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Une maison écologique tchadienne à la conquête du monde

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : jeudi 5 mai 2011
Beti Halali : la maison écologique et sociale des étudiants tchadiens vise la finale du Global Social Venture Competition aux Etats-Unis et recherche des investisseurs.
Au Tchad, l’urbanisation durable est un véritable défi, puisque plus de 90% des urbains vivent dans des bidonvilles et 95% ont construit en banco. Avec la croissance démographique et l’exode rural, la demande en logement a explosé.

source : www.lesafriques.com - 02-04-2011

La réponse à cette demande exponentielle passe par la construction de près de 125 000 maisons par an. Pourtant, à peine 2% des besoins sont satisfaits aujourd’hui, par le secteur informel notamment. L’accessibilité à une propriété aux normes n’est pas facile pour les populations du bas de la pyramide, aux revenus modestes. Cette situation s’explique également par l’inflation due à l’entrée des devises issues de l’exportation du pétrole. A titre indicatif, le prix du sac de ciment de 50 kgs est de 12 000 FCFA au Tchad, contre 6000 FCFA au Burkina Faso, pour le même produit. Dans ce contexte, comment répondre à la forte demande de logement tout en prenant en compte le volet social et environnemental, dans ce pays où le désert progresse de 3 km/an ?

« Nous espérons que nous gagnerons la confiance d’investisseurs convaincus de la valeur ajoutée et de la rentabilité de cette entreprise. Beti Halali souhaite contribuer à l’urbanisation durable du Tchad et nous pensons que nous avons les moyens et les compétences pour réaliser ce défi. »

« Ma propre maison »

C’est pour répondre à cet enjeu que Abdelnasser Kinefour et Atteib Mahamat, deux étudiants tchadiens de l’Institut International de l’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE), situé à Ouagadougou au Burkina Faso, ont conçu le projet Beti Halali , qui signifie « ma propre maison » en arabe tchadien. L’objectif de ce projet est de construire aux normes avec des matériaux écologiques bon marché, mais de qualité reconnue, tout en finançant l’achat par un système adapté des tontines. D’après Abdelnasser Kinefour et Atteib Mahamat

« Il est de notre devoir à nous, jeunesse africaine, de résoudre les problèmes de notre cher continent et de ne pas attendre qu’une main extérieure le fasse à notre place. Pour y arriver, il faut transformer chaque problème en opportunité et saisir chaque opportunité. »

Avant de poursuivre « le destin du Tchad est entre les mains de ses enfants, nous avons décidé alors de mettre nos connaissances et compétences à la disposition de nos compatriotes afin de contribuer à la résolution des problèmes communs. » Les deux promoteurs initiaux ont été rejoints par Katie Friedman, une étudiante américaine du 2IE. C’est désormais ce trio qui est lancé à la conquête du Global Social Venture Compétition ( GSVC ), qui met en concurrence des étudiants au niveau mondial afin de valoriser les business plan d’entreprenariat social.

Ils raflent la vedette à leurs camarades des grandes écoles françaises et européennes

L’information est passée inaperçue dans la presse française et africaine. Et pourtant, c’est bien un exploit que les promoteurs du projet Beti Halali ont réalisé le 2 février dernier à Paris. En effet, pour la finale francophone du Global Social Venture Competition, qui se déroulait dans la capitale française, ils ont été sélectionnés pour la demi-finale. C’était la première fois qu’un projet d’étudiant africain arrive à ce niveau. Le niveau était particulièrement élevé car il fallait affronter les étudiants des grandes écoles francophones, notamment l’ESSEC, HEC et l’Ecole centrale de Paris, pour la France, et l’Université Louvain de Belgique, pour ne citer que ceux là. Sur 110 projets, Beti Halali a été retenu avec cinq autres projets pour la demi-finale, qui s’est déroulée à la London Business School de Grande-Bretagne, en début du mois. Nos prodiges du 2IE viennent d’être sélectionnés et feront partie du cercle fermé des 12 projets qualifiés pour la finale du GSVC, qui aura lieu à l’Université de Berkeley aux Etats-Unis, du 7 au 9 avril 2011. L’objectif désormais c’est d’être lauréat et d’obtenir le premier prix de 25 000 $ pour transformer leur rêve en réalité. Quel que soit leur classement final, pourquoi ne pas féliciter une fois de plus ces étudiants, quand on sait que près de 1500 projets étaient sur la ligne de départ.

