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Musicien-trompettiste et gérant du restaurant Le Taïf : Jules Guèye souffle ses convictions

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : jeudi 12 avril 2012
Trouvé au restaurant Le Taïf où il passe le plus clair de son temps, Jules Guèye garde son air d’éternel jeune homme. Allié à une parole forte et engagée celui qui est un témoin privilégié de l’histoire du pays, refuse quand même d’avouer son âge. Toutefois, l’on sait par la richesse et la complexité de son parcours musical qu’il n’est plus tout jeune. Mais comme le dit l’adage, la jeunesse est plus un état d’esprit qu’autre chose. Et chez le Grand Jules, il ne s’agit pas simplement de mots.

source : www.lequotidien.sn - avril 2012

Qui est Jules Guèye et quel est son parcours ?

Je suis musicien trompettiste. J’étais beaucoup plus un musicien de chambre, avant de tenter et réussir le concours d’entrée au conservatoire de Dakar dans les années 81. J’ai fait 13 ans de musique classique avec un prix de trompette et un prix d’excellence. J’ai eu à rencontrer d’excellents professeurs, des Russes avec qui j’ai fait 13 ans, mais au moment de faire mon prix d’excellence, ils sont partis. Alors j’ai eu comme professeur un musicien américain, Sam Sanders, un puriste du jazz très connu, avec qui j’ai fait deux ans pour faire mon prix d’excellence de trompette. J’avais eu une bourse pour l’Afrique du Sud avec l’Unesco, et j’ai fait beaucoup de stages au cours desquels j’ai rencontré de grands musiciens comme Stephan de Batista, le meilleur saxophoniste européen en ce moment et avec qui j’ai fait le premier Festival de jazz de Saint-Louis. Il y a aussi le grand batteur Stephen Di Viera qui a travaillé avec Idrissa Diop. J’ai séjourné à La Havane ou j’ai joué avec La Orchestra Aragon . Au Sénégal, j’ai travaillé avec l’orchestre national, Kiné Lam, les Kassé Stars (l’orchestre de Alioune Kassé), etc. J’ai aussi longtemps joué avec l’orchestre du Méridien président, dans les clubs de jazz, des restaurants et sur la Petite-Côte.

Vous avez intégré un orches­tre aussitôt après le conservatoire ?

Sorti du conservatoire, j’y ai enseigné pendant trois ans. Après je me suis retiré de l’enseignement pour vivre vraiment ma passion musicale.

Dans un groupe pendant ce temps ?

Je parcourais plutôt des groupes. J’étais dans des clubs et orchestres de jazz, de variété, de Salsa avec les Pape Fall, Laba Socé, Balla Sidibé. J’ai fait mes premiers pas avec le Kassé Star au temps du vieux Ibra Kassé, quand ils avaient besoin d’un trompettiste. Avec eux, j’ai beaucoup travaillé la Salsa et le mbalax.

C’est quoi votre histoire avec la trompette en fait ?

La trompette, je l’ai choisie par rapport à une ambiance familiale. Je suis d’une famille de mélomanes, où après le déjeuner, on sortait la chaîne à musique, on mettait les baffles et le thé... On écoutait beaucoup le jazz et la musique latine, et les interventions de trompette et de piano étaient beaucoup commentées. Comme j’étais plus attiré par les instruments à cuivre, arrivé au conservatoire, j’ai commencé par la flûte, avant d’opter pour la trompette. C’est un instrument que j’ai vraiment choisi.

Vous avez étudié le jazz ?

Non, j’ai eu une formation classique. Dans les groupes, j’ai fait un peu de tout, du mbalax, du jazz, de la salsa et même du rap avec Keur gui. Il faut être un musicien. Cela veut dire, être prêt à toutes les tonalités, à tous les rythmes mais aussi avoir une intelligence harmonique qui te permet de t’adapter à toutes les formes de musique. Il ne faut pas dire je suis musicien, je ne peux faire que du mbalax ou que du jazz. Que ce soit de la musique orientale, africaine, occidentale ou hindoue, l’essentiel c’est de connaître les tonalités et de savoir faire des synthèses au niveau des modes. Un musicien qui parvient à connaître les modes s’adapte à toutes les musiques.

Cela veut dire que quand on est bien formé, on peut faire toutes les musiques ?

