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Selon Mamadou Lamine Diallo, président du Mouvement ‘Tekki’ : 60% de chefs de familles sénégalais sont pauvres

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : jeudi 21 octobre 2010
Le président du Mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo, a fait face samedi après-midi aux Sénégalais de France. Au cœur de sa conférence organisée dans le 11e arrondissement de Paris, il y a la transition politique sur laquelle débat, depuis quelques mois, la coalition Bennoo Siggil Senegaal à laquelle il appartient. Pour lui, la transition doit vérifier la qualité des hommes qui doit la porter et ce sera aussi l’occasion de renouveler non seulement la classe politique, mais aussi la république en elle-même. Naturellement, Mamadou Lamine Diallo n’a pas raté le régime libéral qu’il accuse d’avoir enfoncé les Sénégalais dans la pauvreté.

source : www.walf.sn - 19 octobre 2010

60 % des 1 million 300 mille chefs de familles au Sénégal sont dans une pauvreté absolue’

‘Il me paraît important de parler de la transition politique parce que la question qui se pose aujourd’hui au Sénégal, ce n’est pas de remplacer Pierre par Paul. Tout au contraire, la question qui se pose est bel et bien de refonder notre République. Je vais essayer, en quarante minutes, d’en faire la démonstration. Et pour cela, je vais essayer d’arriver avec vous à la conclusion que le Sénégal est à la croisée des chemins. Cela pour trois grandes raisons principales. A l’an 2000, beaucoup de Sénégalais, de jeunes surtout, se sont engagés à voter, à soutenir, à s’assurer de la transparence des élections pour le candidat Abdoulaye Wade. Il a évidemment gagné les élections confortablement et, par la suite, a fait adopter une nouvelle Constitution au Sénégal en 2001.

‘A notre avis, Abdoulaye Wade avait trois ou quatre missions fondamentales : la première, c’était de renforcer les institutions au Sénégal, de les crédibiliser et de les légitimer. Deuxièmement, il avait promis la paix en Casamance en cent jours. Enfin, il avait promis des emplois aux jeunes garçons et, certainement des maris aux jeunes filles et sans doute pour assurer l’autonomisation des femmes, des emplois également aux jeunes filles. Au passage, la question de l’électricité devait être résolue.

‘Qu’en est-il dix ans après ? Au Sénégal, vous le savez, nous avons 1 million 300 mille chefs de famille. Sur ce million trois cent mille, 60 % sont dans la pauvreté absolue. La pauvreté absolue, ce serait l’équivalent de cinq mille francs Cfa par jour pour une famille de dix personnes. Voilà les résultats de dix ans de politique économique d’Abdoulaye Wade (…)

‘Naturellement, parmi les riches, il y a une centaine de milliardaires que Abdoulaye Wade a créés selon les experts du Mouvement Tekki depuis l’alternance. Vous devez savoir qu’un milliardaire correspond à mille familles qui vont tomber dans la pauvreté. C’est la raison pour laquelle nous disons que chaque jour, Abdoulaye Wade crée des grappes de pauvreté dans lesquelles il met les populations sénégalaises, en particulier les femmes, parce que 20 % des ménages et des familles sont dirigés aujourd’hui par des femmes au Sénégal. (…).

‘Quand un roi veut passer la main, il pense à un de ses fils’

‘La Constitution de 2001 a consacré un président-roi au Sénégal. Et petit à petit, ceux qui avaient soutenu ce projet d’Abdoulaye Wade en 2001, se sont rendu compte qu’il se comportait comme un roi et qu’il faisait ce qu’il voulait du Sénégal. Evidemment, quand un roi veut passer la main, il pense toujours à son fils aîné ou, en tout cas, à un de ses fils. On s’est rendu compte qu’avec cette constitution, plus cette Assemblée nationale que Wade contrôle, il est possible, légalement, en utilisant les instruments juridiques, de faire de son fils, le prochain président de la République du Sénégal, le prochain président-roi. Il est important que nous prenions toute la mesure de l’importance de cette affaire.

