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Khardiata Pouye Sall, réalisatrice : « Le khessal, une pratique devenue inquiétante »

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 14 septembre 2012
La cinéaste Khardiata Pouye Sall explique les motivations qui l’ont poussée à réaliser le documentaire « Cette couleur qui me dérange » et les enseignements qu’elle en a tirés.


source :www.lesoleil.sn - 13 septembre 2012

Pourquoi avez-vous réalisé ce documentaire sur la dépigmentation de la peau ?

« Tout est parti d’un constat, il y a 2 ans de cela. Au Sénégal, d’habitude, ceux qui s’adonnaient à la dépigmentation, sont des gens qui n’ont pas un haut niveau d’instruction, donc des gens qui ne mesurent pas les dangers de cette pratique. Pour ces personnes, l’essentiel, c’est d’avoir le teint clair. Mais, de plus en plus, j’ai constaté que c’est des leaders d’opinion, des ministres de la République, surtout ceux de l’ancien régime, des animatrices de télévision, des présentatrices de journal, des femmes à la tête d’Ong qui font la dépigmentation. Et là, je me suis dit qu’il y a problème. Si ce sont des femmes intellectuelles, des femmes sensées connaître la valeur de la peau noire qui s’adonnent à cette pratique, cela devient inquiétant. Voilà comment j’ai eu l’idée de faire ce film. Pendant le tournage, cela m’a confortée dans mon idée de départ : dans les télévisions, la majeure partie des animatrices ou présentatrices font du « Khessal » et font des émissions qui passent à des heures de pointe. Pour dire l’influence qu’elles peuvent avoir sur les téléspectatrices ».

Quel message voulez-vous faire passer ?

« J’ai fait ce film pour tirer la sonnette d’alarme, attirer l’attention des autorités. Ce n’est pas pour décrier le « khessal » et m’ériger en donneuse de leçon, je suis trop petite pour cela. Les produits dépigmentants sont très accessibles au Sénégal alors que 2 % seulement y sont fabriqués, et en plus, ce sont des produits de faible dose. Les vrais produits dépigmentants ne sont pas fabriqués au Sénégal. Ils entrent ici sans aucune restriction ; la seule condition d’entrée, c’est de s’acquitter des droits de Douane ».

Vous avez interrogé des femmes qui s’adonnaient ou s’adonnent à la dépigmentation. Qu’est ce qui vous a marquée dans leurs témoignages ?

« Avant, je m’étais mise à l’idée que si les femmes font le « Khessal », c’est pour plaire aux hommes. Mais avec ce film, je me suis rendue compte que je me trompais. Ce n’est pas tout à fait cela. C’est plutôt le poids de la société qui les amène à pratiquer la dépigmentation. L’une d’elle m’a avoué qu’elle s’est mise au « khessal » parce qu’elle s’est rendue compte que lors des cérémonies filmées, les cameramen braquaient leur zoom sur les femmes qui avaient le teint clair plutôt que sur celles qui avaient la peau foncée. C’est naïf, mais c’est la vérité. Tout le monde peut constater que sur un groupe de femmes, l’attention est presque toujours portée sur celles qui ont le teint clair naturellement ou artificiellement. Dès lors, si une femme à la peau noire n’est pas assez forte, n’est pas bien ancrée dans ses valeurs, elle peut être tentée de faire du « khessal ». Il y a une impression de complexe d’infériorité chez ces femmes. Une phrase lâchée par l’une des actrices du film m’a beaucoup frappée : « la dépigmentation finit toujours par trahir ». C’est une phrase philosophique, pleine de sens et qui renseigne sur la dimension des regrets qui tenaillent cette dame dont le corps est plein d’ecchymoses après des années de « khessal ». C’est un cercle vicieux, un engrenage où l’on a du mal à sortir une fois qu’on s’y engouffre ».

Dossier réalisé par El H. Ibrahima THIAM et Ndiol Maka SECK


lire aussi sur www.blackbeautybag.com (13 septembre 2012) : LE BLANCHIMENT DE LA PEAU : LES PRATIQUES, ENJEUX & RESPONSABILITE

sur www.slateafrique.com (20 septembre 2012) : Dépigmentation : l’indifférence coupable des autorités, par Fatimata Ly

et sur sudonline.sn (25 septembre 2012) : ÑUUL KUKK (TOUTE NOIRE) VS KHESS PETCH (TOUTE CLAIRE) : La guerre des couleurs, par Ndéye Débo SECK



Cette couleur qui me dérange

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