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La Souveraineté Alimentaire maintenant !

Déclaration du forum des mouvements sociaux, ONG et organisations de la société civile en parallèle au Sommet de la FAO sur la sécurité alimentaire

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mercredi 2 décembre 2009
Le Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, tenu à Rome du 16 au 18 novembre, s’est achevé sur le constat mitigé selon lequel les solutions réelles à la faim dans le monde n’ont pas été prises en compte par les pays du Nord ; ceux-là mêmes qui peuvent donner les orientations décisives pour un monde plus juste. En marge de ce rendez-vous, les organisations paysannes, agriculteurs familiaux, petits pêcheurs, pastoralistes et peuples autochtones se sont réunis, du 13 au 17 novembre, pour donner leur vision parallèle pour éradiquer la tragédie de la faim dans le monde. Elle repose sur une vision, des principes et des engagements dont la finalité reste la souveraineté alimentaire.

source : www.pambazuka.org - 29 novembre 2009

Le Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, tenu à Rome du 16 au 18 novembre, s’est achevé sur le constat mitigé selon lequel les solutions réelles à la faim dans le monde n’ont pas été prises en compte par les pays du Nord ; ceux-là mêmes qui peuvent donner les orientations décisives pour un monde plus juste. En marge de ce rendez-vous, les organisations paysannes, agriculteurs familiaux, petits pêcheurs, pastoralistes et peuples autochtones se sont réunis, du 13 au 17 novembre, pour donner leur vision parallèle pour éradiquer la tragédie de la faim dans le monde. Elle repose sur une vision, des principes et des engagements dont la finalité reste la souveraineté alimentaire.

Nous, 642 personnes venant de 93 pays et représentant 450 organisations de paysans et agriculteurs familiaux, petits pêcheurs, pastoralistes, peuples autochtones, jeunes, femmes, urbains, ouvriers agricoles, ONG locales & internationales et autres acteurs sociaux, nous sommes réunis à Rome du 13 au 17 novembre 2009, unis par notre détermination à œuvrer pour revendiquer la Souveraineté alimentaire au moment où le nombre croissant des personnes souffrant de la faim a atteint le seuil du milliard de personnes. La Souveraineté alimentaire est la solution efficace à la tragédie de la faim dans notre monde.

La Souveraineté alimentaire implique la transformation du système alimentaire actuel afin d’assurer que les producteurs d’aliments disposent d’un accès équitable ainsi que d’une maîtrise de la terre, des eaux, des semences, de la pêche et de la biodiversité agricole.

Tout un chacun a le droit et la responsabilité de prendre part à la prise de décisions sur le mode de production et de distribution de l’alimentation. Les Etats doivent respecter, protéger et satisfaire le droit à l’alimentation, en tant que droit à disposer d’aliments adéquats, disponibles, accessibles, culturellement acceptables et nutritifs.

Les Etats ont l’obligation de fournir une assistance en cas d’urgence, sans que cela ne se fasse au détriment de la Souveraineté alimentaire et des Droits humains. Les mesures d’urgence doivent mobiliser les ressources au niveau le plus local possible et ne doivent pas servir à obliger les pays à accepter les OGM. L’alimentation ne doit jamais être utilisée comme une arme politique.

Nous attirons l’attention sur les violations des droits des peuples, aussi bien urbains que ruraux, qui vivent en zones de conflit ou d’occupation et dans des situations de crises. La communauté internationale doit s’opposer d’urgence aux violations que constituent les expulsions de populations, l’expropriation et l’exploitation par des étrangers des propriétés, des terres et des autres ressources productives, la manipulation démographique et les transferts de populations.

