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Me Ousmane NGOM, ministre des mines, de l’industrie et de Pme : ’Le Sénégal dans le cercle restreint des pays producteurs d’or’

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : samedi 14 mars 2009
L’or de Sabodala n’est plus un rêve. Les Sénégalais verront bien le premier lingot d’or sorti directement de l’usine le 19 mars prochain. C’est ce que confirme dans cet entretien le ministre d’Etat ministre des Mines, de l’industrie et des Pme, Me Ousmane Ngom. D’une capacité de production de quatre tonnes par an, la nouvelle usine ainsi que celles qui sont en phase d’exploration, vont permettre au Sénégal, informe le ministre, d’entrer dans le cercle restreint des pays producteurs d’or. Et en avant-goût de ce qu’il appelle la nouvelle ère minière et industrielle, Me Ousmane Ngom a procédé, jeudi dernier, à l’inauguration du premier pôle de textile et industriel dans la région de Kaolack.

source : www.walf.sn - 14.03.2009

Wal Fadjri : On a longtemps parlé des mines d’or de Sabodala mais sans jamais voir le premier lingot d’or. Aujourd’hui, c’est chose faite, selon des informations. Confirmez-vous officiellement la sortie du premier lingot prévue ce mois ?

Me Ousmane NGOM : Je vous confirme aujourd’hui que le Sénégal va entrer dans le cercle restreint des pays producteurs d’or à partir de ce mois de mars 2009. Plus précisément ce 19 mars 2009, le président de la République Me Abdoulaye Wade procédera à l’inauguration de la mine à ciel ouvert et de l’usine de traitement de l’or de Sabodola, réalisées par Mdl/ Sabodala Gold Operations . Le président de la République recevra à cette occasion le premier lingot d’or qui marquera le démarrage effectif de la production de cette usine. C’est pour vous dire que l’ère des mines a sonné au Sénégal.

Wal Fadjri : Quel a été le coût des investissements consentis pour en arriver là ?

Me Ousmane NGOM : C’est un coût très important qui se chiffre dans l’ordre de 118 milliards 120 millions de francs Cfa pour le total des investissements réalisés. Je pense que les résultats attendus tant par les promoteurs eux-mêmes, que pour l’Etat du Sénégal, et surtout en termes de retombées pour les populations aussi bien des zones environnantes que pour les populations du Sénégal en général, valent bien les investissements consentis.

Wal Fadjri : Peut-on connaître les critères qui ont motivé le choix de cette entreprise pour l’exploitation de l’or ?

Me Ousmane NGOM : Vous savez qu’en matière minière, les investissements sont à hauts risques et les sociétés minières commencent d’abord par demander un permis de recherche. C’est-à-dire qu’elles investissent des dizaines, voire des centaines de millions dans la recherche minière, lorsqu’il y a des zones qui ont des probabilités de contenir des minerais. Une fois que ce permis leur est accordé, elles se lancent dans la recherche pendant un certain nombre d’années, qui est déterminé par le permis, et lorsqu’ils ont des indices probants par rapport à l’existence de gisements, ou de ce qu’on appelle dans le jargon technique des ‘anomalies’, elles demandent une concession minière. C’est-à-dire qu’il leur est accordé une autorisation par décret, qui leur permet en ce moment-là de préparer la phase d’exploitation et de production.

Mais ces deux phases, encore une fois, demandent des investissements extrêmement importants. Et elles sont encadrées par une réglementation qui est consignée dans ce qu’on appelle le Code minier, également dans le Code de l’Environnement. Parce que ce sont des questions qui sont à la fois régies par le ministère de tutelle en l’occurrence le ministère en charge des Mines, mais aussi par le ministère de l’Environnement en ce qui concerne les dispositions relatives à la protection de l’environnement et enfin par le ministère de l’Economie et des Finances pour les dispositions financières, fiscales et douanières.

Au-delà de ces dispositions, qui doivent être scrupuleusement respectées par les sociétés minières, il y a également des dispositions spéciales qui sont intégrées dans le Code minier par l’Etat du Sénégal et qui concernent ce qu’on appelle le programme social minier. Il s’agit là des infrastructures de tous ordres à réaliser au profit des communautés riveraines des zones minières : dans le domaine de l’éducation, dans le domaine de la santé, dans le domaine de l’hydraulique, etc.

Wal Fadjri : Est-ce que ces réalisations font partie des retombées dont les populations devront bénéficier ?

Me Ousmane NGOM : Ces infrastructures sont prévues avant même que la société n’entre en exploitation. C’est-à-dire au moment même de la signature du permis de recherche et de la convention. L’Etat du Sénégal impose aux sociétés l’exécution d’un programme social minier. Par exemple, la société Mdl, dont nous parlons aujourd’hui, ne va entrer en exploitation que cette année. Plus précisément à partir du 19 mars prochain. Mais elle a déjà eu à réaliser des infrastructures minières ou à participer à la réalisation d’infrastructures sociales. Si vous prenez d’autres sociétés comme Oromin qui ne sont pas du tout encore entrées en exploitation, qui sont donc dans des phases de recherche, elles ont réalisé déjà des infrastructures sociales comme le poste de santé de Diakhaba. Ce poste va être inauguré d’ailleurs à l’occasion de cette visite à Kédougou. Il y a l’extension du lycée de Kédougou qui double même la capacité de ce lycée avec toutes les infrastructures modernes dont une salle informatique et une salle de dessin assisté par ordinateur.

