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Télévisions : grandes manœuvres dans le ciel africain

Pas de télévision continentale africaine, après 50 ans d’indépendance. Les appétits ne manquent pourtant pas, de Paris à Londres.

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : lundi 8 novembre 2010
France 24 se serait-elle rabattue sur l’Afrique ? L’audience du porte-parole de la France rencontre partout une rude concurrence (CNN, BBC), sauf sur l’Afrique, où les chiffres le créditent d’une « percée » remarquable. Au point que l’Etat-major du groupe lorgne désormais l’Afrique du Nord. Le lancement de la version arabe 24h/24, effective avec plusieurs mois d’avance, découle de ce recentrage. Mais qu’en pensent les Africains eux-mêmes ? Vont-ils continuer, 50 ans après leurs indépendances, à ne pas disposer de télévision satellitaire de qualité, à l’image d’Al Jazeera, devenue en quelques années le leader du monde médiatique arabe ?

source : www.lesafriques.com - 8 novembre 2010

D’avance, il est vrai qu’avec un budget de 12 millions d’euros et des journalistes arabophones moins payés que leurs confrères francophones ou anglophones, cette version arabe est condamnée à l’exploit pour se tailler une place sur les ondes arabes, dominées, de loin, par la télévision qatarie et par une vague satellitaire allant du Liban à l’Egypte. Dans tous les cas, cette nouvelle version ne pourra guère voler plus haut que son budget. En télévision, raconte ce producteur africain, tout est question de budget. Quand France 24 mobilise 102 millions d’euros, CNN en rassemble 650 millions, et ça saute tout de suite aux yeux. «  La télé c’est du direct, du live, de l’émotion. Les télés à petits budgets jouent avec la redif et le réchauffé », poursuit-il, en s’attribuant le mérite d’avoir deviné dès le début que France 24 deviendrait à la longue la version télé de Radio France International. Il faut le dire, la chaîne française marche sur les traces de CNN, qui investit de plus en plus dans des produits pour et sur l’Afrique, attaquant au passage de grands annonceurs comme Zénith Bank.

Nouvelles vagues africaines

Pourtant, les télés occidentales devraient croiser le fer avec de nouvelles télés africaines, avec des actionnaires issus majoritairement du continent. C’est le cas de Télésud , d’ Africa 24 , d’ Africable et de Vox Africa . Cette dernière a un capital entièrement africain, avec deux actionnaires de référence : le financier Paul Fokam Kamogne, fondateur d’Afriland First Bank, et son alter ego Koné Dossongui, fondateur du groupe Banque Atlantique. Basée à Londres, la chaîne est diffusée aujourd’hui sur l’ensemble du continent, via le satellite Sirius 4 de Globcast, et repris sur les plateformes CanalSat Horizon et, dès janvier 2011, sur DSTV. Fort de son personnel bilingue (français et anglais) issu de 15 nationalités africaines, Vox Africa peut, sans complexes, revendiquer son « identité panafricaine ». Reste à affronter cette réalité bien panafricaine : la non-structuration du marché panafricain en termes de publicité. « Les annonceurs continentaux préfèrent encore aller vers médias internationaux qui sont vus en Afrique comme CNN, France 24, Euronews, Aljazeera, etc. », explique un professionnel des médias. Mais, poursuit-il, le marché va se structurer petit à petit et les annonceurs comprendront qu’il y a des économies d’échelle à faire en annonçant sur les médias transnationaux.

Un marché hyper morcelé

Autre obstacle expliquant le retard pris par l’audiovisuel africain, « le manque de vision de nos hommes d’affaires, qui veulent des retours sur investissement à court terme, ce que la télé continentale ne peut pas garantir au jour d’aujourd’hui, au vu des obstacles en termes de distribution et de mesure d’audience sur des marchés hyper morcelés comme celui de la télé en Afrique », déplore ce chef des programmes d’une des télé continentales citées ci-haut. Bref, l’Afrique a besoin de visionnaires qui savent attendre que les choses mûrissent et de mécènes pouvant jouer le même rôle que Ted Turner avec CNN. C’est la difficulté des projets de télés panafricaines, qui explique sans doute le foisonnement de projets étatiques ou nationaux comme SABC International. Mais là aussi, explique ce publicitaire, le « risque d’une dépendance politique très forte » peut plomber de tels projets dès le départ. C’est là, sur l’indépendance éditoriale, où des projets comme Vox Africa à Londres ou NNC au Nigeria peuvent tirer leur épingle du jeu et devenir à terme de réels médias continentaux. « l’avantage de VoxAfrica TV, c’est que nous sommes déjà bilingues et nous avons aussi deux signaux vers la France et le Royaume-Uni, donc aussi un impact sur la diaspora africaine, qui influence en retour le continent », explique Eric Ndiyu, rédacteur en chef de la jeune télé.