Les pouvoirs de prise de décision

Nous déclarons notre soutien au nouveau Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale, en insistant sur l’engagement pris par les Chefs d’Etats présents au Sommet de la FAO vis¬à¬vis de cette instance dans leur Déclaration. Nous insistons sur l’importance fondamentale du nouveau Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale en sa qualité d’instance politique internationale la plus ouverte parmi toutes celles chargées des questions d’alimentation et d’agriculture au sein des institutions des Nations¬ Unies. Le Comité est une instance indispensable où les connaissances et les perspectives de tous ceux qui, par leur travail quotidien, ont nourri l’humanité depuis des générations ne soient pas seulement entendus, mais aussi appliquées. Nous affirmons que le Droit à l’Alimentation forme la référence centrale qui doit guider tous les éléments du travail du Comité de la Sécurité Alimentaire.

Nous exprimons notre préoccupation concernant le financement approprié du CSA. Nous appelons les Etats membres de la FAO de concrétiser leur engagement politique par un financement adéquat aux ambitions de son programme de travail. Nous constatons qu’il y a encore beaucoup de travail à faire au sein du CSA pour assurer la cohérence entre les différentes composantes de gouvernance globale sur l’alimentation et l’agriculture. A cet égard, nous sommes extrêmement préoccupés par le programme global agricole et de sécurité alimentaire de la Banque Mondiale dont les mécanismes de gouvernance apparaissent être non démocratiques, opaques, et conduisent à reproduire les erreurs du passé. Et tant que l’OMC privilégie les intérêts commerciaux au détriment des marginalisés et des mal nourris, la faim persistera dans le monde.

Le Forum de la Société Civile a joué un rôle d’une importance fondamentale dans le processus de réforme du CSA, qui a ouvert un espace significatif que nous voulons occuper de manière responsable et effective. C’est ainsi que nous allons garantir que les voix des exclus continueront à être entendues, à tous les niveaux, au cœur des processus qui définissent les politiques agricoles et de gouvernance. Toutefois, tout en reconnaissant le travail qui a été effectué, et en maintenant de fortes attentes par rapport aux réalisations futures du CFS, nous resterons vigilants dans la vérification de son travail pour s’assurer que les Etats membres respectent leurs engagements pour créer un mécanisme effectif disposant de pouvoirs de coordination à tous les niveaux, capable de demander des comptes à ses membres et tenant son engagement à développer un Cadre Stratégique Global pour la sécurité alimentaire et la nutrition.

Approvisionnement écologique de l’alimentation

Nous réaffirmons qu’effectivement notre système d’approvisionnement écologique nourrit la grande majorité des habitants de la planète vivant aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines (plus de 75%). Nos pratiques visent l’alimentation des peuples et non pas l’enrichissement de l’industrie. Elles sont de nature saine, diversifiée et localisée, et sont susceptibles de mitiger le changement climatique.

Nous nous engageons à renforcer et promouvoir notre modèle écologique d’approvisionnement en aliments dans le cadre de la Souveraineté alimentaire, visant à nourrir l’ensemble des populations, y compris celles des zones marginales telles que les petits pays insulaires et zones côtières. Nos pratiques, en donnant la priorité à l’alimentation locale, réduisent au minimum le gaspillage et les pertes et n’engendrent pas les dommages causés par le système de production industriel. L’agriculture paysanne, de nature résiliente, peut s’adapter et mitiger le changement climatique.

Nous insistons cependant sur la nécessité d’exclure l’alimentation et l’agriculture du marché des droits d’émission du carbone. Nous voulons défendre et développer notre biodiversité agricole, piscicole et animale face à la marchandisation agressive du vivant, de l’alimentation et de la connaissance que facilitent les « nouvelles révolutions vertes ». Nous réclamons un moratoire mondial sur les organismes génétiquement modifiés. Les gouvernements doivent protéger leurs marchés internes. Nos pratiques requièrent des politiques de gestion de l’offre afin d’assurer la disponibilité des aliments et de garantir des revenus décents et des prix justes. Nous sommes disposés à discuter des nouvelles dispositions juridiques pour encadrer nos pratiques.

