoles et sont choqués. Kalidou Diallo, ministre de l’Education, dit que c’est très intéressant, que c’est notre tradition et c’était de la politique de récupération. C’était pour entrer dans le sujet et il faut que les musiciens chantent, conscientisent. On n’a loupé 50 ans, il faut que l’on se lève et arrête d’aller dans un même sens, vers la lutte, la danse, comme cela avait été le cas en 2002 avec les « Lions » du football. Je n’ai jamais été d’accord. Le Japon, la Chine, les Usa, les plus grandes puissances, est-ce qu’elles sont fortes en football. L’Allemagne, avant d’aller faire son football, s’est développée, les gens ont travaillé. Mais notre problème, c’est qu’on veut vivre mieux que les Européens alors qu’on ne travaille pas. Le nombre de voitures qu’ont nos ministres, un ministre français n’oserait pas l’avoir. C’est aux musiciens de conscientiser, pas pour le Sénégal seulement, mais la peau noire, c’est sérieux. J’ai été partout et je sais que le monde est un éternel combat, les planètes, même les spermatozoïdes, ils doivent se battre pour survivre.

Qu’est-ce qu’il en est de la chanson sénégalaise actuellement ?

Il y a musicien et chanteur. Les musiciens ont progressé mais pas les chanteurs. Ils font le même genre musical, avec le même timbre, le même accent. Quand on faisait le 4-4-44 avec Youssou Ndour, je lui ai demandé où est la question et la réponse. Il m’a dit ’Grand, qu’est-ce que c’est que cela encore ?’. Les jeunes ne savent pas que la musique, c’est de la couleur. Et cela dépend des gènes de la personne. Lébou, Joola, Socé, il faut l’apprendre. Quand je regarde l’émission « La relève », je rigole beaucoup. Si c’est un Socé, je lui apprends le majeur parce ce n’est pas sa couleur. Il est plus fort en mineur comme les Arabes, les Toucouleurs. Donc je lui apprends ce qu’il ne maîtrise pas. Pour le Lébou, c’est le contraire. Il faut que les arrangeurs y prennent gardent. Les jeunes vous apportent un Cd où le premier morceau est la même chose sur le tout Cd. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de jeunes musiciens que l’on n’entend plus. Par mon expérience et par mes études primaires musicales, je peux chanter sur n’importe quel temps, parce que j’ai appris la musique. Un musicien ne doit pas être monotone.

Qu’est ce qu’il faut faire pour améliorer les choses ?

Des gens comme Cheikh Tidiane Tall qui connaît trop bien la musique, Vieux Mac, Habib Faye, c’est de grands de la musique qui savent beaucoup de choses.

Pour aider la musique, il faut une critique d’art.

Il faut une censure au niveau des radios et des télévisions parce que n’importe qui y a accès. Il y a eu un gosse qui vendait de la viande ici et lorsqu’il a sorti quelque chose, il a eu la grosse tête. Et maintenant, on ne le voit même plus parce que ce n’était pas bien.

Les grands, comme Youssou Ndour, Baba Maal, Ismaël Lo, Oumar Pène, ce qu’ils ont de plus que les jeunes, c’est l’humilité.

Je suis très dur en musique. Il faut aussi être regardant sur les images pour les choses obscènes, telles les danses.

Parlez-nous de votre fille Adjiouza…

Adjiouza ne chante pas mieux que Viviane ni Titi. Mais son plus, c’est des études musicales, tout ce qu’elle fait, elle en est consciente. Tout ce qu’elle met dans une harmonie, elle sait ce que c’est. Elle est trop perfectionniste, quand elle prépare un spectacle, elle est exténuée. Mais quand le spectacle ne marche pas trop, elle reste dans sa chambre et pleure ou prend l’avion et rentre en France. Elle peut jouer ici aujourd’hui et retourner le lendemain en classe. Quand elle répète, il faut que Cheikh Lo, son frère, soit là parce qu’il connaît la musique. Mais lorsqu’il n’est pas là, elle tend plus l’oreille sur la musique. C’est cela sa force. Macha Allah sa carrière a bien débuté. Elle a la tête sur les épaules, elle est humble, gentille, son argent, elle le partage avec tout le monde, elle respecte ses parents. Elle a la chance de faire des factorings en Europe avec des Hindous.

Des projets à part ce Cd dont vous avez parlé tantôt ?

Je suis en train de créer mon école de musique qui sera prête bientôt et j’y enseignerais la musique. C’est cet espace (nous étions à la terrasse où il y avait des pièces et une en forme de case). J’y travaille depuis trois ans et j’attends les partenaires. Je vais former des jeunes. dans la musique.

Propos recueillis par Oumou Sidya DRAME
 source : popxibaar.com






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