Je n’ai pas de problème de genre musical. Jazz, funk, mbalax ou musique latine, je n’ai pas de problèmes. Mais il faut toujours avoir un esprit, un jeu, une forme d’expression qu’on reconnaît par rapport à la personne. Toute musique n’est rien qu’un son. C’est ce son dont on essaie de monter la tonalité. Il faut qu’il y ait un son pour qu’il y ait la tonalité et c’est à partir de ce son qu’on fait la tonalité. On ne peut pas faire de musique sans son. En Afrique, en Asie, aux Etats-Unis, c’est toujours le son.

Comment définiriez- vous alors votre style musical ?

Je n’ai jamais été dans un esprit sectoriel musical. Je fais de la musique. Il m’est difficile de dire c’est ça ma musique. Ce que je dis, c’est que dans ce que j’ai à faire, qu’il y ait la consonance et que ça soit agréable à l’oreille. On est dans un monde où il n’y a pas de frontières. Mais il faut donner du plaisir aux gens. Que ce que tu leur donnes puisse les réconforter. Tu peux écouter une musique qui vient de l’Inde ou du Pakistan ou de la Havane, si c’est beau, c’est bien. En musique, il ne faut pas avoir cet esprit trop sectoriel. Je défends la musique et je peux m’adapter à toutes les musiques. Dans mon album, on reconnaît qu’il y a un métissage très fort.

Au Sénégal, il y a des gens qui font exclusivement du mbalax, d’autres du folk… C’est un choix. Je ne dirais pas que je suis un musicien de funk, de mbalax. Je suis un musicien prêt à s’adapter à toutes les musiques. C’est ce qui est important. C’est bien que les musiciens commencent à travailler beaucoup plus dans les cafés, les clubs de jazz, les cabarets, les restaurants. C’est une autre formation qui permet d’avoir beaucoup plus d’écoute par rapport à leur expression et à ce qu’ils font, qui permet aussi de s’exprimer autrement qu’en restant dans les grandes boîtes de nuit. Quand ce sont de petits groupes, ils te font une bonne musique. La grandeur d’un pays se reflète dans le niveau et la grandeur de ses artistes. Si le niveau des musiciens est bas, cela veut dire qu’il n’y a pas de bonnes écoles de musique, pas une bonne formation.

Vous faites allusion au Sénégal quand vous parlez de niveau bas des musiciens ?

Non, je ne dis pas que le niveau est bas. Mais il y a beaucoup à faire en matière de formation. Un pays comme le Sénégal, s’il n’y a pas d’école de musique, c’est grave.

Et pourtant il y a beaucoup de musiciens…

Oui. S’il y avait de grands conservatoires, ce serait hyper important. C’est bien qu’il y ait beaucoup de musiciens, mais le niveau, c’est important aussi. Il faut que les gens acceptent de s’ouvrir, d’apprendre, de travailler. On écoute ici des choses, tu te demandes comment on peut mettre des albums pareils. Désaccordés, des voix qui ne sont pas justes, des harmonies qui ne sont pas en place, tout est décalé et du matin au soir, on te met la même chose avec un tapage infernal. Les animateurs aussi ont une part de responsabilité par rapport à la situation musicale du pays. L’auditeur doit avoir un choix. Du matin au soir, ils mettent n’importe quoi à la radio et à la télévision.

La faute en incombe à qui ?

Une chaîne de télé, avant de diffuser, doit avoir un petit groupe d’écoute, qui visualise ce qui doit passer. Certaines choses qui passent à la télé ou à la radio, n’aident pas la musique.

Est-ce à dire que les artistes comme les animateurs ne sont pas formés,…

(Il coupe) Non, je ne dis pas ça. Il y a des artistes qui sont formés. Mais la musique, c’est la forme d’art la plus accessible et la plus démocratique. Chacun peut faire de la musique. Tu chantonnes un peu, et on te dit : tu chantes bien, on va t’emmener chez un tel qui peut te faire des arrangements. Un mois après, c’est une vidéo qui sort, une production et te voilà devenu artiste...

Dans votre dernier album par exemple, qu’est-ce qu’il y a comme prédominance ?

Yakaar ? C’est un peu dans l’esprit African musik, latine et jazz musik et une touche beaucoup plus classique aussi. Celui qui a travaillé dans la musique latine, le jazz, la variété, c’est forcé que sa musique comporte toutes ces influences. C’est comme le fait même, avant l’album d’avoir une écoute de musique mauritanienne, béninoise… les influences sont toujours là. Mais ce qui reste c’est l’artiste, son jeu et le son.