Une réussite qui valide la stratégie du 2IE

L’équipe du 2IE ne cache pas sa satisfaction. Pour Elodie Hanff, enseignante en Management de la responsabilité sociale et environnementale, qui a accompagné et soutenu les porteurs du projet, «  L’ensemble du personnel du 2iE et les étudiants sont très fiers de cette sélection pour la finale mondiale : elle démontre que nos étudiants peuvent rivaliser avec les plus grandes écoles d’ingénierie et de management du monde entier. Jamais un établissement d’enseignement supérieur en Afrique n’avait participé à cette finale : nous sommes très content d’avoir réalisé cet exploit. Le 2iE a pour ambition de former des ingénieurs entrepreneurs qui innovent au service des populations africaines. Beti Halali en est un bel exemple. Pour ce faire, ils ont pu bénéficier des conseils des professeurs en management, entreprenariat social, finance, stratégie et génie civil. » Paul Giniès, directeur général du 2iE, affirmait récemment dans le journal Le Faso que «  cette performance vient une fois de plus confirmer la qualité de la formation de son institut. C’est une grande fierté pour nous. Cette équipe est à l’image du 2iE avec sa diversité culturelle : deux Tchadiens et une Américaine… Cela montre que l’Afrique doit être considérée… et nous conforte dans notre philosophie. Entre vendre la misère de l’Afrique et vendre l’élite africaine, nous avons fait le bon choix. Nous avons choisi de vendre l’élite africaine et de promouvoir l’excellence. Pour nous au 2iE, ces jeunes ont déjà gagné la compétition. Ils ont réalisé une première en Afrique et dans le monde. Nous restons à leur service pour les amener le plus loin possible »

Recherche de financeurs pour transformer l’essai

Ce qui n’était qu’une idée en 2010 est aujourd’hui un véritable projet d’entreprise. Les promoteurs de Beti Halali ont profité du réseau du 2iE pour rencontrer certains partenaires comme la BOA ou Allianz. Beti Halali prévoit que, d’ici cinq années d’activité, plus de 3700 maisons durables seront construites avec son matériau et hébergeront plus de 22 000 personnes.

L’entreprise construit des logements avec un matériau innovant, qu’elle fabrique à partir de cinq matières premières, dont trois sont disponibles sur le territoire tchadien. Il permet, en moyenne, une réduction de 50% du coût de la construction par rapport au ciment. Il est reconnu pour sa qualité environnementale et sanitaire. Son usine a une capacité de production de matériaux écologiques suffisante pour couvrir ses propres besoins et pour fournir les entreprises de construction du pays. De plus, les promoteurs ont développé un mécanisme financier innovant pour l’acquisition des maisons, inspiré d’un système d’entraide bien connu des tchadiens : la tontine. Ce service est formalisé pour rendre les maisons accessibles aux couches sociales intermédiaires qui ont un emploi mais qui ne peuvent pas accéder à la propriété. Il recherche aujourd’hui des investisseurs capables d’injecter 100 à 150 000 euros dans leur projet ambitieux et innovant.

Voici le message de Abdelnasser Kinefour et Atteib Mahamat à destination d’éventuels investisseurs « Notre projet est ambitieux et nécessite un investissement conséquent : nous espérons que nous gagnerons la confiance d’investisseurs convaincus de la valeur ajoutée et de la rentabilité de cette entreprise. Beti Halali souhaite contribuer à l’urbanisation durable du Tchad et nous pensons que nous avons les moyens et les compétences pour réaliser ce défi. » Donnons leurs une chance…

Thierry Téné






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