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Trafic négrier transatlantique

Les captifs débarqués dans les ports de la péninsule ibérique, des Amériques et des Caraïbes étaient majoritairement Bantu

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : mercredi 9 juin 2010
C’est la prévisible conclusion à laquelle l’on arrive après la lecture du symptomatique ouvrage de l’historien péruvien, Germàn Peralta Rivera, « El comercio negrero el América Latina (1595-1640), livre qui vient d’être publié à Lima aux éditions de l’Université Nationale FedericoVillareal.

S’étalant sur 472 pages, sous une illustration issue du montage d’une gravure de Gregorio Lopes, représentant un navire portugais du XVIème siècle et d’une estampe du XVIIème siècle, restituant une caravane d’esclaves africains, le livre s’articule en trois parties qui analysent, respectivement, les conditions des débuts de la traite, ses mécanismes de déploiement, ses aspects quantitatifs et ceux liés a ses effets économiques dans la Péninsule et dans les colonies de l’outre-Atlantique espagnole.

Cette configuration se subdivise en une dizaine de chapitres ou l’on note le passage, dans le Nouveau Monde, de l’infatigable voyageur portugais Duarte Lopes, co-auteur de la fameuse «  Relatione de Reame di Congo…  », publiée a Rome en 1591 et les premières licences délivrées aux négociants ibériques, le « cycle portugais », en réalité, « luso-castillan », période de traitement chronologique de l’ouvrage, correspondant, pratiquement, au contrôle du Royaume du Portugal, entre 1580 et 1640, par l’Espagne.

L’auteur, qui a travaillé, entre autres archives, dans celles relatives aux Indes, à Séville et à Torre do Tombo, à Lisbonne, y examine, avec force de détails, l’évolution du régime des asientos (contrats), l’activisme des ports, leurs types d’opérations, les principaux itinéraires empruntés par les bateaux negriers ainsi que les différentes modalités de fraude technique et commerciale, pratiquées.

Le patient travail effectué dans les diverses archives et bibliothèques de ces deux pays, vieilles puissances maritimes, a permis a Peralta Rivera, de joindre en annexe, de son étude, près d’une quarantaine de tableaux restituant des données contenues dans les registres tenues par la célèbre Casa de Contratacion de Séville, entre 1595 et 1639. Ces documents renseignent, sur autres entre points, les destinations africaines, puis outre-Atlantique, des navires et le nombre des bois d’ébène que ceux-ci débarquèrent.

Le mémorialiste, qui est aussi enseignant à l’Université de Garcilaso de la Vega , a Lima, explique que l’un des arguments de sollicitation des premiers agréments de trafic negrier était l’existence de divers points d’attache d’influence portugaise sur la cote occidentale de l’Afrique, tels que Sao Tomé, le Congo et l’Angola.

Découvert inhabité et, chroniquement, sous-peuplé, l’archipel golfe-guinéen servira, en réalité, de plateforme de transit de captifs bantu venus des « Tierras Firmes », telles que, pour l’essentiel, les possessions de la Reine et des Rois Nzinga.

Interconnexion régionale

Naturellement, des autorisations seront accordées a des négociants lisboètes, parmi lesquelles, celles, bien intitulées, « Contrato de la Isla de Santo Thomé » et « El contrato del Reyno de Angola ».

Et, l’un des argumentistes pour un engagement commercial dans cette région est le susmentionné Duarte Lopes, bon connaisseur du septentrion angolais.

La fondation, en 1575, sur des raisons prioritairement mercantilistes et esclavagistes, de la Colonie d’Angola, la plus grande possession continentale portugaise sur la cote occidentale de l’Afrique, fera, invariablement, de cette région, le plus gros pourvoyeur de bois d’ébène dans l’espace atlantique.

Conséquence, l’on enregistrera, inévitablement, des cargaisons de pièces d’Inde, majoritairement bantu, déchargés à Lisbonne, San Lucar, Séville, aux Canaries et Cadiz, dans le bloc ibérique.