Quand on parle de vous, on dit tout de suite musicien de jazz ?

Cela me touche un peu. Parce que je ne me suis jamais qualifié de musicien de jazz. Ce que je fais, c’est ce que je ressens, ce que j’ai envie de jouer. Je suis wolof, né dans une famille wolof, mes deux parents sont lébous, mais je ne vais pas faire un combat pour les lébous. Je ne suis pas dans cet esprit musical sectoriel. Je fais de la musique, je peux toucher les lébous comme les peulhs, les bambaras, les chinois.

Quel souvenir gardez-vous de l’aventure du Kassé Stars avec Alioune Kassé ?

Avec Alioune Kassé, on a fait Li ngay djay et Tiaby dji . C’était une très bonne période, vraiment nice quoi. C’était le top, ça tournait bien surtout avec ces deux albums. Et du fait qu’on était d’une même génération, on s’entendait très bien.

Qu’est-ce qui a mis fin à l’aventure alors ?

Je suis un musicien. Je suis très individualiste. Je peux intégrer un groupe, mais si je prends l’option de quitter, je quitte. Avec Alioune Kassé on a fait deux albums, mais à un certain moment, j’avais envie de faire autre chose, de vivre d’autres aventures, de jouer d’autres musiques. Je l’en ai informé. Franchement, on n’a jamais eu de problèmes. Après, j’ai travaillé beaucoup plus au Méridien Président, dans la musique salsa, la musique de variété.

Donc vous suivez juste votre inspiration du moment ?

Je rentre dans plusieurs courants et je ne suis fidèle à aucun. Les Kassé stars, c’était une école, le Méridien, ma rencontre avec Sam Sanders qui m’a formé c’est aussi d’autres écoles. La musique africaine, les sabar, les tanebeer, les kassak, tout cela a été formateur pour moi. Et ce sont ces écoles que j’ai regroupées pour faire quelque chose à quoi on m’identifie.

Vous avez un orchestre ac­tuellement ?

Oui et on tourne.

Vous jouez où ?

Avec les évènements, on avait arrêté. On va reprendre au mois de mai.

Ici ?

Non, dans des clubs dakarois et peut-être aussi au Méridien Pré­si­dent avec la nouvelle gérance.

Quand vous regardez dans le rétroviseur et ce qui se passe aujourd’hui avec des artistes qui émergent de nulle part, vous diriez que les choses ont changé en bien ou en mal ?

Je pense que ceux qui décident de faire du bien continuent à le faire. Mais ceux qui ne sont pas sur la bonne voie, en sont conscients. Ils font un album, un deuxième et puis stop. Ils savent que ce qu’ils font ne peut pas faire long feu. Il ne faut pas les arrêter, parce que la sélection se fera naturellement.

Avez-vous joué dans un orchestre qui vous a particulièrement marqué ?

Partout où je suis passé, cela m’a marqué. Je suis venu à Dakar spécialement pour faire de la musique. Les 13 ans que j’ai fait au conservatoire pour la musique classique m’ont marqué. Le Kassé Stars avec le vieux Ibra Kassé, les Mar Seck, les Laba Socé. Puis avec le jeune Alioune Kassé, Kiné Lam avec l’album Dogo, on a beaucoup joué au Sénégal comme à l’étranger... Les orchestres de Salsa, avec les Balla Sidibé aussi. Ceux qui disent que je fais du jazz, ne comprennent pas. J’ai travaillé avec beaucoup d’orchestres et de grands musiciens comme Stephan di Batista ou Richard Bona avec qui on a fait le premier Festival de jazz de Saint-Louis.

Vous n’êtes peut-être pas de la même génération que les Seydina Insa Wade, le Xalam mais…

Ah non. Ce sont mes grands frères, des gens que j’adorais.

Quelle influence ont-ils eu sur votre musique ?

Surtout le Xalam . Auparavant il y avait quelque chose ici musicalement. Les groupes Batakhal , Séné­mali , étaient de très grandes formations et la musique africaine était dans une tendance très forte. Il y avait les Fêla, les Youg Massekela, le Bembeya jazz . C’étaient des groupes qui travaillaient, qui étaient dans les écoles et répétaient du matin au soir alors que maintenant on fait des albums sans pour autant répéter. Ils se rencontrent dans un studio, on met la musique et puis c’est fini. Des albums où il n’y a même pas de répétitions !