‘En tout cas, nous, au Mouvement Tekki, c’est la prise de conscience de cet événement qui nous a poussé à rentrer dans la vie politique et à dire qu’il est de notre devoir de prendre notre responsabilité. Parce que le Sénégal ne peut pas être un royaume. N’importe qui d’entre nous ici, peut exhiber un de ses ancêtres qui a été roi ou reine quelque part. Si nous rentrons dans ce jeu-là, on ne va pas s’en sortir. Ce sera la guerre civile. (…)

‘Il y a un déficit de patriotisme dans la classe politique sénégalaise’

‘(…) Il y a un déficit de patriotisme dans la classe politique au Sénégal. (…). J’ai dit récemment sur Rfm que celui qui n’est pas d’accord avec les conclusions des Assises nationales, il n’a qu’à quitter Bennoo Siggil Senegaal. Il ne peut pas y avoir de compromis sur ce point. On ne peut pas discuter de la candidature aux élections présidentielles, de savoir qui sera le porte drapeau de cette charte de gouvernance démocratique, si nous ne vérifions pas, encore une fois, si nous sommes bel et bien d’accord sur cette charte. Ça doit prendre un certain temps puisque c’est des procédures de vérification. Mais nous avons besoin de cela pour pouvoir avancer.

‘Ce que doit être le rôle de la transition’

‘Pour notre parti, la période de transition, ce n’est pas un délai entre cette constitution de 2001 de type monarchique d’Abdoulaye Wade et l’adoption d’une nouvelle constitution. Le projet de constitution de Bennoo a été présenté hier. Il y a un autre projet de constitution prévu par les Assises nationales. Tout cela doit converger vers un seul projet de constitution. La transition, ce n’est pas une période, mais un projet citoyen pour le Sénégal. C’est un nouveau régime politique qui va nous faire passer d’un Etat qui consacre le président-roi que j’appelle le présidentialisme obscur à un autre Etat, celui d’une république citoyenne. C’est un nouveau régime politique qui doit mettre fin au président-roi. On élit un président pour mettre entre ses mains toutes les ressources qu’il distribue à ses copains, à sa famille, à sa clientèle politique. On ne veut plus de cela. ( …).

‘Il faut changer le mode de gestion du Sénégal. C’est pourquoi nous avons besoin de la transition qui prépare l’arrivée de ce nouveau mode de gestion. Cela passe évidemment par l’adoption d’une nouvelle constitution. Ça passe par la mise en place de nouvelles institutions. Cela passe aussi par l’adoption de nouvelles politiques publiques, de nouveaux comportements des acteurs politiques et par une nouvelle éducation des jeunes, des femmes. Cette transition doit prendre en charge un certain nombre de phénomènes importants. Le premier phénomène, c’est le patriotisme économique. Il nous faut donner un contenu au patriotisme économique. (…). Est-ce qu’on doit donner nos terres de Mbane aux étrangers sous prétexte qu’ils apportent de l’investissement ? Est-ce qu’on doit brader nos sociétés nationales ? Est-ce qu’on doit brader nos fréquences ? Sous quelles formes, on va faire des concessions minières. Mais plus fondamentalement, quelle est la place des entrepreneurs sénégalais dans les marchés publics ?

‘La transition doit prendre en charge les régions. J’avais soutenu qu’on avait besoin des pôles régionaux de développement. Je ne peux pas imaginer la région de Dakar avec 5 millions d’habitants. Et c’est possible avec la trajectoire que prend notre pays. Il n’y a, de toute façon, plus de terre. Abdoulaye Wade les a distribuées à ses amis, à sa clientèle politique. Mais avec quelle électricité, avec quel assainissement ? (…). Nous avons dit qu’il est important d’équilibrer l’aménagement du territoire. Et la transition doit mettre en place des outils pour prendre en charge cela.