Les inventaires feront le même constat à Espanola, San Juan de Porto Rico, Santiago de Cuba et à la Jamaïque , dans les iles caribéennes.

Cette configuration sera également notée dans le bloc continental, notamment, a Veracruz, Carthagène des Indes, Maracaibo, Coro, Santa Maria, Rio de la Hacha , La Margarita , Cumama Benecuelas, Buenos Aires et Montevideo.

Tenant compte des délais de voyage, relativement, moins longs, entre l’Afrique centrale et l’embouchure de la Rio de la Plata et le caractère stratégique de ce couloir dans l’introduction de la main d’œuvre malimbe, congo, ngola, mundongo, matamba, imbangala e benguela en Amérique du sud, le port de Buenos Aires sera intensément exploite.

En effet, le débarcadère bonaerense, grouillant de trafiquants portugais est le point de départ d’une interconnexion régionale, terrestre, menant la main d’œuvre captive vers la cote Pacifique ou les centres miniers de l’intérieur tels que ceux de Potosi, l’une des régions les plus riches de l’Empire espagnol.

Itinéraire fort lucratif, Peralta reprend les affirmations de Canabrava Alice qui attestent que les « navios saian de Buenos Aires rumbo a Angola » sans même respecter les consignes royales.

L’on notera qu’un autre fait, de nature politique, a encouragé cette prédominance « angola », est l’engagement personnel de plusieurs Gouverneurs, installés à Sao Paulo de Loanda, dans le trafic des esclaves. Ce fut les cas, durant neuf ans, de Joao Rodrigues Coutinho ou de Duarte Dias Henrique « Administrador de Angola ».

Les autorités sévillanes arrivèrent à évoquer, clairement, la « comodidad de Angola » dans l’organisation du commerce triangulaire en souhaitant, fébrilement, « extender las actividades a Angola ».

De l’Angola à Potosi

Et, afin de soutenir son point de vue sur l’importance du territoire occupé de Ndongo dans le ravitaillement en main d’œuvre esclave dans le Nouveau Monde, l’auteur utilise la symptomatique étude de Carlos Sempat Assadourian « El trafico de esclavos en Cordoba ; de Angola a Potosi ».

Les archives ibériques ont aussi permis au chercheur de Lima, de rétablir les nombreuses liaisons qui se faisaient entre la Colonie du Minotaure et des dizaines de ports du continent américain et de l’ensemble insulaire caribéen tels que La Havane et San Juan Ulloa.

Collant à cette réalité, l’historien péruvien a inséré dans son ouvrage des gravures extraites de la relation de Cavazzi sur la Reine Nzinga et des portraits de femmes esclaves congo et benguela de l’artiste allemand Rugendas ou celui d’une negresse « angolena ».

Sur la base d’une quinzaine de témoignages et statistiques, l’ancien Directeur de l’Institut National de la Culture du Pérou, insiste sur l’intensité du trafic des esclaves sur les cotes de l’Angola, en produisant des affirmations telles que « Angola fue la gran factoria que aprovisiono al comercio esclavista »ou « la region de Angola monopolizo la distribucion de africanos ».

Il fournit divers chiffres de débarquement, tels que ceux portant sur Carthagène des Indes et Veracruz, deux des plus importants ports de l’Amérique espagnole, ou près de 60% d’africains arrives en ces lieux provenait du Quadrilatère.

L’on soulignera, en définitive, que l’ouvrage « El comercio negrero en America Latina » établit sa grande utilité dans l’ancrage de son sujet, une meilleure connaissance des origines des centaines de milliers de captifs mélano-africains, installes dans la Péninsule Ibérique et le Nouveau Monde.

Cette avancée est importante car elle contribuera, au-delà d’une histoire pesante, à l’établissement de liens de civilisation entre les peuples de l’Atlantique ; dans la saine dynamique que l’UNESCO vient de suggérer a l’ humanité, celle du rapprochement des cultures du monde.

Simao SOUINDOULA
Vice-président Comite Scientifique International
Projet UNESCO ` La Route de l`Esclave`
C.P. 2313
Luanda – Angola




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