Avez-vous eu à rencontrer les gens de Xalam ?

Oui j’habitais Liberté 6. Et à chaque fois qu’ils faisaient une répétition, je faisais le thé pour eux.

Vous vous souvenez de qui par exemple ?

Ansoumana, Prosper, Henry Guil­la­bert…

Une anecdote ?

Leur concert à la Place de l’Indé­pendance. Je voulais être avec le groupe, mais ils sont partis sans moi. Je me suis débrouillé pour aller seul à la Place de l’Indépendance. Pour accéder à la scène, je me suis approché de Ansoumana le saxophoniste. Je lui ai proposé de porter son saxo juste pour être près de la scène et suivre le concert. Il m’a donné son saxo et m’a pris par la main pour m’amener devant la scène. Ce jour-là, j’ai dansé jusqu’au petit matin.

Il y a une année, le Fesman s’est déroulé juste à votre porte. C’était comment ?

Un évènement phénoménal. Rien à dire sur la qualité musicale, et c’est le plus important à mon sens. Ce qui s’est passé à Dakar et le nombre d’artistes qui se sont rencontrés, même en Europe et au Etats-Unis, c’est difficile de le voir. Il y avait les meilleurs artistes du monde, dans tous les genres. J’avais monté une scène ici. Juste après le concert, ils jouaient au restaurant ( Le Taïf ) avec moi. Chaque soir, il y avait un concert.

Vous avez reçu quel artiste ?

Le groupe Renn Jazz par exemple. Et aussi Habib Faye.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ? Du Taïf vous êtes aux premières loges…

La scène très imposante, la prestation des artistes, le son. Et depuis 19 ans que je suis là, je n’ai jamais entendu un son aussi agréable à écouter. C’était le top.

Et ce n’était pas plus mal pour vos affaires aussi ?

J’ai l’habitude de recevoir du monde mais le Fesman, c’était beaucoup de monde.

Et sur d’autres aspects ? Pourquoi on ne vous a-t-on pas vu sur scène ?

Ce que je devais faire, c’était beaucoup plus au monument de la Renaissance. Et comme on a labellisé le restaurant, je me suis dit qu’il n’était plus nécessaire que j’aille jouer là-bas. J’ai donc mis ma scène au restaurant et j’ai fait venir des artistes avec qui j’ai joué chaque soir ici.

Après le Fesman, il y a eu des évènements beaucoup moins joyeux…

L’élection présidentielle ? Oui. Il fallait s’y attendre. 2000 m’avait trouvé ici, 2007 et 2011 aussi. On est dans un environnement où il y a beaucoup de tension. Parfois c’est la fête, d’autres fois, c’est la tension. Il faut savoir s’adapter.

Comment vous avez vécu ces évènements qui ont précédé la campagne électorale ?

J’étais prêt. Pour vous dire, quand il y avait une manifestation, les policiers étaient toujours là avant l’heure. Ils viennent d’abord ici au restaurant, ils mangent et ils vont prendre position. Après quand les manifestants arrivent, ils viennent aussi s’asseoir ici pour manger ou boire un verre. Tu peux rester 3h de temps sans problèmes, ou chacun reste dans son coin, c’est cool. Mais aussitôt après les discours, les choses commencent…

Il y a eu des jours où la tension était extrême, comme le jour où on a tué Mamadou Diop. Vous étiez où ce jour-là ?

J’étais là. (Il le répète plusieurs fois)

Qu’est-ce que vous vous rappelez de ces évènements ?

En ce moment-là, j’étais à l’intérieur pour sécuriser le restaurant. Mais cela a été un choc. Personne n’est venu ici pour se faire tuer. Chacun avait sa position à défendre. C’était vraiment dur et tous ceux qui ont été au courant étaient vraiment blessés. Mais à un certain moment, la situation était trop difficile à contrôler.

Comment vous êtes-vous protégés de toutes ces grenades lacrymogènes ?

Nous en avons reçu plusieurs. Il fallait être prêt. Et je l’étais. Cela fait des années que je suis là et la majeure partie des marches se terminent comme ça.

Cela veut-il dire que vous aviez pris des précautions ?

Souvent, les manifestations se terminent comme ça. Si c’est la fête, c’est sûr que les gens ne vont rien casser. Comme le jour où Macky a gagné. Il faut être prêt.

