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Se servir du papier pour éradiquer le péril plastique

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 25 juin 2010
DAKAR, 22 juin 2010 (IPS) - Des artisans spécialisés d’une association pour la promotion des handicapés de Ouakam, un quartier de Dakar, la capitale sénégalaise, fabriquent des objets en papier et en kraft pour gagner leur vie et lutter contre la pollution de l’environnement par le plastique.
Les quelque 40 membres de cette association créée en 2000, fabriquent à la main des emballages, des chemises pour dossiers, des cadres pour contenir des photos, des carnets de notes, des chéquiers, ainsi que des sacs et des poupées, tous ces objets étant faits de papier ou de kraft.

"Nous voulons emmener les Sénégalais à utiliser le plastique de moins en moins. Le plastique est présent un peu partout et pollue notre environnement. Le carton, en revanche, se dégrade très vite et est donc sans danger pour l’environnement", a déclaré à IPS, Maguette Ndiaye qui dirige l’association.

Ndiaye et deux autres membres de l’association ont été formés, en 2000 à Malte, à la fabrication de ces objets en papier ou en kraft, grâce à l’aide de militaires français basés à Dakar, s’étaient préoccupés de leur condition sociale. Les trois handicapés avaient été emmenés là-bas en 2000 par des militaires des Forces françaises du Cap-Vert (FFCV) en mission à la Base aérienne de Ouakam. Le voyage et la formation ont été assurés par les FFCV.

"Ces objets sont impeccables, ils sont de bonne qualité. Au Sénégal, il faut utiliser des emballages en carton, l’environnement ne s’en portera que mieux", a confié à IPS, Tendeng Niang, gérante d’une boutique de mode qui fait fabriquer ses emballages par cette association. Elle dit avoir commandé 400 sacs dont 200 achetés à 250 francs CFA (0,5 dollar) et 200 autres payés à 200 FCFA (0,4 dollar) en février dernier. Puis, en juin, 400 autres achetés respectivement aux mêmes prix.

"Ce sont de très beaux sacs, qui peuvent servir à emballer des cadeaux. Dans les magasins, on utilise de plus en plus ces emballages. Nous les plaçons dans nos points de vente. Avec ces emballages, je pense que la nature sera de moins en moins polluée", a affirmé, sous couvert de l’anonymat, une vendeuse de cigares d’origine cubaine établie à Dakar.

Ces objets peuvent aussi être imprimés et décorés avec des dessins et porter en effigie les contacts et adresse des clients : nom, téléphone, rue...

"Le carton et le kraft peuvent régler une bonne partie de la pollution environnementale. Ils constituent une véritable alternative à la pollution", estime Massamba Ndour, chef de la division pollution et nuisance au ministère sénégalais de l’Environnement. "Notre objectif est de réduire le mieux possible l’usage du sachet en plastique. Nous sommes en train d’étudier l’impact de l’utilisation du sachet en plastique. Noue ne pouvons pas l’interdire au Sénégal".

Le papier peut réduire le péril plastique si l’Etat sénégalais fait preuve d’une "volonté politique manifeste en créant de petites unités de fabrication d’emballages en carton à Dakar et dans les autres régions", affirme Ibrahima Faye, président du consortium " Agir maintenant ", une organisation écologiste basée à Diourbel, dans le centre du Sénégal.

"Le ministère de l’Environnement va réglementer la fabrication et l’usage des sachets en plastique. En attendant, il faudrait accompagner les associations et les collectivités locales qui luttent contre cette forme de pollution", déclare Ndour.

Pour Mame Aly Konté, journaliste scientifique, "l’emballage qui fait le plus de mal à l’environnement dans un pays comme le Sénégal, c’est le plastique noir, servi par toutes les boutiques et dans tous les marchés sénégalais".

De cette pollution, "l’Etat du Sénégal est le premier responsable et il doit manifester une forte volonté politique, avec des actes concrets, sous forme de lois et autres mesures d’accompagnement des actions contre l’effet du plastique", souligne Faye. Mais les populations, qui en seront les bénéficiaires, doivent aussi collaborer avec l’Etat, ajoute-t-il, indiquant que les chambres de commerce ont également leur rôle à jouer.

Konté suggère de contrôler la distribution du plastique et d’en maîtriser le circuit, afin de le récupérer. "Les solutions ne doivent pas seulement être attendues du gouvernement, mais surtout des collectivités locales qui devraient travailler avec les ONG et les associations des quartiers qui ont une expérience sur le recyclage des déchets solides", préconise-t-il.

Selon lui, le combat mené par les handicapés de Ouakam contre ce péril, est "la parfaite illustration" qu’en poussant l’imagination, on pourrait trouver des solutions, comme le traitement des déchets plastiques.

"Ce sont les villes qui sont surtout victimes de ce péril. Elles concentrent le plus grand nombre d’usagers du plastique", a indiqué à IPS, Cheikh Diop, un enseignant et chercheur de l’Institut des sciences de l’environnement de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ce péril, dit-il, est d’autant plus inquiétant que "le plastique est incontournable au Sénégal", où il entre même dans la fabrication de produits cosmétiques, des chaussures, de la peinture, des moquettes...

Par ailleurs, souligne Konté, "le plastique tue nombre d’animaux domestiques en errance comme le mouton, la chèvre et la vache qui n’hésitent pas à l’avaler sans jamais pouvoir le ressortir de leur ventre, ni le digérer".

"On n’a pas encore fait d’étude au Sénégal pour situer l’impact du plastique sur la pollution de l’environnement. Le plastique a tendance à boucher le sol et empêche ainsi la pénétration de l’eau de pluie. Sa biodégradation se fait de manière très, très lente", explique Diop. Mais, il ajoute : "Le carton peut bien remplacer le plastique au Sénégal, comme c’est le cas au Rwanda".

"Le péril plastique est très manifeste à Joal-Fadiouth, (ouest du Sénégal) par exemple, où il n’y a pas de dépotoir. Là-bas, on dégrade la mangrove en y jetant des objets en plastique. C’est un sérieux problème", a indiqué Emmanuel Seck, coordonnateur de projets à l’ONG Enda Tiers-monde, basée à Dakar. Il suggère, pour éradiquer ce péril, de faire appel à la responsabilité sociale des entreprises qui devraient inclure la protection de l’environnement dans leurs activités.

Souleymane Faye




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