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Les dessous sales de l’immobilier ouest-africain

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : samedi 31 octobre 2009
Le groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest sonne l’alerte : l’immobilier est profondément gangréné.
Les métropoles ouest-africaines changent de jour en jour de visage par le fait d’un boom immobilier vertigineux. Le contraste y est saisissant entre les bidonvilles crasseux et grouillants qui croissent très loin du regard de ceux qui ne connaissent ni côtoient la misère, et les immeubles étincelants et villas cossues qui poussent comme des champignons dans les centres-villes et quartiers résidentiels.

source : www.lesafriques.com - 30-10-2009

Dans cette partie du monde peu dotée en ressources naturelles et dans le jeu économique actuel où les industries et services sont embryonnaires et de faible rentabilité, le bâtiment s’avère le plus sûr et le plus rentable des créneaux. Il est également gage de confort et de sécurité sociale.

Normalement, au moins dans l’UEMOA, tout paiement supérieur à 225 dollars doit se faire par effets au porteur.

Le secteur de l’immobilier ouest-africain est, à cet égard, en pleine croissance, avec une montée en flèche des programmes infrastructurels publics, mais également la construction exponentielle de grands immeubles à usage de bureaux, de centres commerciaux et de nombreuses propriétés résidentielles. Cela est tout à fait normal et légitime venant de la part des opérateurs économiques, hauts cadres locaux disposant d’importants revenus légaux ou pouvant bénéficier de crédits pour investir dans la pierre. Il en est de même concernant les migrants qui, forts d’un pouvoir d’achat élevé acquis à l’étranger, investissent dans leurs pays d’origine où ils sont nombreux à être à la tête d’importants biens immobiliers.

Blanchiment d’argent

Le hic est que l’immobilier ouest-africain a des dessous sales, comme en fait partout dans le monde. Mais le secteur est encore plus propice au blanchiment d’argent, dans la région plus qu’ailleurs, parce qu’il offre plus de facilités de dissimulation de l’origine des fonds qui s’y investissent et de l’identité de leurs propriétaires véritables. Dans une étude récente sur les typologies du blanchiment d’argent par le biais du secteur immobilier en Afrique de l’Ouest, le GIABA explique cette faille : « Le fait que l’économie des pays de la région soit essentiellement basée sur les paiements au comptant, associé à la facilité avec laquelle les individus peuvent acquérir des biens immobiliers dans de nombreux pays, sans pour autant être soumis à l’obligation du devoir de vigilance, rend la région en général, et le secteur immobilier en particulier, vulnérables aux activités des blanchisseurs de capitaux et des bailleurs de fonds du terrorisme. »

Le GIABA situe l’origine des fonds qui sont ainsi blanchis dans le secteur immobilier dans nombre d’activités délictuelles dont le détournement de fonds publics , la contrefaçon , la corruption , le trafic de drogue , les fraudes et autres infractions financières, le délit d’initié , la manipulation d’actions , le commerce illicite de l’or , du diamant ou d’autres ressources minières .

Paiement en espèces

Dans la typologie des méthodes de blanchiment, le GIABA met en exergue le paiement en espèces pour l’acquisition de biens immobiliers. La pratique, qui ne laisse aucune trace susceptible d’être exploitée dans le cadre d’un audit, est très courante dans une région dont l’économie est à dominante informelle, alors que normalement, au moins dans l’UEMOA, tout paiement supérieur à 225 dollars doit se faire par effets au porteur.

Les tontines, mode d’épargne traditionnelle pour le financement de petits projets individuels, sont également infiltrées par les blanchisseurs pour investir le secteur immobilier. Ils font aussi recours à des professionnels non financiers et d’autres véhicules juridiques comme les avocats, les notaires, les conservateurs des hypothèques et les agents immobiliers, qui entérinent des ventes ou achats en liquide en « argent sale » réalisés hors de leur présence. Les délinquants utilisent aussi des fonds illégaux pour payer le principal et les intérêts de prêts hypothécaires obtenus auprès d’une banque pour acquérir des biens immobiliers. Ces réceptacles peuvent aussi abriter des activités (hôtels, restaurants, galeries marchandes, bars, cliniques, etc.) servant de paravent à des opérations de blanchiment.

Le GIABA ne donne pas une information chiffrée précise sur les montants blanchis par le biais de l’immobilier en Afrique de l’Ouest.

Il n’en estime pas moins à des milliards de dollars la capacité du secteur à absorber des fonds illicites.

La concurrence malsaine que le blanchiment d’argent fait aux activités légales serait en train de gangréner les économies de la région.

Amadou Fall




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