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ALBOURY NDIAYE, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS D’INITIATIVE ET OFFICES DE TOURISME DU SENEGAL : Le patrimoine historique comme outil de développement durable

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 6 février 2009
Dans l’entretien qu’il nous a accordé hier dans la capitale du Nord, le président de la Fédération nationale des syndicats d’initiative et offices de tourisme du Sénégal, Alboury Ndiaye, revient sur la restauration et la valorisation du patrimoine historique au bénéfice de la lutte contre la pauvreté.

source:www.lesoleil.sn

M. Ndiaye, vous êtes membre de plusieurs associations intervenant à Saint-Louis ; pouvez-vous les lister ?

Il y a d’abord le Syndicat d’initiative et de tourisme de Saint-Louis que j’ai présidé pendant 12 ans, l’ Arcas (l’Association pour la restauration et la conservation de l’architecture de Saint-Louis), la Fnotsis (Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiatives du Sénégal) et la dernière-née Ndart ( Ndar’Art ).

Pourquoi l’Arcas et quel est son impact ?

L’Arcas a été créée par des hommes et femmes qui ont compris que l’âme de cette ville réside dans son patrimoine architectural, qu’il nous faut préserver et valoriser. D’abord parce qu’il constitue l’héritage que nos pères nous ont légué mais aussi parce que notre patrimoine monumental est récent (souvent lié à la colonisation) et il n’est ni riche ni diversifié. Nous n’avions pas pour tradition de construire pour la durée. La compréhension que certaines autorités avaient de ces bâtiments de Saint-Louis a considérablement évolué puisque jusqu’à une date récente, l’idée majoritairement partagée était de les démolir pour les remplacer par des constructions dites « modernes ». A cette époque, nous étions très peu nombreux et ramions à contre-courant en voulant défendre ces constructions, les considérant comme la plus grande richesse de Saint-Louis et de son tourisme. Ainsi, grâce en partie au rôle de veille et de sensibilisation du Centre de recherches et de documentation de Saint-Louis ( Crds ), du Syndicat d’initiative et de l’Arcas, une prise de conscience nette en faveur de la défense du patrimoine s’est opérée.

Quelle est votre compréhension du patrimoine et sa valorisation ?

Le patrimoine est ce que nous avons reçu de nos pères et que nous avons l’obligation de transmettre aux générations futures, sans aucune altération. De cette compréhension découle notre intransigeance dans le respect des matériaux et la configuration des bâtiments. Par exemple, pour la restauration du fort de Podor, en accord avec le maître d’ouvrage et le partenaire au développement, nous avons exigé et obtenu la mise à disposition d’un architecte des monuments historiques de France et des compagnons du Tour de France, dépositaires d’un savoir-faire inexistant au Sénégal. La principale difficulté identifiée réside dans le fait que les matériaux utilisés à l’époque (chaux, briques rouges, tuiles mécaniques) ayant été supplantés par d’autres dits « modernes », nos artisans ont en conséquence perdu toute expertise concernant le maniement de ces matériaux. La problématique du réacheminement ou de la production in-situ de ces matériaux et le réapprentissage de leur utilisation est au centre de nos réflexions du moment. Notre compréhension du patrimoine ne procède pas d’un sentiment nostalgique mais plutôt d’une conviction lucide que le patrimoine peut parfaitement constituer un outil de développement durable devant participer à la lutte contre la pauvreté.

Quel autre impact avez-vous sur la ville ?

J’ai parlé plus haut de notre rôle d’éveil qui consiste à sensibiliser sur la nécessité de préserver le patrimoine. Notre rôle d’éveil consiste à réaliser, avec l’appui de nos partenaires, des restaurations de maisons caractéristiques de l’architecture de Saint-Louis dans le strict respect de la configuration et des matériaux d’origine.

Des maisons ont été restaurées sur l’île de Saint-Louis, le fort de Podor parfaitement restauré, les quais de Podor, le mausolée Ouro Mahdiyou ont fait l’objet d’un relevé architectural, le fort de Médine à Kayes (Mali) est en cours de restauration avec une partie de l’équipe qui avait été mobilisée à Saint-Louis. Avec la même démarche de respect de l’identité des bâtiments, d’ailleurs notre devise est : « On ne détruit réellement que ce que l’on remplace ».

Pourquoi vous utilisez le mot valorisation en ce qui concerne le patrimoine architectural ?

Parce qu’avec le tourisme, ces maisons à balcons, ces entrepôts, forts, contre-forts, une fois correctement restaurés, peuvent trouver un nouvel objet social, qui pour abriter un musée, qui une galerie, qui une maison d’hôtes, qui un présentoir de la production artisanale, qui sont autant d’activités capables de générer des ressources suffisantes pour entretenir de façon pérenne ces édifices. Il ne suffit pas seulement de restaurer, il faut aussi insérer ces constructions de manière harmonieuse dans le tissu économique afin de refuser le principe de la « ville musée » c’est-à-dire celle qui est rivée à son passé et refuse d’affronter le devenir.

Vous n’êtes pas seuls dans ce chantier, des institutions prestigieuses sont mobilisées pour sauver le patrimoine (Unesco, Adc, Lille partenariat, etc.) ?

Heureusement que nous ne sommes plus seuls mais voyez-vous, j’ai le défaut des militants de la Société civile, j’ai une profonde aversion contre les grandes « messes » d’où sortent en général d’immenses « usines à gaz » particulièrement difficiles à manager. Je milite pour la juxtaposition de petits chantiers qui, à terme, permettent de changer nettement le visage d’une rue avec l’assentiment des habitants. Faites un tour dans le Nord à la rue Blaise Diagne, c’est le fruit du travail de petites associations, c’est concret, c’est visible, en plus c’est à notre portée. Après chaque chantier, nous apprenons suite aux difficultés rencontrées et surmontées.

Propos recueillis par Mbagnick Kharachi DIAGNE


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