Tout ceci a été réalisé par des sociétés qui ne sont pas encore en phase de production dont Arcelormittal qui en est encore à une phase de préparation ainsi que d’autres sociétés minières. C’est vous dire que l’activité et la présence des sociétés minières dans les zones d’exploitation minière sont encadrées par l’Etat du Sénégal dans une réglementation très contraignante qui les amène à respecter, non seulement les aspects purement miniers, mais également les engagements par rapport au programme social minier. C’est-à-dire toutes les retombées qu’il doit y avoir pour les populations des zones locales, mais aussi pour les populations d’autres régions du Sénégal ; parce qu’il faut le rappeler, les ressources minières appartiennent à toutes les populations du Sénégal. Mais, bien entendu, les premiers bénéficiaires sont les populations des zones où se trouvent ces ressources minières.

Maintenant, lorsqu’on dépasse cet aspect programme social minier, il y a les autres retombées pour l’Etat du Sénégal en termes de redevances, en termes de royalties et taxes, de tickets d’entrée, de bonus, de dividendes qui sont payés par les sociétés minières ; et ceci tout au long de l’exploitation. Ce n’est pas en une seule fois, mais pendant toute la période de l’exploitation. Le Code minier prévoit également que l’Etat du Sénégal a automatiquement 10 % de participation gratuite au capital de toutes les sociétés minières qui s’installent au Sénégal et bien d’autres dispositions qui sont prévues pour permettre à l’Etat, au secteur privé national et aux populations du pays de tirer le maximum de bénéfices de l’exploitation des ressources minières du Sénégal.

Wal Fadjri : L’installation de toutes ces sociétés ne va-t-elle pas entraîner la délocalisation de certains villages comme Sabodala où sont implantés les exploitants ?

Me Ousmane NGOM : Non ! Je pense que cette question ne se pose pas. Ces sociétés sont installées depuis plus d’un an. En tous les cas, leur installation est terminée, donc toutes les questions ont été réglées par rapport à la cohabitation entre les populations locales et les sociétés. Et vous vous rendrez compte vous-même qu’en ce qui concerne les travailleurs de cette société, la répartition intègre parfaitement la prise en charge des populations et non seulement celles des zones riveraines mais aussi celles des régions qui sont proches comme la région de Tambacounda et plus généralement celle de Kédougou. Par exemple, les emplois permanents directs au mois de février 2009 sont au nombre de 430, les sous-traitants sont environ 600, les journaliers sont de l’ordre de 400 en moyenne. Et en ce qui concerne la répartition par origine des permanents, les employés originaires des régions de Kédougou et de Tambacounda constituent les 45 %, pour les autres régions du Sénégal 36 % et 19 % pour les expatriés. Au fait, pour certains emplois techniques ou administratifs, il faut des cadres pointus de haut niveau qui peuvent gérer une société d’exploitation d’or comme celle qui sera inaugurée le 19 mars prochain.

Wal Fadjri : Avez-vous fait la part belle aux populations originaires de la zone pour éviter des frustrations qui ont conduit aux récents événements de Kédougou ?

Me Ousmane NGOM : C’est tout à fait normal. En fait, ce qui s’est passé à Kédougou au mois de décembre dernier, et tout le monde l’a reconnu d’ailleurs a posteriori, résulte d’un malentendu et d’un déficit de communication qu’il y a eu entre les différents acteurs. Que ce soit entre l’Etat et les populations, que ce soit entre les sociétés minières et les jeunes ou leurs représentants. Maintenant, ce déficit est en train d’être comblé, parce qu’il y a un contact permanent. Et des informations sont données au quotidien pour que tout le monde comprenne qu’en réalité, les premiers bénéficiaires de ces exploitations sont nécessairement les populations des zones. Et ce qu’il faut souhaiter d’ailleurs, c’est que les jeunes de ces zones puissent être formés de façon pointue dans les domaines qui sont intéressants pour ce type d’activités. Ce qui fait que dans un avenir proche, ils pourront prendre les leviers de ces sociétés minières ou bien créer eux-mêmes leurs propres sociétés minières et aller vers l’exploitation de ces ressources. C’est dans ce sens que le président Abdoulaye Wade a décidé de la création d’un collège de métallurgie à Kédougou mais aussi d’un Institut supérieur des mines à Tambacounda pour donner des filières complètes de formation aux jeunes de ces deux régions afin que, très rapidement, qu’ils puissent prendre les commandes des sociétés minières. Je pense que c’est une perspective intéressante pour les jeunes de ces régions et bientôt, d’autres jeunes du Sénégal, voire de la sous-région, s’intéresseront à ces filières.

Wal Fadjri : Avez-vous à présent une idée de ce que sera la production annuelle ou mensuelle de la nouvelle usine ?

