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Election d’Obama : Une communication presque parfaite

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : lundi 10 novembre 2008
NETTALI.NET - Le sénateur de l’Illinois a mené une campagne exemplaire, fondée sur un message politique immuable et sur l’appel à la participation de la population. Il peut déjà se prévaloir d’un trophée : celui de champion marketing de l’année 2008, décerné ce mois-ci par l’Association of National Advertisers (l’Association national des publicitaires aux Etats Unis). Le candidat démocrate l’a ainsi emporté sur Apple et Nike, également dans la course. En tout cas un bel exemple de communication politique à méditer pour tous ceux qui aspirent à conquérir le suffrage de leurs concitoyens.

dimanche 9 novembre 2008

« Quand je regarde sa campagne, je me dis que nous tous, professionnels du marketing, avons beaucoup d’enseignements à en tirer », a déclaré Angus Macaulay de l’agence Internet Rodale Marketing Solutions. Réputée pour sa maîtrise impeccable des technologies «  collaboratives » du Web, qui lui a permis de bâtir un réseau sans précédent de donateurs et de bénévoles mobilisés avec la précision d’une horloge suisse, l’équipe de campagne de Barack Obama n’a pas négligé pour autant les outils traditionnels. Comme le clip politique, par exemple, mais un clip revu et corrigé.

A six jours des élections, l’équipe du sénateur de l’Illinois avait en effet lancé, mercredi soir 29 octobre, son opération la plus ambitieuse depuis l’achat, l’été dernier, de 5 millions de dollars d’espaces publicitaires durant les jeux Olympiques.

A sept jours du scrutin, le candidat démocrate avait orchestré la diffusion simultanée d’un «  infomercial » (ou « adtertainment » en anglais) d’une demi-heure sur sept chaînes, dont les trois grands réseaux nationaux CBS, NBC et Fox. Coût estimé par les experts : 45 millions de dollars pour l’ensemble de l’opération. Un chiffre non confirmé officiellement ; seul celui de 4 millions de dollars pour l’achat d’espaces publicitaires est assumé par l’équipe d’Obama. Réalisé en partie par Davis Guggenheim, réalisateur du documentaire d’Al Gore « Une vérité qui dérange », le film ouvre sur des champs dorés qui ondulent sous un ciel immense. La caméra plonge sur les visages empreints d’inquiétude d’une foule attentive, tandis que s’élève la voix du narrateur, Barack Obama. Les vingt-cinq minutes suivantes entrecroisent savamment son récit personnel à celui de quatre familles en difficulté, sélectionnées en fonction de leur représentativité démographique et géographique. Nul hasard en l’occurrence : presque toutes sont issues d’Etats cruciaux - Missouri, Ohio, Kentucky - où la partie n’est pas encore gagnée pour le sénateur de l’Illinois. Et dans un cadre évoquant une version intime du Bureau ovale, le candidat démocrate énumère les points clefs de son programme sur le ton à la fois passionné et posé de l’homme providentiel, qu’il a incarné depuis le début de sa campagne. Pour Tom Shales, critique de télévision du « New York Times », « le ton et la texture même du film rappellent le clip de campagne réalisé pour Ronald Reagan, une démarche destinée à satisfaire et sécuriser l’opinion publique ».

David Axelrod, le stratège de la campagne d’Obama, a expliqué que le format de trente minutes avait été choisi pour trancher avec le brouhaha publicitaire. « Les ondes sont inondées de spots de trente secondes et il est difficile de se faire entendre », a-t-il expliqué, en ajoutant que la date de diffusion devait permettre de peser sur les électeurs encore indécis à quelques jours du scrutin. Quelque 33 millions de téléspectateurs étaient présents au rendez-vous. L’exercice était banal à l’époque où la télévision restait le meilleur véhicule de propagande politique, et où l’interactivité entre l’auteur et le destinataire du message n’était même pas envisagée. Mais une telle initiative n’avait pas été prise depuis la campagne de Ross Perrot en 1992.

Surtout, pour le candidat démocrate, il s’agissait de mettre la dernière touche à une campagne jugée sans faute par les experts. « Barack Obama a entamé la campagne équipé d’une identité et d’un message dont il ne s’est jamais départi. Il n’a pas seulement parlé de changement, il l’a illustré depuis le début avec un récit très personnel sur la vie et la mort, observe John Reffue, consultant en stratégie de communication politique. Il a fait preuve d’une discipline rare, en ne déviant jamais de son message initial. »

Par contraste, «  John McCain a eu beaucoup de mal à décider ce qu’il représente, estime Audrey Haynes, professeur de sciences politiques à l’université de Géorgie, spécialisée dans les stratégies médias de campagne. L’image du « réformateur » ne collait pas avec la volonté du parti de maintenir le statu quo, donc il a dû jongler entre un discours réservé à la base républicaine et un autre destiné aux indépendants et aux indécis. Une tension que l’arrivée de Sarah Palin a rendue encore plus intenable. »

A rebours, critiqué durant les primaires pour l’importance qu’il a accordée aux idées générales, aux dépens des détails de son programme politique, Barack Obama a atteint l’objectif rêvé de tout candidat : incarner une aspiration populaire, au point d’enrôler ses partisans dans son sillage. « Il a compris que les présidents les plus efficaces dans l’histoire politique américaine sont ceux qui ont su communiquer au public de grandes idées générales », indique Charlton McIlwan, professeur de sciences politiques à New York University. Il relève les exemples de Ronald Reagan, pour lequel une Amérique fière se devait de représenter la force dans un monde en proie à la guerre froide, mais aussi de Bill Clinton, dont le message sur l’avènement de l’Amérique du XXIe siècle avait durablement frappé les esprits. Participer et s’impliquer

Déjà, le message de changement martelé par Barack Obama lui a permis de transformer la question de la race en politique. « Non seulement il a réformé la perception de l’homme noir présidentiable, mais il a instillé la notion que voter pour lui parce qu’il est noir est une excellente chose, en raison de la portée de cet acte pour le pays », ajoute Charlton McIlwan.

Simultanément, l’appel direct à l’action individuelle a constitué le fil rouge de la campagne du candidat démocrate. Plus de 600 millions de dollars de fonds lui ont permis de noyer les ondes de radio ou de télévision locales et nationales à travers le pays, y compris dans les Etats traditionnellement jugés négligeables, ou perdus d’avance. Mais le mouvement de masse observé à travers la création sur le terrain de plusieurs centaines d’équipes de militants est encore le phénomène le plus remarquable de la campagne. « Nous essayons de convaincre l’opinion publique que le seul moyen de sortir de l’impasse, de surmonter les intérêts particuliers et les lobbyistes, est de participer et de s’impliquer », a déclaré en substance Barack Obama à John Stewart, dans l’émission satirique « The Daily Show ».

Par contraste, John McCain a mené une campagne traditionnelle orchestrée autour de la capacité à dominer le cycle quotidien de l’actualité. Une stratégie qui a fonctionné en sa faveur pendant plusieurs semaines après l’annonce de la nomination de Sarah Palin, réduisant sensiblement l’écart entre les deux candidats dans les sondages. Mais une stratégie fragile qui, à l’épreuve du temps, n’a pu empêcher la désaffection d’une partie de l’électorat pour le gouverneur de l’Alaska et n’a pas suffi à masquer la vulnérabilité de John McCain face aux questions économiques.




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