Adama Wade


3A Télésud, en attendant l’envol définitif

Au début de l’aventure parisienne, rue de Montreuil, l’ambition de 3A Telesud était largement partagée par ses principaux responsables. Aujourd’hui, la télévision panafricaine vit un malaise : les conflits ouverts entre actionnaires ont plombé la télévision, qui a frôlé le dépôt-bilan entre fin 2009 et début 2010. L’argent, nerf du milieu audiovisuel à Paris, est au centre du problème. Les querelles opposant actionnaires historiques et investisseurs privés ont précipité la chute de cette entreprise audio-visuelle qui croule sous le poids d’une dette cumulée de quelque 2 millions d’euros. L’arrivée d’un nouvel actionnaire majoritaire, le franco-gabonais, Eric Benquet, suite à une augmentation du capital, a donné un coup d’accélérateur à la chaîne panafricaine. Les manettes de décision seraient entre les mains de l’avocate Danièle Gautier, fidèle conseillère de Pascaline Bongo Odimba. Des sources bien informées révèlent que les intentions de renflouement de 3A Telesud sont toujours intactes.

En réalité, 3A Telesud a essayé maintes fois de passer à grande vitesse la diffusion de ses émissions au reste de la planète, via le bouquet satellitaire. En vain. On explique cet impair par la facture jugée exorbitante (500 000 à 600 000 euros/an) à verser à l’opérateur diffuseur. Avec une trésorerie à sec, du fait de la raréfaction des ressources et du désistement de certains Etats africains, dont le Cameroun, qui devait initialement monter en puissance dans le tour de table (65% des actions) via une holding dénommée Cominvest. L’apport de l’Etat camerounais devait s’élever à quelque 5 millions d’euros. Notons que bon nombre d’investisseurs avaient manifesté leurs intentions d’entrer dans le capital de l’entreprise. Des noms ont été avancés, tels que Vincent Bolloré et Ali Bongo. Sans jamais être confirmés. Pour doper la machine, l’administrateur Jean Luc Beis, a été remplacé par Jean-Philippe Kaboré, un Ivoirien très réseauté à Paris. De fil en aiguille, la mayonnaise de la relance tarde à monter depuis le lancement de la nouvelle formule. L’entreprise audiovisuelle a lancé une nouvelle offensive sur le marché des pays du Sud. Pour l’instant, rien de mordant et les gros portefeuilles clients n’ont pas été séduits. Pierre Bedou et Sylvie Boisfleury, considérés comme des pivots de l’entreprise au début de la saga, ont décidé à leur tour d’abandonner la partie. Ils viennent de créer Canal 3 monde qui émet aussi depuis Paris.

Ismael Aidara


Africa 24 tire son épingle du jeu avec le concept « Believe in Africa »

Africa 24 , la chaîne panafricaine d’information installée à Saint-Cloud, banlieue parisienne, semble bien tirer son épingle du jeu. Huit mois après son lancement au somptueux palace Georges V, son président et fondateur, Constant Némalé (actionnaire majoritaire), a bien voulu lui donner un contenu en misant sur le concept « Believe in Africa ». Avec une valorisation déclarée de 50 millions d’euros et un budget annuel qui tourne aux alentours de 4,9 millions d’euros (18 fois moins que France 24), la chaîne panafricaine Africa 24 veut étendre les tentacules de ses réseaux d’influence, bien ancrés à Paris, sur le continent africain, américain et européen. Africa 24 , qui diffuse l’information en continu 24h/24 via le bouquet satellitaire Canal Media Overseas, s’appuie jusque-là sur ses réseaux d’influence à Paris. A priori, le timing pour Constant Némalé est serré, mais jouable. Son objectif est de rentabiliser l’entreprise d’ici à 2013 et trouver un point d’équilibre. La diffusion des informations en anglais et en arabe sont projetées, respectivement, en fin 2010 et 2011.

I.A.





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