Et sur le plan financier ? Ca s’est aussi répercuté sur votre chiffre d’affaires non ?

Ah oui. C’est sûr. La vie, ce sont des hauts et des bas. Quand c’est un concert, on ne se plaint pas, donc il faut accepter ce qui arrive.

Pendant les manifestations, est-ce qu’il est arrivé que vous vous trouviez physiquement en danger ?

Pas du tout. J’assure ma propre sécurité. Je ne me laisse pas faire.

Vous avez recruté des nervis ?

Non. Moi-même je suis un nervi.

Comment êtes-vous venu à la restauration ?

A mon retour de la Hollande, comme j’habitais à proximité, un soir j’étais là juste à l’arrêt du bus. J’ai vu qu’il y avait un petit magasin. C’était la période où il y avait des télécentres, je me suis dit, pourquoi ne pas en monter un ici avec d’autres petites choses. C’est comme ça que cela a démarré, après j’ai monté le restaurant.

Q ui fait la cuisine ? Vous ?

Je ne sais pas la faire, j’ai un cuisinier.

Beaucoup de musiciens se sont engagés dans la campagne électorale. Qu’en pensez-vous ?

C’est un choix personnel. Moi je n’ai pas le temps de faire de la politique.

C omment vous appréciez-vous l’engagement des uns et des autres ?

Il m’est difficile de les juger. Parce que c’est leur propre choix.

Pensez-vous qu’un artiste doit être engagé ?

Partout dans le monde les artistes s’engagent en politique. C’est un choix personnel. Mon choix à moi, c’est de ne pas m’engager et je ne vois rien qui pourrait me pousser à le faire.

Ces gens-là y trouvaient peut-être un intérêt ?

C’est un point de vue. Je ne pense pas d’ailleurs qu’on fasse quelque chose dans ce monde sans espérer y gagner quelque chose. Si je ne fais pas de politique, c’est parce que je n’y vois pas mon intérêt.

Le Taïf, vous avez quel genre de clientèle ?

Ici c’est tellement diversifié. Aussi bien les ministres que les ouvriers, les préfets, les journalistes et surtout les artistes, tout le monde vient ici. Je l’ai fait de telle sorte que c’est un restaurant qui est à portée de toutes les bourses. Chacun a la possibilité d’entrer ici et de trouver ce qui correspond à sa bourse. C’est un restaurant accessible et les gens reconnaissent que ce n’est pas cher.

Quelques personnes ?

Les gens connaissent bien le coin. Il y a des artistes comme Idi Diop, Aliou­ne Kassé, Fallou Dieng, Ma­penda, Salam, Shoula, Malouda, Mariama etc. Ce sont des gens qui viennent pour prendre un pot et discuter, je ne peux les citer tous.

En tant que musicien, vous avez des aspirations par rapport au nouveau régime ?

Ce qui me réconforte et qui est important, c’est que le pays soit paisible. Et il y a un nouveau souffle qu’on est en train de vivre. Les gens sont beaucoup plus sereins et confiants. Sur le plan démocratique, c’est un pas important. Les gens ne s’attendaient pas à ce qu’on sorte aussi facilement de la situation.

Pour le nouveau régime, je leur demande de préserver, de renforcer cette démocratie et de monter une équipe vraiment travailleuse. Il faut vraiment que les gens travaillent. Il n’y a pas de secret. Que les gens arrêtent de s’enfermer dans des bureaux climatisés et descendent sur le terrain ! Mais aussi qu’on cherche à développer l’agriculture et l’élevage. Un pays ne peut pas se développer si son agriculture et son élevage ne le sont pas. Il faut qu’on aide les agriculteurs et les éleveurs.

Une attente personnelle ?

J’ai toujours été trop individualiste. Je me suis toujours battu pour moi-même. Il faut être quelque part et être utile. Des Sénégalais sont au Japon et sont utiles là-bas, ils y sont mariés et y achètent des maisons. Pareil ailleurs. Il faut chercher à être utile là où tu es.

Vous êtes marié ? Plutôt divorcé

Cela fait longtemps ?

Depuis 7 ans

Vous n’avez pas retrouvé chaussure à votre pied ?

Je ne suis pas prêt parce qu’il faut alléger mon rythme, être beaucoup plus… (Il ne termine pas) pour gérer une famille encore.

