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Accaparement du littoral : Les cités « déboisent » les filaos

  Enregistrer au format PDF  envoyer l'article par mail title=    Date de publication : dimanche 4 janvier 2015
Le long du littoral de Guédiawaye, se déclinent de nouvelles cités qui ont fait sauter le barrage de filaos qui protège ce quartier de la remontée de la mer. Dans les prochaines années, on regrettera probablement ces options.

source : www.lequotidien.sn - 3 janvier 2015

En cette fin de journée, le soleil se décline petit à petit derrière l’horizon. Vers 17h 30, des jeunes, résidant aux abords du littoral, jouent au ballon rond. Le terrain est sablonneux. Une foule compacte se dirige à la plage. Convergeant à la plage, les ruelles drainent du monde.

L’endroit est très prisé à cause de la brise marine. Les associations citoyennes de la Ville veulent, à tout prix, préserver la beauté, l’attraction et la quiétude des quartiers établis le long de la bande verte. « C’est une question de survie », dit-on. « Nous devons préserver et régénérer ces plantations dont la durée de vie est de 25 ans, afin que les générations futures puissent trouver des portions vivables », plaide un jeune homme engagé pour la protection du littoral. Les mouvements citoyens dénoncent la présence de promoteurs sur le littoral. Ils parlent « d’accaparement ». « L’Etat et les collectivités locales, avec la délivrance d’autorisations de lotir, ont quasiment détruit l’environnement du littoral. Des autorisations de lotir ont été accordées à des promoteurs immobiliers dans les limites de la bande verte -2,7 ha derrière la cité des Ensei­gnants­/Golf nord- ; lotissement autorisé à Gadaye, édification de maisons près de la cité Comico, etc. », liste Mamadou Dieng qui précise que les autorités locales ne se sont pas limitées à des cimetières. « Elles en ont profité pour utiliser d’autres espaces. Et le maire qui était là disait que nous sommes contre sa politique. Aujourd’hui, l’histoire nous a donné raison. Tous ces actes affaiblissent le littoral qui devait être protégé », s’indigne-t-il.

A l’occasion d’une rencontre organisée en 2008, El Hadj Ama­dou Bèye, président de Sos Litto­ral , a indiqué qu’il y a une spéculation élevée sur la bande qui, encourage-t-il, doit inciter les populations locales à se mobiliser davantage pour la sauvegarder. « Avec le boom de l’immobilier dans la capitale sénégalaise, les entrepreneurs en redemandent. Si l’on n’y prend garde, la mer envahira nos maisons comme à Rufisque », alerte-t-il. Ainsi, M. Dieng constate que, malgré l’opposition des populations fondée sur des arguments de survie face à des menaces réelles (inondations, avancée de la mer, érosion) et basée sur l’évocation de textes juridiques et documents de planification spatiale (codes de l’Environ­nement, Forestier, Urba­nisme, etc.), la destruction du littoral de Guédiawaye continue de pus belle. « Les appétits fonciers des promoteurs immobiliers et même des particuliers sont très visibles. Habiter au bord de l’océan est une opportunité inouïe pour tout Sénégalais. Mais, cet idéal de vie ne doit pas bafouer les règles environnementales et d’urbanisme prescrites par les codes et plans d’aménagement », explique Mamadou Dieng.

Actions citoyennes

A l’échelle locale, les populations, en croisade contre ces actes contre-productifs sur le littoral, avaient créé des comités de surveillance, lancé des campagnes de sensibilisation, etc. Des habitants se portaient volontaires pour monter la garde et patrouiller, afin de pallier le manque d’agents des Eaux et forêts. Bref, les riverains avaient développé une panoplie d’actions pour sauver la façade maritime. Et, malgré tout, les « prédateurs » persistent. Les dégâts sont énormes.

Mamadou Dieng rappelle les initiatives qui ont été entreprises ces dernières années, à différents niveaux (populations, collectivités locales et Etat), pour assurer une meilleure gestion du littoral nord. Il s’agit, entre autres d’opérations d’assainissement ou « set settal », de campagnes de reboisement, d’actions de police de la brigade de l’Environnement et du service départemental des Eaux et forêts, de l’élaboration d’un profil environnemental, l’organisation d’une consultation de ville et de fora communautaires, la mise en Å“uvre de projets de démonstration, l’élaboration d’un schéma directeur d’aménagement de la Grande côte, l’étude ou la proposition d’une loi qui régirait tout le littoral sénégalais. « Avec la raréfaction des espaces, on peut promouvoir l’agriculture urbaine à Guédiawaye pour générer des revenus, réduire la pauvreté et initier les acteurs à des activités de reboisement pour protéger le littoral en vue d’occuper sainement le milieu. Et ils peuvent même y faire des aménagements paysagers, créer des parcours pour ceux qui font du sport. Donc, il faut que la mairie puisse mettre la main à la pâte, de même que l’Etat pour qu’on préserve ce qui reste du littoral », formule l’ancien coordonnateur de l’Agenda 21.

Pour détourner les « prédateurs » de ces pratiques, M. Dieng milite pour l’application rigoureuse de la loi et textes réglementaires. « Il y a beaucoup de textes : le Code de l’environnement, le Code de l’urbanisme, le Code minier, le Code de l’hygiène, etc. Tous ces codes peuvent être appliqués. Et il y a des peines que les prédateurs encourent. Donc, il faut une force de répression pour les faire appliquer. Malheureusement, les Eaux et forêts existent, mais ils ne sont pas bien dotés », remarque-t-il.

D’après ces populations, la police, la gendarmerie et les Eaux et forêts intervenaient, mais ils n’ont pas réussi à faire reculer ou stopper le phénomène. « Ils ne viennent plus. Peut-être qu’ils ne sont plus motivés ou bien ils n’ont plus de moyens », informe un jeune homme de taille moyenne. Ainsi, toute cette batterie de mesures et d’actions n’ont pas réussi à barrer la route aux « prédateurs » du littoral. Ils perturbent la quiétude des populations riveraines. Dans l’angoisse, elles annoncent qu’il est temps de prendre les dispositions urgentes, efficaces et durables pour stopper net la disparition de ce qui reste de l’environnement du littoral de Guédiawaye.

Pape Nouha SOUANE (pnsouane@lequotidien.sn)


lire aussi sur www.lequotidien.sn (3 janvier 2015) :Prolongement de la VDN, cimetières de Guédiawaye, nouvelles cités, etc. : Peur bleue sur le littoral





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