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L’érosion côtière et l’avenir du Sénégal

Où trouverons-nous les empreintes lorsqu’il n’y aura plus de sable ?

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 31 juillet 2015
Selon les estimations actuelles, l’urbanisation le long de la côte sénégalaise est susceptible d’augmenter d’un tiers entre 1990 et 2080. En plus de ses effets économiques, la vulnérabilité du littoral présente également des risques de pauvreté importants, étant donné que les impacts négatifs des chocs environnementaux se répartissent généralement plus lourdement sur les pauvres.

source : www.pambazuka.net - 2015-07-16

Depuis 2005, l’économie du Sénégal a perdu de son dynamisme et cette tendance a été aggravée par un facteur souvent négligé, à savoir le changement climatique. Vingt-cinq pour cent des côtes sénégalaises encourent un risque d’érosion côtière important, et on estime que ce chiffre passera à 75 pour cent d’ici 2080, si les niveaux de la mer continuent d’augmenter. L’érosion du littoral sénégalais est déjà très marquée et a commencé à nuire au tourisme, l’un des domaines clés du Plan Sénégal émergent, qui s’inscrit dans la stratégie de croissance et de développement à long terme du pays.

On ne peut surestimer l’importance économique de l’intégrité du littoral du Sénégal et son importance devrait continuer à croître. Abritant 60 % de la population, soit environ 7,8 millions des 13,5 millions d’habitants, la côte du Sénégal s’étend sur 531 km, et la région côtière représente 68 % du Pib. Selon les estimations actuelles, l’urbanisation le long de la côte est susceptible d’augmenter d’un tiers entre 1990 et 2080. En plus de ses effets économiques, la vulnérabilité du littoral présente également des risques de pauvreté importants, étant donné que les impacts négatifs des chocs environnementaux se répartissent généralement plus lourdement sur les pauvres. Dans un pays où près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, la résistance aux catastrophes naturelles et au changement climatique est particulièrement importante.

Le processus d’érosion côtière a commencé au début des années 1980 au Sénégal, mais celui-ci n’a pas suffisamment été pris au sérieux au début. La hausse du niveau de la mer est la principale cause de l’érosion qui a été aggravée par les activités des êtres humains, en particulier les constructions le long de la côte. En entravant la conservation naturelle et l’absorption de l’eau de pluie, l’extraction de sable et de l’urbanisation en bord de mer ont augmenté le risque d’inondation, menaçant les logements, les infrastructures et le tourisme. Le tourisme est un secteur particulièrement important de l’économie sénégalaise axée sur le service ; le gouvernement a identifié le tourisme comme l’un des principaux moteurs de la croissance économique nationale, et le secteur est une source importante d’emplois le long de la côte en dehors de Dakar.

Alors que le tourisme au Sénégal se heurte à un certain nombre de défis importants, dont des impôts élevés, de faibles investissements publics et une mauvaise gestion du secteur, le problème le plus important est la disparition des plages. Saly Portudal, une grande station balnéaire, en est un bon exemple. Il s’agit d’une ville côtière comprenant 15 hôtels et 23 complexes de résidences de vacances, dont l’économie dépend entièrement des activités balnéaires. Toutefois, en raison de l’érosion côtière, 30 % des logements de Saly-Portudal n’ont plus accès à des plages exploitables.

Une baisse de l’activité touristique nuit non seulement à l’économie locale, mais a aussi un impact négatif au niveau national. En supposant qu’il y a une forte corrélation entre la population et les vulnérabilités de la zone côtière, y compris les risques humains, matériels et économiques, la valeur actuelle nette de l’érosion côtière et de la submersion marine au Sénégal est estimée à 344 milliards de francs Cfa (soit 688 000 000 de dollars). D’autres coûts potentiels, tels que la perte de vies humaines ou la destruction des sites issus du patrimoine culturel et des écosystèmes, sont difficiles à évaluer.

L’érosion côtière n’a pas été traitée de manière cohérente, et certaines des rares mesures entreprises ont freiné le processus dans un domaine tout en l’aggravant dans un autre. Compte tenu de la priorité majeure accordée au tourisme dans la stratégie de développement national du gouvernement, cette question requiert une attention immédiate.

Soixante-trois pour cent de la population du Sénégal est consciente des effets négatifs du changement climatique et le public sera probablement en faveur d’une intervention du gouvernement. Comme dans de nombreux domaines, il est essentiel d’améliorer la collecte des données pour aboutir à une politique efficace. Il est aussi important d’établir un cadre d’intervention dans le but d’hiérarchiser et de coordonner les mesures d’intervention, et le plan de gestion des zones côtières devrait être élaboré et amélioré de manière progressive. Parmi les mesures complémentaires, on compte la planification urbaine, une réforme institutionnelle, une meilleure coordination institutionnelle et le développement des connaissances techniques des organismes gouvernementaux. Enfin, les réformes législatives et réglementaires seront nécessaires pour construire une base juridique cohérente pour gérer le littoral, en particulier la loi sur le littoral, le programme de prévention de l’érosion côtière national et le plan d’action national pour le changement climatique. Dans l’ensemble, le défi le plus important sera de transformer la mentalité des législateurs et du public sur les menaces que posent l’érosion côtière et le changement climatique. Mais ces questions sont urgentes, et le temps presse.

Matthias Cinyabuguma et Marcela Valdivia




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