le magazine du Sénégal dans le monde

Les Businesses d’Etat du chef de l’Etat : Le Sénégal, un holding pour Wade

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : dimanche 16 août 2009
« J’ai signé un contrat avec l’Etat, en tant qu’auteur. » Prise de participations à hauteur de 35% dans l’exploitation commerciale du « monument de la Renaissance africaine », le fils à la tête de la fondation familiale, un conseil d’administration pour fructifier le patrimoine du clan. Le chef de l’Etat sénégalais s’érige (enfin !) officiellement en Président businessman, sur les…mauvaises traces de Marc Ravolamanana, son homologue-poulain déchu de Madagascar. Imbu de ce qu’il croit représenter, Me Wade cultive le mépris devant les critiques.

source : www.lequotidien.sn - 14-08-2009

Comme un militaire, mais sans tenue, la voix du logiciel robot qu’il fait entendre à ceux qui le rappellent à la raison, n’arrête pas de débiter : « Circulez, y a rien à voir. » On aimerait juste savoir pourtant comment il compte rentabiliser le fameux triptyque des Mamelles.

On n’en finirait jamais de dresser des portraits négatifs du président de la République du Sénégal. Mérite-t-il des égards ? Sans doute, mais juste pour deux facteurs : sa fonction, son âge, encore que... Sinon, pour le reste, la République et ce qui en reste d’institutions et de résistants doivent faire face aux extravagances d’un homme qui n’a plus peur de rien. La dernière incartade du Président Abdoulaye Wade, s’attribuant 35% des retombées financières de son «  monument de la Renaissance africaine  », marque l’officialisation de la volonté de la famille présidentielle de se doter d’un empire financier à moindres frais en s’appuyant sur l’appareil d’Etat et ses instruments de patrimonialisation. Au-delà de cette honte suprême que Wade s’inflige à lui-même et qui fait rire dans les chancelleries des pays démocratiquement respectables, surgit la question du rapport pathologique que le chef de l’Etat entretient avec l’argent. Il en raffole, il en jouit presque sans limite. La preuve : ses voyages non stop autour de la planète. Les conséquences : il est devenu à la fois un pilleur légal des fonds publics et un pollueur actif de l’environnement eu égard aux gaz nocifs que « ses » avions déversent dans la nature.

Etalon Argent

Retenons bien ceci : avec la patrimonialisation du monument de la Renaissance africaine, c’est la première fois depuis l’an 2000 que le président de la République assume ouvertement être actionnaire d’un ouvrage réalisé à partir du pillage des biens immobiliers de la Nation sénégalaise. C’est que Wade est dans une logique de course contre la montre qui le fait se détourner des principes élémentaires devant présider aux actes d’un président de la République. Finies les précautions d’usage et de langage, il n’a peur de rien, il se sent fort et impérial. En avant pour les diatribes.
En attendant la prochaine étape de cette aventure burlesque avec le triptyque des Mamelles, Wade serait bien inspiré de dire – publiquement aussi – comment cet ouvrage décrié qui n’est ni la Statue de la Liberté, ni la Tour Eiffel avec ses ascenseurs, ses bars-restaurants, ses espaces commerciaux, etc., peut rapporter de l’argent et lui permettre de « rentrer dans ses fonds ». Pour cela, on peut lui faire confiance car, en dix ans de magistrature, il a appris à connaître les arcanes des Palais asiatiques où s’acquièrent à titre gracieux espèces sonnantes et trébuchantes, dons divers et cadeaux de luxe.
Le wadisme, ne l’oublions jamais, est un système qui fonctionne avec l’étalon argent. L’épisode ténébreux des sept milliards de francs Cfa dont Me Wade a dit que ce sont « des amis » qui les lui avaient « offerts » ont mystérieusement disparu au détour d’une « répartition » entre ministères à vocation sociale, sous l’égide de l’ancien Premier ministre…Macky Sall.
Question d’argent, il faut voir à quelle grosse ponte de la République appartient le siège du Parti démocratique sénégalais dont l’espace de construction a été extorqué à un honnête citoyen commerçant. Question d’argent, il faut voir ce que seraient les participations de la famille Wade dans le tissu industriel national bradé, réorienté ou déstructuré à des fins d’enrichissement et/ou d’accaparement. Et en même temps, entrevoir ce qu’est susceptible d’être leur patrimoine immobilier d’ici et d’ailleurs.
Question d’argent, il faut voir ce qu’ont pu rapporter les grandes pérégrinations du président de la République et de son fils sans que l’on sache toujours la nature exacte de ces déplacements : voyages d’affaires, visites officielles ou d’Etat, tourisme d’Etat ( ?), etc. Question d’argent encore et toujours, il faut voir comment, neuf ans en arrière, Me Wade profita de la décrépitude de la Sotrac pour mettre en service de manière rocambolesque une société, Dakar Dem Dikk, aux bizarreries assimilables au mystère qu’est Wade lui-même. Qui s’est jamais intéressé aux fruits de ces va-et-vient organisés autour des deniers d’Etat et du Sceau de la République ? Question d’argent, il faut voir ce que sont devenues les centaines de voitures haut de gamme offertes au Sénégal par la Chine et l’Iran, particulièrement avant et après la tenue du XIe Sommet de la Conférence islamique à Dakar en mars 2008. Question d’argent, il faut voir par quelle entourloupe Wade et les siens ont offert à l’homme d’affaires franco-sénégalais Abass Jaber les usines et le patrimoine de la Suneor (ex Sonacos) pour environ cinq milliards de francs Cfa ; une transaction qui, en l’espèce, équivaut objectivement à sacrifier une icône du tissu industriel national. Question d’argent, il faut voir pour quel business, derrière le tintamarre sur les investissements publics réalisés à Kédougou et environs, les termes officiels du protocole financier qui lie l’Etat wadien à la société Lmd qui exploite l’or de Sabodola n’ont jamais été rendus publics. Que cachent ces documents dont l’opacité trahit la volonté de transparence affichée par le président de la République ? Question d’argent, on n’en finirait pas !