C’était difficile à ce point ?

Non, ce n’était pas difficile mais je suis dans une phase où je ne suis pas encore bien rangé. Quand je le serai, je pourrai gérer une famille.

Dans vos rapports avec les femmes, vous êtes le chasseur ou la proie ?

Mais je suis un hom­me.

Et ?

Chaque homme a ses pulsions. Dans ce monde-là maintenant, c’est récipro­que. Parfois tu peux voir une fille et te dire qu’elle t’intéresse. Et le lendemain c’est toi qui intéresses. Tu peux aller vers elles ou ce sont elles qui viennent vers toi...

Votre ex-femme est plutôt célèbre…

Pas célèbre mais elle est couturière, coiffeuse. C’est Bineta Khouma.

Pourquoi vous avez divorcé ?

C’est un peu difficile. Je suis quelqu’un qui ne dort pas la nuit. Même marié, à 23h, je suis parti. Et c’est depuis mon enfance, je ne dors pas la nuit. J’ai un rythme un peu renversé. Quand les gens sont dans leur journée, moi je suis dans la nuit.

Et ça a créé des problèmes ?

Ah oui. Je commence à fonctionner à 17h jusqu’à 8h du matin.

Vous êtes resté marié longtemps ?

5 ans. Là, je me sens très bien dans mon célibat. Même si je sais qu’il faut que je me marie. C’est évident et je connais les réalités culturelles. Mon aînée à déjà 22 ans.

Vous attendez quoi pour vous remarier alors ?

Je n’attends rien. Absolument rien. Je ne veux rien presser c’est tout.

Vous cherchez un type particulier de femmes ?

Non, je n’ai rien à chercher de particulier. Le mariage, c’est quel­que chose qu’on ne prépare pas. Un homme peut rencontrer une femme aujourd’hui et le lendemain ils se marient. Je ne cherche rien. Je vais me réveiller un jour et me marier. Quand je vois des gens qui en font une fixation, cela me dépasse.

Ce n’est pas trop difficile pour votre entourage familial ?

Non du tout. J’ai commencé à gérer ma vie à l’âge de 12 ans. Ma famille me comprend très bien.

Vous aviez un projet de jouer avec Boucounta Ndiaye ?

Je suis dans ces projets parce que je suis très mixte en musique. On allait le faire il y a quatre ans mais malheureusement, il a eu une fracture. Je pense faire aussi quelque chose avec les femmes du Boundou. En musi­que, je ne fais que des recherches. J’ai envie d’écouter une chose, je fais cette chose et je la partage avec les gens. C’est ma conception.

Qu’est-ce qui vous intéressait chez ce vieux ?

Ce vieux a quelque chose de très profond. Et c’est à nous de revisiter ce qu’on a derrière, ces très belles choses auxquelles on peut donner de la valeur pour que les générations futures puissent connaître ce genre de musique.

Votre première petite copine, c’était quand ?

(Il refuse de répondre d’abord) J’ai vraiment oublié. Je ne sais même plus qui c’était. En ce temps-là, ce n’était pas le plus important. C’est la preuve que ce n’était pas si sérieux que ça.

Vous avez quel âge ?

C’est indiscret comme question.

Vous avez aussi un verger ?

Oui, je fais beaucoup de fruits, papaye, orange, mandarine, pamplemousse que je vends ici.

D’habitude les artistes n’ont pas le sens des affaires ?

Au Sénégal, les artistes ont assez de temps pour faire de la musique et faire autre chose. Même aux Etats-Unis ou en Europe, être dans le milieu artistique n’empêche pas de faire autre chose. Je ferai tout pour que mon art, que j’aime beaucoup, ne soit pas mon quotidien. Pour me permettre de faire ce que j’ai envie de faire. Les albums que je sors, c’est parce que je ne suis pas dans un esprit commercial. Je fais ce que je ressens musicalement et je le partage avec le peu de gens qui ont envie d’écouter autre chose. Si j’étais uniquement musicien, je serais peut-être plus entraîné vers le mbalax. Mais je cherche à faire autre chose qui me permet de ne pas dépendre de la musique.

Vous êtes amateur d’alcool ?

Non, je n’y touche pas. Je ne fume même pas. Le restaurant a une grande licence qui me permet de vendre de l’alcool. Mais je ne l’utilise pas.

Mame Woury Thioub




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