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MALI Ruinés par le coton, des paysans tournés vers les céréales semblent y revenir

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mardi 18 janvier 2011
BAMAKO, 7 jan 2011 (IPS) - Découragés par les retards de paiement du coton et la chute des prix, de nombreux paysans maliens boycottent la culture du coton et se tournent vers les céréales. Pourtant, les mêmes paysans estiment que l’abandon de la culture du coton fragilise la sécurité alimentaire.
Dans le village de Sanakoroba, à environ 30 kilomètres de Bamako, la capitale malienne, dans le sud du pays, Abdoulaye Sériba Traoré, président de l’association des paysans de la commune, est l’un des rares paysans à ne pas boycotter la culture du coton.

« Les gens boycottent la culture du coton parce qu’ils ne reçoivent pas à temps leur argent. C’est très tard en 2010 que j’ai pu avoir l’argent du coton que j’ai cultivé en 2009. J’étais tellement déçu que je ne voulais plus en cultiver dans mon champs », explique Traoré à IPS, estimant ses recettes de 2009 à 700.000 francs CFA (environ 1.400 dollars).

Traoré, qui est également l’un des premiers à introduire la culture du coton dans sa localité, ne s’est pourtant pas découragé. « Bien sûr, à cause des difficultés liées à la vente du coton, j’ai réduit l’espace que j’y consacrais. Mais j’avais trois hectares de coton l’hivernage dernier (2010), contre deux hectares l’année précédente », a-t-il ajouté.

Selon des statistiques publiées en 2010 par la Compagnie malienne du développement des textiles ( CMDT ) - une entreprise mixte qui achète le coton aux paysans -, la zone de culture du coton au Mali s’étend sur les terroirs situés au sud du fleuve Niger, au sud et à l’ouest du pays, sur une aire de 134.518 kilomètres carrés sur une superficie totale de 1,240 million km2. Cette zone regroupe 6.345 villages et hameaux, abritant une population d’environ 3,4 millions habitants, soit 28 pour cent de la population nationale.

Pourtant, la production du coton, qui s’étend sur plusieurs régions climatiques du pays, peut jouer un grand rôle dans la sécurité alimentaire des paysans, estime la CMDT. « La production du coton est assurée par de petites exploitations familiales au nombre de 175.000, cultivant en moyenne 10 hectares dont trois sont réservés au coton (le tiers) ; le reste est occupé par des céréales (maïs, mil, sorgho et riz) et des légumineuses (arachides, niébé) », a déclaré à IPS, Mohamed Coulibaly, responsable de la communication à la CMDT.

Les paysans eux-mêmes estiment que la culture du coton les aide à augmenter leur production de céréales. « La culture du coton enrichit les sols, car lorsqu’on cultive du coton, on reçoit des engrais et autres intrants agricoles à crédit. Avec la rotation des cultures, les céréales bénéficient de ces sols riches », a indiqué à IPS, Sali Samaké, une paysanne du village de Djitoumou Tamala, dans le sud du Mali.

Mais, en plus du retard de paiement des recettes de coton, l’un des problèmes auxquels les paysans sont confrontés est l’endettement. « A l’instar de beaucoup d’autres paysans maliens, nous avons abandonné le coton parce qu’après avoir remboursé les dettes des banques, il ne nous reste plus rien pour faire face aux autres besoins d’argent », a affirmé Samaké.

Les statistiques de la CMDT évaluent à 1,400 million tonnes par an la production de céréales de la zone cotonnière du Mali. Les mêmes données montrent que sur l’ensemble des exploitations agricoles, 85 pour cent possèdent du matériel de culture attelée (charrues et autres matériels aratoires).

Par ailleurs, les excédents monétaires nés de l’activité cotonnière ont permis la constitution d’un troupeau de 2,200 millions bovins environ appartenant aux producteurs. La période de l’excédent monétaire se situe notamment entre 2003 et 2006 lorsque le coton était payé à un prix assez intéressant pour les paysans.

Cependant, le rôle régulateur du coton dans la sécurité alimentaire contraste avec les problèmes que cette culture commerciale pose aux paysans maliens depuis quelques années. Conséquence : la production nationale a drastiquement chuté à environ 200.000 tonnes en 2008-2009, contre près de 620.000 en 2003-2004.

En réalité, la chute de la production du coton au Mali faisait écho à une crise sur le marché international. Mais selon l’altermondialiste malien Mohamed Tabouré les problèmes des paysans maliens résident dans les politiques de subvention du coton de certains pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, et leurs incidences sur les cours mondiaux.

« Il faut noter aussi la baisse du dollar face à l’euro auquel le franc CFA est lié, ainsi que l’augmentation des phénomènes de dégradation des sols et de perte de fertilité entraînant la baisse des rendements des champs », a expliqué Tabouré à IPS. Le coton se paie en dollar sur le marché international.

Même si les paysans se sont tournés vers les céréales pour assurer leur sécurité alimentaire, la récente hausse du prix d’achat du kilo aux paysans, qui est passé de 170 FCFA en 2009 à 185 FCFA en mai 2010, incite de plus en plus de petits agriculteurs maliens à reprendre la culture du coton. Mais, aussi longtemps que les retards de paiement continueront, le Mali risque de ne pas atteindre son niveau de production cotonnière du début au milieu des années 2000.

Soumaila T. Diarra


lire l’article sur le site ipsinternational.org : Ruinés par le coton, des paysans tournés vers les céréales semblent y revenir





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