Obama, au secours !

Il faut l’admettre de manière définitive, nous sommes en retard sur la gestion du danger Wade : le Président des Sénégalais a dépassé l’étape de conception intellectuelle et morale d’une confusion de fait entre sa personne d’une part, l’Etat et les institutions d’autre part. Aujourd’hui, il en est au stade de mise en application de ce qu’il croit représenter : un dieu sans Qui (englobant sa famille et son clan), les pauvres gens que nous sommes, seraient fatalement perdus dans ce monde. Wade est peut-être, dans une autre acception, le genre d’« hommes forts » dont Barack Obama appelait à se méfier lors de son discours d’Accra. Aziz Tall a eu bien raison de rappeler récemment cette partie du message du Président américain dans la capitale ghanéenne : « Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la loi du plus fort et à la corruption. Ce n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie, même si de temps en temps on y sème une élection ça et là, et il est temps que ce style de gouvernement disparaisse. » Au secours, Obama, sommes-nous tentés de crier, car Wade règne sur un pays en ruines [1] frappé par la pauvreté galopante, la mendicité infernale, la violence systémique, la corruption à grande échelle, les prévarications organisées, les impunités remarquables, mais il n’en a cure car la « vision » égotique qu’il a de ses fonctions est primordiale sur tout le reste.
Sur le sujet du monument de la Renaissance, le hold-up est patent, en dépit des arguties juridiques développées par des thuriféraires sans foi ni loi juste désireux de donner des gages de fidélité au suzerain de la République. Mais le pire est devant nous, si le temps lui laisse les coudées franches. En attendant, les escadrons du foncier, peu échaudés par le désaveu que la Cour Suprême vient d’infliger à ses bras armés judiciaires, continueront à dépecer ce pays jusqu’à la moelle. Normal, car nous sommes désormais tous engagés dans la galère d’un Titanic, un navire dont le capitaine est, malheureusement, un avocat.
Politiquement inadmissible, le rapport personnel que le chef de l’Etat vient d’établir avec une infrastructure qui ne fait avancer en rien la cause du Sénégal et de l’Afrique est l’image aboutie d’un président qui fait exploser, depuis dix ans, les codes éthiques et moraux afin de mettre la main, pour lui, sa famille et son clan, sur les biens « bien acquis » de la collectivité nationale.

Momar DIENG
momar@lequotidien.sn


lire aussi (15 Avr 2008) : Monument de la renaissance - Octroi de terres a une société Nord-coreenne : Wade fait un troc à 11 milliard , par Mohamed GUEYE

sur www.lagazette.sn (14 juillet 2009 ) : Un bien personnel du Président , par Cheikh Fadel BARRO

sur www.xibar.net (21 Août 2009 ) : OPINION : La renaissance africaine, c’est autre chose que construire un monument , par Pap Djéhuty Touré

et sur www.bonjourlafrique.com (9 Août 2009 ) : Sortilèges d’un monument : Wade, Kim Il Sung et la Renaissance Africaine... , par bocarni.blogs.nouvelobs.com


Notes :

[1] «  Le maître des ruines  » est le titre d’un article du journal Le Monde (édition du 20 décembre 2008) consacré aux « extravagances » du maire de Salemi, petite commune de Sicile située non loin de Palerme et peuplée d’environ dix mille habitants. Décrit comme « historien d’art, homme de télévision et politique », Vittorio Sgarbi est soupçonné d’être un membre de la mafia. Il a une caractéristique principale : toutes ses « initiatives intriguent ».




Lettre d'info

Recevez 2 fois par mois
dans votre boîte email les
nouveautés de SENEMAG




© 2008 Sénémag      Haut de page     Accueil du site    Plan du site    admin    Site réalisé avec SPIP      contact      version texte       syndiquer