Nous appelons à un recadrage participatif de la recherche qui soutiendrait notre modèle écologique d’approvisionnement alimentaire. Nous sommes des innovateurs qui nous appuyons sur nos savoir¬ faire et nos compétences. Nous réhabilitons les semences, les races ainsi que les espèces aquatiques locales afin de s’adapter au climat. Nous nous engageons à promouvoir les résultats de l’ IAASTD (International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology for Development). Nous exigeons que les chercheurs rendent des comptes de leur travail. Nous nous opposons à la main¬mise de l’industrie sur la recherche et refusons de participer à des forums dominés par ces dernières. Nous allons promouvoir nos innovations à travers nos moyens de communication et nos programmes de formation, d’éducation et de divulgation.

Nous allons renforcer les réseaux alimentaires reliant les villes aux campagnes. Nous allons forger des alliances dans le cadre d’un Complex Alimentarius , reliant les petits producteurs, les transformateurs, les scientifiques, les institutions, les consommateurs, en remplacement de l’approche réductrice du Codex Alimentarius. Nous nous engageons à raccourcir les distances entre producteurs et citoyens. Nous allons renforcer les mouvements d’acteurs urbains concernés par l’alimentation, ainsi que l’agriculture urbaine et peri¬urbaine. Nous allons nous réapproprier le concept d’« alimentation » pour mettre l’accent sur la nutrition et la diversité des régimes alimentaires permettant d’exclure la viande provenant du système industriel.

Le contrôle de ressources pour la production alimentaire

L’accaparement des terres par des capitaux transnationaux doit cesser. Le problème des sans¬ terres et de l’accaparement des terres s’est intensifié suite à la crise alimentaire mondiale, la déforestation, la séquestration des mers et des océans, des eaux douces et des zones côtières. Les actions d’isolement et la confiscation des terres et de l’eau pratiquées par des forces d’occupation doivent cesser. Des pays et des entreprises sont complices dans des pratiques alarmantes d’accaparement. En moins d’un an, plus de 40 millions d’hectares de terres fertiles en Afrique, Asie, Amérique Latine et Europe de l’Est ont été usurpés par ces marchandages, remplaçant la production alimentaire locale par des intérêts d’exportations.

Plutôt que de promouvoir les investissements agricoles industriels à grande échelle, nous appelons nos gouvernements et la FAO à mettre en œuvre les changements structurels contenus dans la Déclaration de la Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural (ICARRD) ainsi que dans la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. A cet effet, le Comité International de Planification pour la Souveraineté alimentaire (CIP) doit jouer un rôle déterminant pour assurer la participation effective des organisations de la société civile.

Nous exigeons des réformes agraires globales qui respectent les droits individuels et collectifs/communautaires à l’accès et à la maîtrise des territoires.

Tous les Etats doivent mettre en œuvre des politiques effectives qui garantissent le contrôle des communautés (celles qui en tirent leurs moyens de subsistance) de toutes les ressources naturelles. De solides mécanismes obligeant les Etats à rendre des comptes doivent être mis en place pour empêcher les violations de ces droits. L’égalité des genres ainsi que les intérêts des jeunes doivent être au cœur des vraies réformes agraires et aquatiques. Ces réformes doivent garantir aux femmes et aux jeunes la totale égalité des chances, le droit à la terre et aux richesses naturelles et doivent corriger les injustices historiques et actuelles.

L’accès à l’eau est un droit humain. L’eau doit rester un bien commun et ne doit pas être assujettie aux mécanismes de marchés régulant son utilisation et sa gestion. Les réformes aquatiques doivent reconnaître, protéger et mettre en œuvre, de manière légale, les droits collectifs d’accès et d’utilisation des eaux de pêche et des ressources maritimes pour les communautés de petits pêcheurs.

La fermeture des couloirs de passages pastoraux ainsi que l’expropriation des terres, des richesses naturelles et des territoires au détriment des communautés locales par le biais de concessions économiques, de grandes plantations, de l’agriculture et l’aquaculture industrielles, du tourisme et des projets d’infrastructures, et par tout autre moyen doivent cesser. Les aliments issus de la collecte sauvage sont aussi une source importante d’alimentation pour de nombreuses communautés et méritent donc une protection spécifique.

