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Les négociations UE-ACP vivement remises en cause - Rapport

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 11 juillet 2008
ACP   APE   OMC   Taubira (Christiane)   UE  
L’approche adoptée par l’Union européenne (UE) dans le cadre des négociations commerciales en vue des Accords de partenariat économique avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique est vivement remise en cause dans un rapport de la députée française Christiane Taubira, alors que la France assume pour six mois la présidence tournante de l’UE.

BRUXELLES, 8 juil (IPS) - La députée de Guyane, Christiane Taubira, avait été chargée en avril dernier par le président français Nicolas Sarkozy d’une mission d’étude destinée à définir la position française dans le cadre des négociations de libre-échange menées depuis plus de cinq ans entre la Commission européenne et les pays du groupe Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP).

Remis en toute discrétion à la mi-juin au gouvernement français, ce rapport de 191 pages n’a pas encore fait l’objet d’une publication officielle. Il contient en effet de vives critiques au sujet des efforts entrepris par la Commission européenne pour convaincre ces pays de signer des accords de libre-échange, qui les obligent à renoncer aux taxes douanières à l’importation sur les produits en provenance d’Europe, pour se conformer aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Dans ce document, Taubira propose notamment de redéfinir intégralement le mandat confié à la Commission européenne dans le cadre de ces négociations commerciales, que Bruxelles mène au nom des 27 Etats membres, et de repenser complètement la base qui sous-tend ces pourparlers, en y favorisant davantage le développement économique et social des pays concernés.

La députée française souligne également que les recettes fiscales douanières représentent parfois près de 40 pour cent des ressources budgétaires des pays ACP, et que ces Accords de partenariat économique (APE) pourraient fragiliser encore plus leurs institutions nationales.

"La Commission européenne estime que ces APE permettront à l’Afrique d’accroître le volume de ses exportations vers l’Europe, mais pour les agriculteurs et les compagnies qui souhaitent faire du commerce avec l’UE, les standards en matière de sécurité alimentaire appliqués au sein de l’union constituent davantage un obstacle que les tarifs douaniers", explique-t-elle. Pour Taubira, ces APE risquent en outre d’altérer considérablement les relations politiques entre les pays européens et leurs anciennes colonies.

Les accords de Cotonou, signés en 2000, marquaient un tournant en matière de partenariat entre l’UE et les pays ACP, et prévoyaient d’aider ces Etats à enrayer la pauvreté. Or, pour la députée, "Il convient donc à présent, à l’échelon politique, de dire clairement si les APE s’inscrivent dans l’Accord de Cotonou, si l’Accord de Cotonou reste l’engagement réciproque de l’Union européenne et des pays ACP, ou s’il s’agit d’abandonner le développement comme un dangereux mirage et d’inviter les pays ACP à se jeter dans la grande kermesse du libre commerce", précise-t-elle.

Un pavé dans la marre

Le rapport de Taubira embarrasse quelque peu l’Union européenne et l’Elysée à l’heure où la France vient de prendre, au 1er juillet et pour six mois, les rênes de la présidence tournante de l’UE. Toutefois, ce document reflète des préoccupations défendues depuis plusieurs mois par des diplomates français en poste à Bruxelles.

"Il ne serait pas approprié de commenter un rapport commandé par la France et dont la version finale ne nous a pas encore été transmise officiellement", a récemment indiqué à Bruxelles Peter Power, le porte-parole de Peter Mandelson, le commissaire européen en charge du commerce. "Nous entretenons un dialogue franc avec la présidence française au sujet des APE et nous discuterons de toute recommandation qu’elle pourra nous soumettre", a souligné le porte-parole.

Trente-cinq pays de la zone ACP ont conclu un nouvel Accord de partenariat économique avec l’UE avant le 31 décembre 2007, date butoir qui avait été fixée par la Commission européenne. La plupart ne sont cependant que des accords dits "intérimaires", qui ne concernent uniquement que le commerce de biens et de marchandises. Mais les négociations se poursuivent et la commission espère bien finaliser ces pourparlers d’ici à la fin de l’année 2009. D’autres secteurs de l’économie doivent encore être visés par des APE, comme les investissements, la concurrence ou les marchés publics.

De leur côté, les ONG de développement ou de lutte contre la pauvreté ont dores et déjà salué les recommandations du rapport Taubira, diffusées dans un communiqué de la députée française. "La Commission européenne a usé de pressions immodérées dans le cadre de ces négociations, en menaçant notamment de réduire son aide aux pays ACP ou d’augmenter ses taxes à l’importation de denrées s’ils ne signaient pas", souligne Jean-Denis Crola, responsable de campagne pour l’ONG Oxfam à Paris.

"Personne, du paysan à l’entrepreneur, n’ignore les conséquences qu’auront ces accords en termes de survie de leur économie, de pauvreté et de lutte contre la faim. Personne non plus n’ignore les tactiques, les pressions, l’attitude paternaliste et les menaces employées par la commission pour imposer son point de vue et ses propres intérêts", a-t-il ajouté. (FIN/2008)

David Cronin - IPS
lire l’article sur le site d’IPS

lire le rapport Taubira sur son site officiel

lire aussi (20-08-2008) :Le contenu des APE reste préoccupant par Caroline D. Mège, responsable de plaidoyer à Oxfam France sur le site www.linternationalmagazine.com




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