‘La transition doit préparer la révolution diplomatique. Cette idée est prégnante au niveau des Sénégalais y compris au niveau des acteurs politiques. La conséquence de cela, c’est une diplomatie qui privilégie New York, la France, le Royaume Uni, les Etats-Unis, Tokyo. Je ne dis pas que l’aide publique ne doit pas être sollicitée. Nous disons qu’elle ne doit être qu’un appoint aux investissements, aux efforts nationaux pour développer le pays. Raison pour laquelle, nous avons dit qu’il faut une révolution diplomatique qui met l’accent sur les voisins. (…). Partout, et vous pouvez l’observer, on se développe avec ses voisins. (…).

‘Il faut renouveler la classe politique sénégalaise ’

‘Dans le fond, il faut qu’on en arrive au renouvellement de la classe politique au Sénégal. Les enjeux sont considérables (…) Nous n’avons pas le droit à la médiocrité. Il nous faut élever le débat politique. Renouveler la classe politique, c’est avoir des Sénégalais et des Sénégalaises qui aiment le Sénégal. J’ai posé sur la table, il y a quelques jours, la question de la vérification de la nationalité de ceux qui étaient candidats aux élections présidentielles de 2007. Ce n’est pas moi qui ai écrit dans la constitution, à l’article 30, que, pour être président de la République, il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise. Que le Conseil constitutionnel me dise comment il a fait pour vérifier que les 15 candidats en 2007 étaient exclusivement de nationalité sénégalaise. ( …). Il faut que le Conseil constitutionnel nous dise les dispositions qu’il prend pour les prochaines élections présidentielles. Sauf si, d’ici-là, Abdoulaye Wade manipule une 20e fois la constitution pour enlever le mot ‘exclusivement’.

‘Il nous faut avoir une classe politique qui aime le Sénégal. (…). Ceux qui n’aiment pas le Sénégal, peuvent le vendre à n’importe qui. Ils peuvent le vendre aux Chinois, à Global Voice…. Nous devons avoir des acteurs politiques qui ont une vision. Il faut qu’ils nous disent comment ils voient le Sénégal dans 10-25 ans. Mais pas des gens qui pensent qu’arriver au pouvoir, c’est pour partager un butin, pour être milliardaires, pour, disent-ils, mettre ‘mes enfants, mes arrières petits-enfants à l’abri du besoin’. Mais ils se trompent car leurs enfants, dans l’oisiveté, feront n’importe quoi. Nous avons besoin d’acteurs politiques qui ont confiance en eux-mêmes.

‘Donc la transition a pour but également d’assurer le renouvellement de la classe politique pour que des femmes et des hommes qui aiment leur pays, qui ont une vision pour le Sénégal, qui aiment le Sénégal et qui ont confiance en eux-mêmes, qui ont confiance au peuple sénégalais et aux populations africaines, soient au pouvoir pour conduire des politiques publiques en vue d’éradiquer la misère et la pauvreté (…).

‘Bennoo Siggil Senegaal n’a pas pu créer un rapport de force contre Wade’

‘Nous sommes en face de nous un régime rentier. Ils disent que leurs partis politiques, c’est une entreprise politique. Ils disent eux-mêmes qu’ils sont actionnaires d’un parti politique. Actionnaire d’un parti politique, vous vous rendez compte, dont j’attends les dividendes. Voilà ce que nous avons au Sénégal. On ne peut pas attendre grand-chose de ceux-là qui estiment que le pouvoir, c’est un butin.

‘Il faut dire que nous n’arrivons pas à créer un rapport de force contre Abdoulaye Wade sur le terrain. C’est vrai que Bennoo Siggil Senegaal n’arrive pas à le faire. J’en parlais hier (vendredi 15 octobre, Ndlr) avec le président Dansokho. Nous sommes arrivés à la même conclusion. Nous avons organisé deux grandes manifestations. Mais ce n’est pas suffisant. On devrait pouvoir faire descendre 500 mille personnes à Dakar pour dire à Abdoulaye Wade d’arrêter. Peut-être que nous ne sommes pas suffisamment combatifs. (…). Nous devons créer ce rapport de force avec les syndicats. Nous devons créer un mouvement social et dynamique pour porter la charte de gouvernance.

