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La crise mondiale est une opportunité pour la reprise de l’économie

Annelise Sander s’entretient avec HAKIM BEN HAMMOUDA, auteur d’un nouveau livre sur la crise économique mondiale

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mardi 2 juin 2009
GENEVE , 1 juin 2009 (IPS) - La crise économique mondiale peut signifier la fin du Consensus de Washington et des programmes d’ajustement structurel imposés au Sud et entraîner l’émergence de nouvelles puissances économiques, le soi-disant ’Les 11 suivants’, dont certains seront en Afrique.

Voilà quelques-unes des thèses provocatrices de " La crise ", un livre récemment publié par des économistes d’Afrique du nord - Hakim Ben Hammouda, Hédi Bchir et Mustapha Sadni Jallab - qui fournit quelques nouvelles et encourageantes perspectives sur la situation internationale actuelle. Annelise Sander a posé quelques questions à Hakim Ben Hammouda, un économiste tunisien et l’un des auteurs.

IPS : L’Afrique sera l’une des régions les plus gravement touchées par la crise économique mondiale. Quelles sont les solutions ?

Hakim Ben Hammouda (HBH) : J’ai été l’un des premiers à déclarer que l’Afrique serait gravement frappée par la crise – ce à quoi presque personne ne croyait au début. Aujourd’hui, c’est un fait : les pauvres souffrent plus que les autres. La croissance sur le continent est estimée à seulement deux pour cent cette année, comparativement à sept pour cent en 2007, qui était considéré comme insuffisant pour faire sortir l’Afrique de la pauvreté. Avec deux pour cent de croissance, la situation devient catastrophique et elle pourrait même conduire à une instabilité politique plus grande. Il faut des réponses appropriées par les Africains, mais ces pays sont pauvres et sont incapables de lancer des plans de sauvetage. Les flux financiers venus de l’extérieur – l’aide publique au développement et les prêts de la Banque africaine de développement – sont plus que jamais nécessaires.

IPS : Est-ce la fin du Consensus de Washington et le début d’une nouvelle réforme du capitalisme, plus favorable aux pays en développement ?

HBH : Jusqu’à présent, la fin du Consensus de Washington a été annoncée à plusieurs reprises, mais la libéralisation, la privatisation et la dérégulation reviennent toujours comme des bases solides de la politique économique. Mais cette fois-ci, c’est fini une fois pour tout et l’Etat est en train de redevenir l’investisseur et le régulateur, alors que pendant des décennies, le marché était censé jouer ce rôle. C’est un grand changement pour le Sud parce que le Consensus de Washington inspirait les programmes d’ajustement des années 1980 et 1990.

IPS : Dans le livre, vous placez beaucoup d’espoir dans les "11 suivants", un groupe d’économies émergentes parmi lesquelles trois sont africaines : l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Egypte. Cela est-il réaliste ?

HBH : L’économie mondiale a connu une grande évolution depuis le début des années 1980, lorsque le développement était limité à l’Ouest et le Sud était considéré comme imperméable à la modernité, pour des raisons culturelles ou religieuses, et qu’il y avait un magma de pays et de peuples où dominent des conflits, l’instabilité et la violence. Depuis le début ou depuis les années 1990, des vagues consécutives de pays du Sud ont commencé par se développer et certains sont même devenus des membres du club de l’Organisation de coopération et de développement économiques ( OCDE ). Après les Dragons de l’Asie dans les années 1980 (la Corée du Sud, Singapour, Taiwan et Hong Kong) et le BRIC (le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine) dans les années 1990, ‘les 11 suivants’ constituent une nouvelle génération d’économies émergentes. Le périmètre des pays du Sud qui sont mieux lotis s’agrandit pour inclure celles d’Afrique comme l’Egypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud. À ce groupe, nous pouvons raisonnablement ajouter la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, l’Ile Maurice et le Botswana. Aujourd’hui, toute la question est de voir s’ils surmonteront la crise qui est en train de frapper gravement les pays en développement.

IPS : Le livre dit que le Sud finance le Nord. Que voulez-vous dire ?

HBH : Un grand nombre de pays du Sud ont pu mettre de côté d’importantes réserves après l’augmentation rapide des prix des matières premières (notamment le pétrole) et, pour certains d’entre eux, l’accumulation d’un important excédent commercial.

Ils ont créé des fonds souverains (des fonds qui appartiennent à l’Etat et sont investis pour les générations futures) qui ont fait des investissements considérables dans le Nord, notamment dans les banques internationales. Mais ces fonds souverains ont connu d’importantes pertes après la récente crise.

IPS : Les capitaux arabes profiteront-ils à l’Afrique aussi ?

HBH : Certains investissements arabes sont orientés vers l’Afrique, tant l’Afrique du nord que l’Afrique subsaharienne. C’est essentiellement dans le secteur de la construction, avec d’importants projets qui ont été, à cause de la crise, retardés ou annulés dans les sociétés de téléphonie mobile et dans la gestion des ports. Le port de Dubaï gère plusieurs ports, comme celui de Dakar. Il y a également une présente plus forte des compagnies aériennes du Golfe en Afrique. Dubaï et Doha sont en train de devenir des plaques tournantes importantes entre l’Afrique et l’Asie.

IPS : Vous dites que le Sud est en train de devenir une nouvelle puissance commerciale. L’Afrique aussi ?

HBH : C’est beaucoup moins le cas avec l’Afrique parce qu’elle a beaucoup de difficultés à sortir de la marginalisation. La part de l’Afrique dans le commerce mondial ne dépasse pas deux pour cent et le continent a gravement besoin de diversifier ses structures économiques pour surmonter le modèle de division du travail hérité de la colonisation. Elle doit entrer dans des secteurs beaucoup plus avancés et sophistiqués, y compris l’industrie et les services.

IPS : La mondialisation a-t-elle avantagé plus le Nord que le Sud ?

HBH : La mondialisation a été à l’origine d’une extension sans précédent de la crise au monde entier, d’où le besoin de la réguler. Il y a eu deux phases dans la mondialisation : dans les années 1990, elle a très bien avantagé le Nord et marginalisé le Sud.

Mais, après la moitié des années 1990, elle a commencé par profiter à un certain nombre de pays du Sud qui sont devenus de nouvelles puissances commerciales, imposant une concurrence plus grande avec les puissances économiques traditionnelles.


lire l’article sur le site ipsinternational.org





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