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La Petite Côte et les îles en danger

PRISE EN BOULIMIE FONCIERE ET RISQUES CLIMATIQUES

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : lundi 24 septembre 2012
Que restera-t-il de la Petite Côte et des terroirs des îles du Saloum dans un demi-siècle ? Simple question de temps, le sol se dérobe chaque jour sous les pieds d’une paysannerie en péril dans cette partie du centre ouest sénégalais. Coincé à l’ouest par une mer qui avance sur le continent et de l’autre côté, par le désir des plus riches d’acheter aux ruraux leurs rares terres fertiles pour l’agriculture, la Petite côte et les îles du Saloum, de Joal à Djinack plus au sud, offrent une image peu reluisante sur leur avenir. Si l’Etat et les régions n’arrêtent pas le massacre, les effets du tourisme de masse cumulés aux besoins toujours plus grands d’espaces et aux effets néfastes du changement du climat ont fini de perturber les équilibres écologiques dans la zone. Pour corriger la tendance, le compte à rebours a déjà commencé et le temps est désormais compté.

source : www.sudonline.sn - 24/09/2012

Le tourisme contre l’agriculture, loin d’un slogan, c’est bien le nouveau choix des paysans de cette zone qui préfèrent vendre leurs terres que d’attendre l’eau tomber du ciel pour semer des graines. L’argent plus fort que tout. Voila la nouvelle formule de ces gens des terroirs que n’arrivent plus à convaincre les théories des organismes de conseil et d’encadrement. Sur la Petite côte, autour des villages de Saly et Vélingara, il n’existe plus de champs de mil, d’arachide et de niébé. Confrontés au boom touristique et à l’exode rural, ces villages séparés de la ville de Mbour par d’immenses champs, sont aujourd’hui en voie de disparition. La terre ne sert plus à faire du maïs, du mil, du niébé et encore, mais à construire des villas et des campements pour touristes.

En partant de Dakar, depuis la sortie de Yène et Toubab Dialaw, tout le long du littoral de cette partie ouest du pays est aujourd’hui à la portée des spéculateurs qui le désirent : la faute à l’Etat qui a laissé la décentralisation aux maisons d’élus et de responsables plutôt enclins à se remplir les poches qu’à servir les populations locales. Tous les moyens sont bons pour se remplir les poches en temps de crise.

Aujourd’hui, à Mbour comme dans la petite commune déguisée de Saly, aucun projet urbain ne présente un réel intérêt pour le développement de la zone en dehors du tourisme.

Une zone de campements

Depuis la Somone en passant Warang, Nianing, jusqu’à Mbodiène et les îles du Saloum, les terres n’ont plus qu’une seule forme d’occupation, les campements et les hôtels de luxe. Dans cette vaste région naturelle au-dessus de laquelle n’émergent encore que deux grandes villes : Joal et Mbour, il n’existe pas de projets urbains au sens vrai du terme. Zone de pêche, de tourisme, d’agriculture et d’élevage, la Petite côte est devenue un espace qui n’attire les Sénégalais et les voyageurs du monde que parce qu’il y a la mer à côté. Débordées par une urbanisation sans contrôle, dépassées par une population rurale qui ne cesse de s’accumuler sur les marges des villes, Mbour comme Joal, sont des terres d’exode. Tous les déçus du tourisme, et les paysans sans terre se sont rués sur le bord de mer et les deux quais de pêche des deux villes.

Or au même moment, la zone ne tire plus grand-chose de l’océan, en dehors du poisson et des mollusques vendus aux usines et aux riches quotidiennement. Depuis les indépendances, et même à l’époque coloniale, la ville de Mbour, terre d’agriculteurs, d’éleveurs, de pêcheurs et de traitement de la maladie du sommeil, du paludisme et de la peste a été le centre le plus actif de la Petite côte aux côtés de Joal, la cité maritime avec ses pêcheurs sérères et Niominka. Tout à côté, quelques places agréables comme Nianing, Warang, Ngazobil jusqu’aux villages côtiers de Palmarin, Saly et le territoire des îles du Saloum ajoutaient au décor de petits paradis en face des Antilles et de l’Amérique du sud de l’autre côté de l’Atlantique.

On était loin de penser au début des années 1960, au boom du tourisme. Ne passaient leur temps ici que quelques touristes égarés sur le chemin de la Casamance et des îles. Egalement, des campeurs du week-end ou des vacanciers en ballade sur l’Afrique côtière qui tombaient par surprise sur cette partie du pays, réputée belle et tranquille mais qui ne comptait que sur la présence de quelques auberges et lieux d’hébergement dont les plus connus étaient encore le domaine de Nianing, le Relais 82, le Centre touristique de Mbour etc.

Le tourisme contre l’agriculture

Arrive le milieu des années 1970, avec l’aménagement dans la zone des premiers hôtels : le club Aldianna, la station de Saly et les campements des îles pour changer le décor. La région compte parmi les équipements touristiques les plus performants. Le tourisme balnéaire dont Dakar était le principal centre a trouvé un nouveau site qui offre des conditions de tranquillité et de confort plus grandes. Et, avec lui, de nouveaux types de touristes, qui à la place de la camionnette ou du camping car doublé du canoë derrière, débarquent en avion et à bord de bus confortables qui les acheminent sur les lieux depuis l’aéroport.

Le tourisme prend son envol sans avoir tiré avec lui, le développement des villes de ces terroirs ruraux pour l’essentiel. Et en dépit du coup de pouce donné à l’artisanat, aucun autre secteur n’aura bénéficié de ces investissements. Quelques emplois ici et là, sans plus. Les populations, surtout la jeunesse, ont mis du temps à dénoncer le fait que les principaux agents qui étaient recrutés dans les hôtels n’étaient pas toujours des gens des villages ou des villes alentours. Généralement plutôt formés dans la seule école hôtelière que compte encore le Sénégal, ils étaient tous originaires d’autres villes ; ce qui a fini par installer le malaise au sein de ces localités.

Et c’est de là que vont venir les premières déceptions. Aujourd’hui, ni Joal, ni Mbour encore moins les villages éloignés des îles ne comptent une industrie digne de ce nom. Villes pauvres, villages oubliés, le manque de vision des équipes municipales et des conseils ruraux s’ajoute au malaise grandissant des populations.

Mame Aly KONTE


lire aussi sur www.sudonline.sn (24/09/2012) :
 MBOUR - Une agglomération au cÅ“ur de la tourmente, par Mame Aly KONTE
 JOAL, SANGOMAR, NIODIOR, MISSIRA…La tristesse des terres oubliées des îles, par Mame Aly KONTE





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