‘Mais vous n’ignorez pas que les Assises nationales avaient rencontré des difficultés à la fin. Il y avait un débat de savoir s’il fallait créer un comité de suivi ou non. J’étais pour, mais d’autres avaient estimé que les Assises nationales avaient terminé leur travail. Les Assises nationales n’ont même pas pu aller dans les départements pour rendre compte aux populations. (…).

Nous sommes pour une candidature de mission’

‘Après les élections locales de mars 2009, les populations nous ont demandé de garder Bennoo Siggil Senegaal avec toutes les divergences, tout le manque de confiance qui peut y avoir entre nous. Mais nous sommes en train de le construire pour aller de l’avant. A partir de ce moment, il faut réfléchir sur deux axes : Il faut affaiblir le camp d’Abdoulaye Wade. Vous ne pouvez pas battre un régime s’il n’est pas désuni. C’est pourquoi lorsque Macky Sall quitte Abdoulaye Wade et est dans l’opposition, on ne va pas l’insulter.

Lorsque Cheikh Tidiane Gadio quitte, après 9 ans de compagnonnage avec Abdoulaye Wade, vient dans l’opposition, on ne va pas l’insulter. Lorsque Souleymane Ndéné Ndiaye, probablement dans quelques mois, quittera Abdoulaye Wade et viendra l’insulter, on ne va pas l’insulter. C’est ça la politique au quotidien.

‘D’autre part, nous devons montrer dans quelle direction, nous devons aller. C’est notre deuxième bataille. Nous discutons de manière sereine ce qui est la limite du possible dans Bennoo Siggil Senegaal. Qu’est-ce qui va arriver ? Je n’en sais rien du tout. Mais les gens s’interrogent sur la candidature unique ou sur la candidature multiple. Nous, au Mouvement Tekki, nous ne discutons pas de cela. Nous discutons des missions à accomplir et de ceux qui sont capables de les accomplir. Je les connais tous. (…). Il faut qu’on vérifie les qualités des gens. Si on l’avait fait en 2000, personne n’aurait élu Abdoulaye Wade. Cette fois-ci, on va le faire parce que nous n’appartenons à personne et le Sénégal n’appartient à personne. Et on va mener le combat (…).

‘Les défis, c’est comment transformer le mécontentement qu’il y a dans les ménages, dans les villages, dans les hameaux les plus reculés, en une force politique et citoyenne pour bousculer le régime d’Abdoulaye Wade. Je ne trahirais pas un secret en disant qu’à Bennoo Siggil Senegaal, on a du mal à adopter un plan d’action. Nous avons une commission de plan d’action qui fait ce qu’elle peut, mais nous nous avons du mal au sein Bennoo à adopter un plan d’action. (…).

‘Nous sommes pour une candidature unique de mission. Si les missions sont définies, si la tâche de l’armée est définie, il faut un chef d’état major. On n’en a pas besoin de plusieurs. C’est parce que la tâche n’est pas bien définie, c’est parce que les missions sont floues et ne sont pas définies, que chacun dit : ‘Je suis le chef d’État major’. Nous sommes dans le processus de clarifier ces missions, de clarifier les régimes qu’il nous faut et le projet de constitution est là pour ça.

‘Tactiquement, nous sommes dans Bennoo Siggil Senegaal. Nous allons voir comment les choses vont évoluer. Nous sommes dans une procédure de vérification pour savoir si nous voulons prendre le même chemin ou pas. Nous voulons avancer sur les rails de l’émergence de la citoyenneté’.

Propos recueillis par Moustapha BARRY


lire aussi sur www.reussirbusiness.com (1er juillet 2006 ) : Le Sénégal, un lion économique ? Si et seulement si......

sur www.wadeukeubi.com (04-05-2010) : TROIS QUESTIONS À MAMADOU LAMINE DIALLO DE TEKKI : " Il faut auditer la Senelec"

sur www.aps.sn (13-12-2010) : Au Sénégal, 6 ménages sur 10 sont pauvres où vulnérables, selon la représentante de l’UNICEF

et sur www.walf.sn : Mamadou Lamine DIALLO, ancien conseiller technique à la primature : ‘Le Sénégal a besoin d’un président relativement jeune, technocrate, qui connaît les dossiers’



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