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Carnet de route Au cÅ“ur du delta du Saloum : L’île de Betenty, la belle inaccessible

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : vendredi 8 avril 2011
L’île est située au cœur du delta du Saloum, à quelques encablures de la Gambie. La beauté de son paysage est à vous couper le souffle. Sur sa terre, tout ou presque y pousse. Mais les humeurs de la marée en rendent l’accès souvent difficile.Reportage.

source : www.walf.sn

Mardi 8 mars 2011.

Le trajet est passablement long à travers trois heures de pistes poussiéreuses et de routes cahoteuses. Foundiougne, Passy, Sokone, Toubacouta…, les fameux terroirs du Sine défilent, alternant petite bourgade et tableaux bucoliques. De temps en temps, on est rattrapé par les méandres du delta du Saloum, tenace. Tann et bolongs décorent un paysage souvent sec. Il est 18 h, on atteint enfin Missirah (communauté rurale de Toubacouta, département de Foundiougne). C’est de là que l’on doit mettre le cap sur l’île de Betenty, plus à l’est. Fodé Diouf, le président du Comité local des pêches (Clp) de Betenty et son équipe nous attendent déjà. On parlemente, on discute, on pèse le pour et le contre… C’est que la marée est basse et risque d’allonger le trajet. Ici, c’est l’estuaire et tout est donc suspendu aux humeurs lunatiques de cette satanée marée ! Quand elle est basse, l’eau se retire, donc impossible de naviguer jusqu’à la prochaine marée (12 heures plus tard !). Et il est finalement décidé que le cap sera mis sur l’île de Betenty !

La mission de supervision de la Banque mondiale et de la Cellule opérationnelle de mise en œuvre de la composante pêche (Como- Pêche) logée à la Direction des Pêches maritimes, accompagnée des journalistes, embarque avec tout son charroi (caméra, groupe électrogènes, effets personnels…) à bord d’une grande pirogue. On rompt les amarres à 18 h 04 mn. Le paysage est superbe. De l’eau et des forêts de mangrove à perte de vue. Quelques femmes récoltent les fruits de mer, à une poignée de mètres de leurs pirogues. Des oiseaux marins piquent, de temps à autre, du bec dans l’eau, à la recherche de poisson. Si tout se passe bien, le trajet se parcourt en 45 minutes, tout au plus. Mais marée basse obligeant, la pirogue rame et fait un détour aussi long et sinueux que le cours du delta.

Le coucher de soleil est superbe aussi. La nuit commence à tomber, peu à peu et à force de scruter l’horizon, on finit par avoir l’impression que la mer et le ciel ne font plus qu’un. L’ambiance est enjouée et on continue de s’enfoncer au cœur du delta, là où les eaux du Saloum et de l’Atlantique s’unissent. Peu à peu, l’émerveillement du départ cède à la lassitude. D’autant plus que la brise se fait plus fraîche et les embruns plus harcelants.

Au bout de deux heures de trajet, nous apercevons au loin, les lampions de la cité gambienne de Bakau. Nous guettons tel un naufragé guette une bouée miraculeuse, les premières lueurs de l’île de Betenty. Enfin, au bout d’une trentaine de minutes, nous accostons sur les rives de l’île. L’accueil est chaleureux et nous logeons dans un superbe campement touristique construit par le projet du Girmac (Gestion intégrée des ressources marines et côtières). Nous sommes ses premiers hôtes. La fatigue et la faim qui nous martyrisaient durant les deux heures trente de traversée, ne sont plus que de mauvais souvenirs devant les mets aussi succulents que gargantuesques qui nous sont servis.

Crudités, crevettes et poisson frais braisé sont au menu. On les arrose ensuite, de délicieux jus de fruits (bissap, bouye, tamarin), du cru local.

Visiblement, l’île est bonne ! En effet, le nom ‘Betenty’, s’il faut en croire Fodé Diouf, viendrait du mandingue ‘a beteata !’ (‘C’est bon !’), dont les premiers occupants (venus de l’empire du Ghana) qualifièrent l’île lorsqu’ils y mirent les pieds pour la première fois. Vieux de 802 ans, Betenty s’étend sur plus de 12 km² pour 9 000 âmes et est limité à l’ouest par l’océan Atlantique et à l’est par Missirah.

Là où la présence de l’Etat n’est pas sentie

Ici, c’est une banalité que d’y croiser des Diouf, Sarr… mandingues. Sérère à l’origine, la population autochtone a été convertie à l’Islam. ‘Les Sonko et les Marone, venus de la Gambie, enseignaient le Coran à la population locale en langue mandingue. C’est comme cela que le mandingue a fini par s’imposer’.

Betenty est presque béni des dieux. Pendant la saison sèche, les habitants de l’île s’adonnent à la pêche (en pleine production, 800 kg de crevettes, en moyenne, sont chaque jour débarqués), la récolte des fruits de mer (mollusques, huîtres ou ‘yokhoss’, murex ou ‘toufa’, ‘yeet’…) et au maraîchage (oignions, tomate…). La riziculture (environ 2 000 tonnes de riz récoltées par an) prend le relais durant l’hivernage. Mais la remontée de la langue salée dans les rizières y grignote du terrain. L’île exporte du poisson frais ou sec, du sel, du bissap, des noix de coco et des pépinières de cocotiers en Gambie. Le ‘ditakh’ y abonde également. Selon Fodé Diouf, les villageois peuvent tirer de son négoce, des recettes de 4 à 5 millions de francs Cfa par saison.

D’ailleurs, celles-ci ont servi à financer les quatre salles de classe du nouveau Cem ainsi que tout leur mobilier (tables-bancs, tableau), le local des enseignants volontaires et la mosquée. Si l’on en croit Fodé, ’la présence de l’Etat n’est pas sentie ici. Les populations se débrouillent avec leurs propres moyens’. L’assistance provient souvent des projets et programmes financés par les Ong.

Des ombres, toutefois, à ce tableau quasi idyllique : l’enclavement dont souffre l’île, accentué par le phénomène des marées. La pirogue (joliment appelée ici ‘courrier’) est le principal moyen de transport reliant Betenty à Missirah (1 000 F Cfa), Banjul, Djiffer (1 500 F Cfa) ou Sokone (liaison hebdomadaire à 1 500 F Cfa). Pour faire leur marché, les habitants de Betenty vont aux marchés hebdomadaires de Sokone (les mercredis) ou Passy (samedi). Le marché gambien pallie, également, l’absence de boutiques de ravitaillement. La discontinuité dans la fourniture électrique (de midi à 1 h du matin) ainsi qu’un poste de santé attendant désespérément sa sage-femme, sont également l’une des principales doléances.

Cependant, en dépit de ces quelques désagréments, l’île de Betenty dispose d’indéniables atouts tels que sa beauté naturelle, la qualité de vie qui y prévaut ainsi que sa proximité avec l’Ile aux oiseaux dans la réserve du delta du Saloum, pour devenir un lieu de villégiature incontournable. ‘Comme le village est un peu caché, nous voulons l’exposer davantage en y pratiquant l’écotourisme’, promet Fodé. Son tout nouveau campement touristique est déjà un premier pas.

Amadou Oury DIALLO


image : sokone

lire aussi sur toubacouta.info : Caractéristiques du milieu

sur www.walf.sn (29 juin 2011) : Patrimoine mondial de l’Unesco : Le Delta du Saloum sur la liste des nouveaux sites, par Fatou K. SENE

et sur www.aps.sn (30/07/2011) : Les acteurs invités à protéger et promouvoir le Delta du Saloum, par Souleymane Gano





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