Les droits aux territoires pour les populations autochtones englobent la nature comme organisme vivant essentiel à l’identité et à la culture des communautés et peuples. Nous appelons la FAO à développer une politique sur les populations autochtones, à reconnaître les Droits Territoriaux des Peuples Autochtones et à assurer leur participation aux décisions concernant leurs ressources, comme consacré dans les articles 41 et 42 de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. Nous appelons la FAO et le FIDA à créer, au sein du CSA, un groupe de travail avec les Peuples Autochtones.

Nous rejetons les droits de propriété intellectuelle sur le vivant, y compris sur les semences, les plantes et les animaux

. Les monopoles biologiques de facto - rendant stériles les semences ou les races – doivent être bannis. Nous devons maintenir le contrôle sur les semences. Nous allons maintenir les pratiques d’échange libre et de sauvegarde des semences et races. Nous valorisons nos connaissances traditionnelles en tant que pêcheurs, pastoralistes, peuples autochtones et paysans et nous allons continuer à développer ces savoirs pour nourrir nos communautés de manière durable. Nos chants et nos contes expriment notre vision cosmique et sont importants pour maintenir la relation spirituelle avec nos terres.

Les engagements de la Société Civile

Nous nous engageons à renforcer notre niveau d’organisation, à construire des alliances larges et fortes et de promouvoir des actions conjointes, des connexions, des échanges et des solidarités afin de pouvoir parler d’une voix forte pour la défense de notre Souveraineté alimentaire. Nous sommes convaincus que seuls le pouvoir des peuples organisés et la mobilisation peuvent atteindre les changements nécessaires. C’est pourquoi notre tâche principale est de débattre, informer, sensibiliser, organiser et mobiliser les populations.
Les femmes participant au forum, face à l’oppression systématique qu’elles subissent suite à la mondialisation et à la main mise de l’agro¬industrie sur l’agriculture, la pêche et l’élevage, renforcée par le système patriarcal, s’engagent prioritairement à atteindre l’égalité dans la représentation et la prise de décisions. Nous demandons la justice en matière de genre, la paix et le respect des droits des femmes, y compris les droits de propriété collectifs. Nos droits sur les semences, les ressources productives, nos connaissances et nos contributions au renforcement de notre résilience doivent être respectés, valorisés et protégés. Les ouvrières agricoles et leurs communautés doivent avoir des conditions de travail sûres et des salaires équitables.

Les jeunes participant au forum affirment que les jeunes sont essentiels au développement et à la mise en œuvre des politiques agricoles écologiquement et socialement durables. Toutes les instances de prises de décisions doivent s’assurer de leur participation effective. Nous insistons sur l’éducation agricole, piscicole et d’élevage (formelle et informelle) depuis le jeune âge, y compris le renforcement des capacités à tous niveaux pour répondre aux besoins des jeunes. Notre engagement pour la Souveraineté alimentaire comprend la demande de transformer le Comité de la Sécurité Alimentaire en Comité de la Souveraineté Alimentaire ainsi qu’un appel pour le moratoire sur les agrocarburants.

Nous nous engageons à prendre collectivement nos responsabilités dans la mobilisation allant des niveaux locaux aux niveaux internationaux autour de nos luttes pour la Souveraineté alimentaire. Nous revendiquons la maîtrise et l’autonomie de nos processus d’organisation et d’alliances tout en renforçant notre redevabilité mutuelle en valorisant la richesse de nos diversités tout en respectant nos autonomies. Nous reconnaissons le rôle essentiel du CIP dans la facilitation des alliances.

Nous demandons la Souveraineté Alimentaire maintenant !


lire aussi sur www.alternatives.ca (2 décembre 2009) : L’agriculture... cause et solution à de multiples crises, par Véronique CÔTÉ

et sur www.pambazuka.org (15/11/2009) : Éradiquer la faim en Afrique, par Raj Patel, Eric Holt-Giménez & Annie Shattuck





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