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Sept ans après la nouvelle constitution

Le premier ministre toujours sans pouvoir de nomination

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : samedi 21 juin 2008
Boycottées par le pouvoir, les assises nationales remettent au goût du jour une idée dont la Constitution de 2001 avait consacré l’existence : l’attribution du statut de l’opposition et, incidemment, celui de son chef. Même si, dans la pratique, son application peut rencontrer des difficultés, la définition d’un cadre global s’impose.

source WalFadjri
La Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du gouvernement le droit de s’opposer. La loi définit leur statut et fixe leurs droits et devoirs’, dispose l’article 58 du texte fondamental qui a été adopté par voie référendaire en 2001. Une disposition qui postule, au-delà des partis, la définition d’un statut pour le chef de l’opposition. Sept ans après cette adoption en grandes pompes et son énoncé comme étant une révolution en Afrique, le Sénégal est en train d’être doublé par des pays nouvellement entrés dans l’apprentissage de la démocratie, tels la Mauritanie. Parce que, si la Constitution en consacre l’existence, il n’y a pas eu, jusqu’à présent, de début d’application de cette disposition qui a besoin de loi pour sa mise en musique.

Eléction législative
Ainsi, l’idée aussi belle et aussi généreuse soit-elle, demeure encore dans le domaine des vœux pieux. Le propre d’une élection législative étant de dégager les forces et faiblesses des partis en présence, celle de 2001 n’a pas pu régler l’épineuse question de l’attribution du titre de chef de l’opposition. Celle de 2007, boycottée par la partie la plus significative de l’opposition, encore moins. Me Wade lui-même avait compliqué les choses en déclarant, après les législatives de 2001, dans une interview au quotidien national Le Soleil que ‘l’opposition au Sénégal, ce sont deux personnes : c’est Moustapha Niasse pour l’opposition parlementaire parce qu’il a le plus grand nombre de députés à l’Assemblée, et Tanor Dieng qui est le chef de l’opposition nationale parce qu’il a le plus grand nombre de suffrages’. Cette déclaration, le président de la République l’avait tenue au lendemain de l’appel à la constitution d’une majorité d’idées jetée, depuis, dans les poubelles de l’histoire.

Opposition
Aujourd’hui, à partir de quels critères peut-on, objectivement, déterminer celui qui a qualité à être chef de l’opposition ? Est-ce à partir des résultats de la dernière présidentielle ou sur la base des législatives boycottées par une bonne frange de l’opposition. La question est ouverte. Et seule une concertation entre acteurs de tout bord aurait été à même d’y apporter une réponse. La reprise du dialogue initiée par la Raddho ayant fait pshiiit, les assises véritablement nationales (majorité, opposition et société civile) auraient permis d’ouvrir les discussions. Elles auraient, au moins, permis de fixer le cadre général même si, dans la théorie constitutionnelle pure, la matérialisation peut rencontrer quelques problèmes en ce que l’idée est iconoclaste dans les catégories classiques des démocraties modernes. En effet, selon un spécialiste des questions constitutionnelles, ‘dans les pays comme la Grande-Bretagne ou le Canada où il y a une seule opposition, du fait du bipartisme, le chef de l’opposition se dégage naturellement’. Parce que, ‘là-bas, c’est clair : il s’agit d’un régime parlementaire’. Et d’ajouter que ‘dans une démocratie véritablement parlementaire, le chef de l’opposition est du parti qui a le plus de députés à l’Assemblée nationale’. Toutefois, en donnant corps à son idée, ‘c’est une greffe de ce régime (Ndlr, le régime parlementaire) que le président introduit dans notre système qui est un régime présidentialiste’ et ce sera ‘le premier système présidentialiste où on va introduire un chef de l’opposition’, selon notre interlocuteur.

Le Pr. El Hadj Mbodj, que nous avions interrogé au lendemain de l’interview de Wade au Soleil, ne disait pas autre chose. Pour lui, l’idée de consécration d’un chef de l’opposition ‘ne peut se concevoir que dans le cadre d’un régime parlementaire bipartite où il y a un parti qui exerce le pouvoir et un chef du parti d’opposition majoritaire à l’Assemblée qui est l’alter ego du Premier ministre’ d’autant plus que ‘le chef de l’opposition est d’abord et avant tout un député’. Alors, si le principe est appliqué chez nous, une foule de question se posent. Qu’adviendra-t-il du chef de l’opposition parlementaire si le secrétaire général de la deuxième formation parlementaire à l’Assemblée nationale démissionne comme ce fut le cas avec Me Wade qui avait démissionné de son siège. Dans ce cas, faudra-t-il lui créer un statut sur mesure en faisant abstraction des normes et règles de la République ou faudra-t-il se mouvoir dans un cadre républicain ?
En l’état actuel des choses, peut-on faire fi de l’opposition boycotteuse pour, à partir des suffrages obtenus lors des dernières législatives, choisir un chef de l’opposition parlementaire ?

Autant de questions sans réponse qui faisaient dire au Pr Mbodj que ‘le statut de l’opposition paraît suranné en l’état actuel du système politique sénégalais’. Pour lui, ‘le modèle proposé n’est pas techniquement fiable parce qu’il procède à une atomisation des rôles avec cette volonté de créer des seigneuries dans une opposition qui se veut de plus en plus unitaire’. Autant de questions qui reposent la pertinence d’une concertation sur le sujet. Que celle-ci prenne la forme des ‘assises nationales’ ou du dialogue politique républicain.

Statut de l’opposition, pouvoir de nomination du premier ministre… : Ces dispositions qui attendent application .Outre le statut du chef de l’opposition qui en est encore à sa profession de foi simplement constitutionnelle, celle visant à transférer au Premier ministre une partie du domaine réglementaire (signature de décrets) est encore du domaine du virtuel. Abordant la question de l’absence de lois organiques qui auraient pu mettre de l’ordre dans tout ce remue-ménage, le spécialiste des questions constitutionnelles pense qu’il y a là, manifestement, ‘une responsabilité de l’Etat du fait de l’inertie du pouvoir législatif sur lequel pèse une obligation d’agir, c’est-à-dire de voter une loi sans laquelle la disposition constitutionnelle n’est que chimère’.

Auteur : Ibrahima ANNE




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