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Espagne : les immigrés s’organisent

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : lundi 15 juin 2009
Le Syndicat des ouvriers agricoles d’Andalousie forme les travailleurs, pour la plupart africains et sans papiers, à devenir des relais dans leurs communautés. Une soirée de soutien était organisée vendredi à Genève

source : www.droitshumains-geneve.info - 7 juin 09

«  Nous sommes les seuls à nous occuper des travailleurs immigrés dans la région d’Almeria, sans recevoir aucun sou de l’Etat ! », s’emporte Abdelkader Chacha, directeur de la section d’El Ejido du Syndicat des ouvriers agricoles d’Andalousie ( SOC ). A l’entendre, il n’est pas bien vu de militer pour les droits des clandestins en Espagne, surtout depuis que le gouvernement procède à des contrôles d’identité, des fouilles et des expulsions de plus en plus fréquents.

Pourtant, seuls les immigrés s’échinent à ramasser tomates et fraises sous l’implacable soleil d’Andalousie, dans la plus grande concentration mondiale de serres en plastique qui s’étendent, à perte de vue, sur 40.000 hectares. Ils seraient 150.000 aujourd’hui, pour la plupart des Africains et des Maghrébins sans papiers, à produire trois tonnes de légumes par an, dont la moitié sont exportées vers l’Europe.

« Jusqu’au début 2007, les salaires de nos syndicalistes permanents venaient du siège de Séville, continue Chacha. Ensuite les problèmes de financement ont commencé, à cause de l’activisme du SOC, dont la section de Séville se heurte ouvertement au gouvernement en expropriant et redistribuant les terres des latifundistas, les grands propriétaires terriens. C’est un syndicat très engagé qui s’est attiré les foudres de tous. » Des activistes du SOC, surtout Marocains, sont régulièrement victimes d’agressions racistes dans la région d’Almeria et certains ont même été assassinés.

Solidarité internationale

Cette défection étatique contraste avec un élan croissant de solidarité international qui permet au SOC, tant bien que mal, d’ouvrir des antennes dans des villages dispersés et de mettre sur pied des cours de formation. Parmi les partenaires, le Forum civique européen, présent à Almeria pendant le pogrom anti-marocain de 2000, où des milliers de personnes ont participé à la « chasse aux Maures », faisant une soixantaine de blessés et détruisant des magasins et des habitations. Le SOC bénéficie aussi d’un comité de soutien à Genève, emmené par Alvina Garcia, une « secunda » genevoise touchée par les conditions des immigrés dans son pays d’origine. « Pour moi, ça a été une prise de conscience et un coup de cœur », nous confie la jeune Espagnole, qui organisait vendredi une soirée de soutient au Sack’s Café, à Genève.

Un Comité de solidarité et d’action s’est aussi mis en place à Arles, en 2004, comprenant le Forum civique européen, le CODETRAS (Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l’agriculture), le Groupe Méditerranée d’Attac et la Ligue des droits de l’homme . Il a lancé une grande campagne européenne de collecte de fonds pour aider le syndicat à ouvrir des locaux à Almeria. En Suisse, le SOC est soutenu par la Communauté genevoise d’action syndicale.

Formation au droit du travail et à l’action syndicale

« Nous avons dit aux travailleurs, dont beaucoup sont analphabètes et parlent à peine l’espagnol : stop ! Il faut que vous soyez acteurs de votre propre destin, que vous sachiez vous défendre malgré les fortes pressions de l’administration, continue Spitou Mendy, syndicaliste sénégalais. Dans chaque village, nous avons formé des groupes d’apprentis syndicalistes qui vont servir de relais pour multiplier l’information au niveau des camarades. »

Concrètement, une vingtaine de travailleurs ont été initiés au droit du travail, à l’action et la communication syndicale. « Nous leur expliquons qu’un bon contrat stipule une embauche de telle à telle date et non « jusqu’à la fin de la récolte ». Car celle-ci peut se terminer à tout moment et le travailleur se retrouver sans emploi et sans aucun juge pour lui donner raison.

Le SOC aide aussi les ouvriers agricoles à comprendre la loi sur les étrangers, qui permet la régularisation au bout de trois ans ininterrompus de séjour en Espagne. Mais pour l’obtenir il faut toute une panoplie de papiers - certificat de domicile, carte médicale, compte bancaire – que le travailleur n’est pas toujours en mesure de fournir.

« Nous leur apprenons à faire valoir leurs droits, continue le dynamique Sénégalais. Nous sortons la charte des droits de l’homme pour les convaincre qu’ils ne sont pas des personnes de seconde zone, malgré les politiques restrictives de l’Union européenne. Beaucoup étaient prêts à se jeter à la mer pour arriver en Espagne, mais ils ont déchanté ! Il y a de nombreux malades mentaux dans les villages. Avec la crise, ils sont devenus visibles et vont jusqu’à manger dans les poubelles. Il faut que chaque ouvrier soit prêt à se battre à armes égales avec son patron. Il doit se dire : je veux un côté plus humain dans ce contrat, sinon je sais où porter plainte. »

Abdelkader estime que les premiers résultats de la formation, lancée au début de l’année, sont déjà visibles : «  On observe un changement. Les gens sont mieux informés et la situation s’améliore, même si nous sommes quatre chats et manquons cruellement de moyens. »

A ce jour, une vingtaine de participants sont inscrits au cours, dont le coût est estimé à 3.000 Euros par personne. La soirée genevoise devrait ramener quelques 12.000 francs.

Isolda Agazzi/InfoSud/Tribune des droits humains




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