Me Ousmane NGOM : Disons que le taux de production annuelle est d’environ quatre tonnes, en moyenne. L’exploitation se fera pendant au moins dix ans pour cette usine qui démarre. Mais, je dois préciser tout de suite que d’autres gisements sont également découverts ou sont en cours de confirmation des réserves. J’ai parlé de Oromin qui va bientôt entrer dans une phase d’exploitation. Elle est déjà dans une phase de pré exploitation. Il y a d’autres sociétés minières, comme Randgold , qui sont en train de faire de la recherche très prometteuse. Le cumul des réserves potentielles connues dépasse actuellement les 260 tonnes d’or et, par conséquent, l’exploitation va durer sans doute plusieurs dizaines d’années.

Wal Fadjri : Etes-vous en train de nous dire que le sous-sol du Sénégal est très riche en or ?

Me Ousmane NGOM : Le Sénégal, comme je viens de le dire, va entrer dans le cercle restreint des pays producteurs d’or à partir de cette année et va se positionner comme l’un des pays les plus importants de ce cercle dans les prochaines années. Mais l’or n’est pas la seule ressource minière dont nous disposons au Sénégal. Nous avons d’autres ressources importantes, notamment le fer avec le projet de la Falémé où nous avons déjà des réserves de l’ordre de 750 millions de tonnes. Nous avons également d’autres ressources comme le zircon et les sables titanifères, aussi bien sur la grande côte qu’en Casamance, qui vont être exploités. Nous avons aussi le phosphate de Matam qui a été mis en exploitation sous forme de petite mine en 2008 et qui nous a permis d’accompagner la Goana. Il faut rappeler d’ailleurs que ces phosphates avaient déjà été annoncés par le président Abdoulaye Wade dans sa thèse dès 1959. Dieu a donc voulu qu’on attende qu’il vienne au pouvoir pour démarrer cette exploitation en petite unité. Mais un projet industriel très important est prévu. Il n’a pas encore démarré, jusqu’à présent, nous faisons de la production artisanale en petite unité. Mais le projet industriel prévoit la création d’une unité très importante comme les Ics avec plus de 600 Petites et moyennes entreprises qui seront autour. Des Pme qui seront des fournisseurs, des sous-traitants, et qui vont changer complètement la région de Matam, mais aussi les régions de Louga et de Saint-Louis pour en faire un pôle très important.

En un mot, le président Wade nous a instruit de travailler, dans le secteur des mines, de l’industrie et des Pme, à la création et à l’émergence dans toutes les régions du Sénégal de ce que nous appelons les Pôles régionaux industriels et miniers (Prim). Et nous avons déjà commencé parce qu’aujourd’hui même (l’entretien a eu lieu jeudi dernier, Ndlr), nous allons visiter le premier pôle textile et industriel qui a été monté dans la région de Kaolack avec le groupe Politexka. Il va orienter davantage cette région vers, non seulement la production du textile, mais aussi vers la production d’engins fonctionnant au biocombustible. C’est-à-dire à la coque d’arachide. Non seulement pour les usines mais également pour les Petites et moyennes entreprises comme, par exemple, les boulangeries. Il sera adjoint aux fours des boulangeries des équipements qui leur permettront désormais de fonctionner avec des briquettes fabriquées à partir des coques d’arachide. Cela va diminuer considérablement leur consommation d’énergie et va avoir un impact sur le prix du pain. Cela va entraîner probablement une baisse du prix du pain. Nous travaillons également au niveau de l’Institut de technologie alimentaire pour la mise en place d’une farine fabriquée à partir du mil, du maïs et du blé, donc plus riche que la farine actuelle et qui va coûter moins cher. Tout cela va entraîner la baisse du prix du pain.

Wal Fadjri : Mais qu’est-ce que la production d’or va changer concrètement dans le quotidien du Sénégalais lambda ?

Me Ousmane NGOM : L’Etat va avoir plus de ressources et cela lui permettra d’investir dans toutes les régions, de créer des infrastructures et de changer le cadre de vie des populations. Mais aussi il pourra créer d’autres unités industrielles ou agricoles qui vont donner des emplois aux jeunes, qui vont permettre de générer des revenus pour les populations et changer complètement le quotidien des Sénégalais. Les effets d’entraînement de l’économie nationale, directs et indirects, seront très importants.

Propos recueillis par Georges Nesta DIOP


lire aussi sur www.lequotidien.sn (14-03-2009) : MINERAIS - Une ressource qui ne profite pas au pays : Au Mali, l’or ne fait pas le bonheur, par Martin COURCIER

sur www.panos-ao.org (7 novembre 2008) : Exploitation minière dans le Sénégal Oriental : Le Sénégal 13e producteur d’or sur 50 pays africains, par Safietou Kane

et sur www.pambazuka.org (2009-04-10) : Sénégal : Pour qui brillera l’or ?, par Boubacar Tamba

et sur /www.aps.sn (03-06-2009) : Abdoulaye Wade : ‘’notre pays est entré dans la sphère des pays producteurs d’or’’ , par Alioune Diouf





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